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CCSI-info mai 2015

Publié le 19 mai, 2015 dans


bulletin d’infos | mai 2015
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Édito | Marianne Halle

L’intégration, c’est bien. Tout le monde est pour. Comment être contre, d’ailleurs, tant ce terme est devenu un fourre-tout dans lequel chacun peut mettre ce que bon lui semble ? Jugez plutôt. L’intégration, en théorie, c’est ce processus réciproque au terme duquel la personne migrante et la société qui l’accueille parviennent à vivre ensemble en bonne harmonie.

Mais l’intégration, cela peut être aussi bien l’assimilation totale que certains exigent des personnes étrangères, à savoir une conformité avec un « mode de vie suisse » qui n’existe que dans les fantasmes de certain nationalistes nostalgiques d’une Helvétie qui n’a jamais eu cours en-dehors des cartes postales, tout en estimant que ni la population ni les institutions locales ne devraient pas avoir à lever le petit doit pour accueillir l’autre et lui aménager un espace.

L’intégration, cela peut également être cette procédure coercitive à laquelle on soumet, dans certains cantons, les personnes migrantes dont on préjuge qu’elles font partie d’un groupe « à risque », en leur faisant signer des contrats d’intégration asymétriques et contraignants, qui contiennent des objectifs que la personne doit remplir sous peine de voir son autorisation de séjour lui être retirée.

L’intégration, c’est aussi le principe au nom duquel le Conseil fédéral ose proposer, pour la énième fois, des restrictions aux droits des personnes migrantes, notamment dans le domaine du regroupement familial (voir page 4). En effet, c’est dans le cadre de la révision de la Loi sur les étrangers – appelée à devenir Loi sur les étrangers et sur l’intégration, justement – qu’on propose désormais de refuser le regroupement familial aux personnes dont le logement sera jugé inadéquat, ou qui perçoivent des prestations complémentaires. C’est aussi au nom de l’intégration qu’on n’hésite plus à révoquer l’autorisation d’établissement de personnes qui, après 35 ans de séjour en Suisse, émargeraient durablement à l’aide sociale.

Fort heureusement, d’autres visions de l’intégration viennent parfois contrebalancer le sombre tableau que nous venons de dresser. Des campagnes telles que celle récemment menée par le BIE et la Chancellerie pour promouvoir le droit de vote des personnes étrangères en est un exemple édifiant. En disant aux étranger-ère-s « vous faites partie de cette société, vous avez le droit de vous exprimer démocratiquement sur la direction que vous souhaitez lui voir prendre », elle a contribué à forger un sentiment d’appartenance et à encourager le vivre ensemble de manière simple et efficace (voir page 2).

C’est aussi ce que tentent de faire au quotidien nombre d’associations qui, comme le CCSI et tant d’autres, pratiquent une politique d’ouverture, d’accueil, de non-discrimination et de lutte pour l’accès aux droits. Car nous sommes convaincus, aujourd’hui plus que jamais, que la véritable intégration est indissociable de l’égalité des droits pour toutes et tous. Bonne lecture !


2015-08-27 at 12.09Le CCSI, ennemi de la Suisse libre?

Début avril, on nous a informés que le CCSI avait été placé dans la catégorie des « ennemis de la Suisse libre » par le journal ultraconservateur alémanique Schweizerzeit. Alertés, nous nous sommes renseignés sur ce qui nous valait l’honneur de porter un titre aussi lourd de sens. Sachant que le fondateur et rédacteur en chef du Schweizerzeit n’est autre qu’Ulrich Schlüer, ex-conseiller national UDC, père spirituel de l’initiative contre les minarets, et l’une des rares personnes à avoir fait l’objet d’une plainte pénale pour infraction de la norme antiraciste, nous n’avons pas eu à chercher très loin l’explication de notre nomination.

Vérification faite, il s’avère que l’illustre publication, dans le cadre d’un article de soutien à l’initiative UDC « le droit suisse prime le droit étranger », s’est bornée à prendre la liste des membres de la campagne « Facteur de protection D » – à laquelle le CCSI participe et qui combat ladite initiative – et à la republier telle quelle sous la mention « Feinde der freien Schweiz ».

Si l’affaire n’a suscité aucune réaction en Suisse romande, elle a fait grand bruit en Suisse alémanique, où le public a notamment vu d’un plutôt mauvais œil le fait que des organisations aussi établies et respectées que Caritas ou Terre des Hommes (elles aussi membres de la campagne) soient qualifiées d’ennemies de la nation.

Au final, le coup du Schweizerzeit a donc plutôt desservi la cause qu’il défendait. Cela étant, le mérite de ce retournement de situation revient en grande partie aux responsables de la campagne, qui ont su réagir rapidement et créer un élan d’indignation publique à l’égard de ce procédé d’un autre temps. Notons au passage que l’affaire a eu pour effet collatéral de faire un sacré coup de pub à la campagne… S’il peut à priori prêter à sourire, cet épisode témoigne néanmoins d’un climat nauséabond qui rappelle des heures très sombres, et constitue à ce titre un signal inquiétant auquel nous restons attentifs.


