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CCSI-Info janvier 2017

Publié le 17 janvier, 2017 dans ,

Bulletin d’infos | janvier 2017 (pdf)

Édito| Marianne Halle

Face aux grands bouleversements que nous a réservés l’année dernière (Brexit, élection de Trump à la présidence des États-Unis, etc.), on peut facilement être tenté de relativiser l’importance de certains changements au niveau local. Il en va ainsi de la révision de la Loi sur les étrangers adoptée par le Parlement lors de la session de décembre. Pas celle visant à mettre en œuvre l’article 121a de la Constitution, dont tous les médias chantaient les louanges puisqu’elle avait le mérite de préserver les sacrosaintes bilatérales. Mais celle, passée presque inaperçue, qui devait ancrer dans la loi le nouveau principe cardinal de la politique d’intégration helvétique : « encourager et exiger » (voir en page 3). Une révision qui entraîne une nouvelle salve de durcissements de la Loi sur les étrangers. Une révision qui porte gravement atteinte au regroupement familial et dont les migrant-e-s extra-européen-ne-s seront une nouvelle fois les premières victimes (les autres étant pour l’instant encore protégés par l’ALCP).

Si ces changements législatifs sont à l’évidence moins spectaculaires, ils n’en sont pas pour autant moins dangereux. À l’image de la grenouille dans sa marmite qui périt faute d’avoir senti l’eau devenir bouillante, ces petits changements participent au travail de sape. Ils ne font pas les gros titres, mais sont autant de coups de pioche dans l’édifice fragile des droits fondamentaux et des acquis sociaux.

Heureusement, des signes d’espoir s’offrent à qui veut bien les voir. Les mouvements de résistance s’organisent ou s’amplifient. Comme ces centaines de milliers de personnes à travers les monde qui sont descendues dans la rue le 21 janvier pour dire leur attachement aux droits humains, et leur désaccord avec les politiques misogynes, sexistes, discriminantes et xénophobes. Ou comme ces milliers de personnes, au niveau plus local, qui ont signé l’Appel lancé par Solidarité Tattes pour que la Suisse mette fin à la violence qui découle de son application aveugle du règlement de Dublin (voir page 4). Ou encore comme ces personnes migrantes qui trouvent la force de partager leurs expériences à travers le théâtre (en page 4 également).

Signe d’espoir également, la perspective de voir pour une fois un signal positif envers la population issue de la migration sortir des urnes (voir en page 2). En votant OUI le 12 février prochain à la naturalisation facilitée pour les « étrangers » de la troisième génération, vous contribuerez à envoyer un message d’ouverture attendu depuis trop longtemps.

C’est dans ces multiples sources que le CCSI compte puiser l’énergie qu’il lui faudra pour continuer de nager à contre-courant en 2017. Nous en aurons bien besoin. Mais nous aurons aussi besoin de vous, cette année comme les précédentes. Alors bonne année à vous toutes et tous et… à l’eau !


Naturalisation facilitée: une évidence!

À Genève, seuls l’UDC et le MCG s’opposent à la naturalisation facilitée des jeunes « étrangers » de la troisième génération, soumise au vote le 12 février prochain. Toutefois, la double majorité du peuple et des cantons étant requise pour cette modification constitutionnelle, le résultat du vote n’est pas acquis. C’est pourquoi le CCSI mène campagne au sein de Stopexclusion en faveur du OUI le 12 février.[1]

Une réforme modeste mais nécessaire

Disons-le d’emblée : le projet soumis au vote le 12 février prochain n’a rien de « révolutionnaire ». À la lecture du texte qui précise les conditions à remplir pour bénéficier de la naturalisation facilitée, on constate que seule une mauvaise foi crasse peut justifier de parler de « bradage de la nationalité suisse ». En résumé, l’article constitutionnel soumis au vote prévoit uniquement une naturalisation facilitée (et non pas automatique) pour les petits-enfants d’immigré-e-s. Selon la loi adoptée par les Chambres fédérales, pour qu’une personne étrangère de la troisième génération puisse bénéficier de la procédure facilitée de naturalisation, elle devra être née sur territoire suisse, être titulaire d’un permis C, et avoir accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse. Il faudra en outre que l’un au moins des grands-parents soit né en Suisse (ou ait obtenu un permis de séjour ou d’établissement), et que l’un des parents au moins ait un permis C, ait séjourné en Suisse au moins pendant dix ans, et ait accompli au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse. Si ces conditions sont remplies, la naturalisation sera « facilitée » en ce sens que le/la jeune « étranger-ère » n’aura plus besoin de prouver son intégration comme c’est le cas aujourd’hui. En revanche, les communes et cantons auront un droit de recours s’ils estiment que le/la candidat-e n’est pas intégré-e. Par ailleurs, les demandes de naturalisation facilitée devront être déposées jusqu’à l’âge de 25 ans.

Une harmonisation bienvenue

Autre nouveauté du projet : désormais, les conditions pour la naturalisation facilitée des étranger-e-s de la troisième génération seront les mêmes dans toute la Suisse, les cantons et les communes ne pourront pas ajouter des conditions supplémentaires. On rappellera qu’à l’heure actuelle, les cantons sont libres de prévoir des facilités de naturalisation pour les étranger