Droits politiques des étranger-ère-s

Les élections municipales qui viennent d’avoir lieu dans le canton sont les troisièmes élections auxquelles les personnes de nationalité étrangère résidentes depuis plus de huit ans à Genève ont pu participer. En effet, cela fait dix ans que l’une des initiatives « J’y vis, j’y vote », que le CCSI avait évidemment soutenues, a été acceptée par le peuple et que les étranger-ère-s peuvent donc voter et élire sur le plan communal.

Cette année, afin d’encourager la participation (toujours plus faible que la moyenne) des étranger-ère-s au scrutin, le Bureau de l’intégration des étrangers et la Chancellerie ont mené une imposante campagne publique de promotion du droit de vote auprès des populations concernées sur le thème « J’ai huit ans, je vote dans ma commune ». Si, selon les premières estimations, la campagne a eu un impact positif sur la participation effective des étranger-ère-s, elle aura surtout offert une reconnaissance bienvenue aux premier-ère-s concerné-e-s.

Mais la bataille pour les droits politiques complets sur le plan cantonal étant loin d’être gagnée, l’association « Droits politiques pour les résident-e-s à Genève » a su saisir l’occasion en lançant une campagne justement intitulée : «Ça fait 10 ans que j’ai 8 ans : il est temps de grandir ». Elle organise dans ce cadre une table ronde sur le thème « Citoyenneté genevoise et population étrangère : droits politiques des étranger-e-s en Suisse et à Genève – où en sommes-nous ? », le 2 juin à 18h30, à Uni-Mail, salle MR170.


L’Europe indigne face à la tragédie

Alors que les catastrophes se succèdent et que nous assistons impuissants au décompte macabre du nombre de victimes migrantes décédées en mer alors qu’elles cherchaient à atteindre les côtes de notre continent, les gouvernements européens se montrent incapables de proposer des solutions qui sortent du paradigme sécuritaire. La déclaration dont nous reproduisons un extrait ci-dessous, intitulée « Morts en Méditerranée : le déshonneur du Conseil européen » et publiée au lendemain de la séance du Conseil européen réuni d’urgence suite aux différents naufrages en Méditerranée, a été contresignée par de nombreuses organisations européennes de défense des droits humains.

« En ce mauvais jour du 23 avril 2015, le Conseil européen qui devait enfin « agir » sur une situation « dramatique » en Méditerranée, s’est contenté de tenter de mettre l’Union européenne et ses États membres à l’abri des migrants en renforçant la protection de ses frontières.

À ces milliers d’êtres humains, femmes, hommes et enfants qui risquent la mort, et souvent la trouvent, en tentant de rejoindre des lieux pour se reconstruire et vivre, les chefs de gouvernement européens, réunis à grand bruit, n’ont eu qu’un seul message à leur envoyer : « Sécurité ! ». Ils n’ont pas cherché à sortir d’une concurrence entre les États membres, essayant chacun de prendre le moins possible des migrants après avoir rejeté tous les autres. Quant au mot « accueil », il ne fait pas partie du vocabulaire des chefs de gouvernement.

Lutte contre l’émigration avec l’appui des pays tiers, reconduite à la frontière, refoulement, rétention dans les centres spécialisés, pénalisation de l’entrée… Voilà ce que vont connaître les survivants quand elles et ils auront fini de compter leurs morts. Le Conseil européen en prenant ces mesures honteuses considère que sa responsabilité n’est pas engagée. Il ajoute ainsi aux morts son propre déshonneur. […] »

Depuis lors, la Commission européenne a elle aussi donné son point de vue dans ce débat. Sans surprise, elle préconise elle aussi d’allouer plus de moyens au volet purement sécuritaire de la politique migratoire européenne, ainsi qu’une augmentation des renvois de personnes en situation irrégulière et des requérant-e-s débouté-e-s. Pour se donner meilleure conscience, elle suggère d’accueillir le chiffre dérisoire de 20’000 réfugié-e-s en provenance de Syrie, sur une durée de deux ans et pour l’ensemble de l’Union. À titre d’exemple, cela impliquerait pour un pays comme la France d’absorber… 2375 personnes. En outre, elle propose de mieux répartir les migrant-e-s qui ont atteint l’Europe entre les Etats membres, selon un système de quotas obligatoires fixés sur la base de critères tels que le PIB, la taille du pays, le taux de chômage, etc. L’idée a immédiatement soulevé un tollé, ainsi que les oppositions officielles de la Grande-Bretagne, de la France, et d’autres encore. Face à ce déferlement de lâcheté politique, et au refus de toute forme de responsabilité collective quant aux causes profondes de ces flux migratoires, notre seule consolation réside dans le fait que la crise actuelle démontre à l’évidence que le système de la forteresse Europe et des accords de Dublin a atteint ses limites, et qu’il doit être repensé de fond en comble. Notons enfin que les critiques ci-dessus s’appliquent tout aussi bien à la Suisse, dont l’attitude ne diffère guère de celle de ses homologues européens.


Révision de la LEtr: craintes confirmées

Dans la mesure où nous avons toujours affirmé avec force notre rejet de l’initiative « contre l’immigration de masse », acceptée par le peuple le 9 février 2014, le projet de mise en œuvre de cette dernière ne pouvait pas nous plaire. Les textes que le Conseil fédéral a soumis à consultation confirment nos pires craintes quant aux effets de l’initiative sur les droits des personnes migrantes. Notons que ces projets concernent uniquement la Loi sur les étrangers (LEtr), les aspects liés à l’Accord sur la libre circulation des personnes faisant encore l’objet de « négociations » avec Bruxelles.

Le Conseil fédéral prône donc une application stricte de l’initiative : tous les types de permis – y compris ceux relevant de l’asile et du regroupement familial – sont soumis au contingentement et accordés « selon les besoins de l’économie ». Ainsi, le conflit avec les normes fondamentales du droit international telles que le droit à la vie familiale ou le principe de non-refoulement est programmé. Le fait que cette solution soit privilégiée par les plus hautes autorités du pays constitue un signal très négatif quant au respect de ces normes par la Suisse. Les effets concrets de cette révision sur les personnes migrantes seront dévastateurs. À terme, loin de freiner l’immigration, ils ne feront qu’encourager le recours à la migration irrégulière, avec son cortège de précarité, de non-droits et de vulnérabilités.

La mise en œuvre de l’initiative de l’UDC fournit également l’occasion de finaliser la révision de la LEtr entamée il y a plusieurs années, et dont l’objectif était d’ancrer dans la législation le principe « encourager et exiger » qui fonde la politique fédérale en matière d’intégration. Dans les faits, le projet actuel confine à l’absurde : aucun droit supplémentaire pour les personnes qui auraient réussi à satisfaire les nombreuses exigences tout au long de leur parcours d’intégration, mais des durcissements à n’en plus finir (regroupement familial interdit aux personnes qui perçoivent des prestations complémentaires ou dont le logement est jugé trop exigu, nouveaux motifs de révocation de permis – dont le plus que fumeux fait de n’être « pas disposé à s’intégrer en Suisse », possibilité de révoquer le permis C en tout temps, etc.).

Au final, c’est l’ensemble des permis qui ressortent fragilisés de cette révision. Ainsi, au nom de l’intégration, on en vient à s’attaquer notamment à deux des piliers sur lesquels il est pourtant démontré que ce processus repose: la stabilité du séjour, et la possibilité de vivre en famille. Pour voir notre réponse complète à cette consultation, rendez-vous sur notre site internet, où nous mettrons prochainement en ligne la prise de position que nous préparons avec d’autres associations concernées (www.ccsi.ch).


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Travailleuses domestiques sans statut légal: quelles luttes, quelles revendications ?

Lors de la quatrième action internationale de la Marche mondiale des femmes (un réseau féministe d’action qui lutte contre la pauvreté et contre les violences faites aux femmes), la caravane européenne fait une halte à Genève du 23 au 25 mai 2015. Toute une série d’actions et d’ateliers sont prévus, dont un atelier sur les luttes et les revendications des employées de maison sans autorisation de séjour à Genève et en Suisse. Ce dernier se tiendra le dimanche 24 mai à 17h, à l’Espace Solidaire Pâquis (49, rue de Berne). Il sera animé par Dorkas, Silvia, Anna et Laetitia, membres de la campagne nationale « Aucune employée de maison n’est illégale ».

En effet, aujourd’hui, plus de 7’000 employées de maison – appelées également travailleuses domestiques –  travaillent à Genève sans autorisation de séjour. Elles sont au moins 40’000 en Suisse. Elles lavent, nettoient, repassent, cuisinent, prennent soin des enfants et s’occupent des personnes âgées, malades et/ou dépendantes. Quelles sont leurs conditions de vie et de travail? Quel regard portent-elles sur leur trajectoire migratoire? Les revendications, ainsi que certains des enjeux actuels, seront également abordés dans le cadre de cet atelier, auquel le CCSI vous invite à participer nombreuses et nombreux.

 

Exposition Interfoto

L’agence Interfoto, un collectif de photographes militant qui a notamment documenté les conditions de vie des travailleur-euse-s saisonnier-ère-s et dont le CCSI a souvent utilisé les clichés, fête ses 40 ans d’existence au travers d’une exposition. Leur remarquable travail est à découvrir jusqu’au 31 mai 2015 au Centre de la photographie Genève, 28 rue des Bains.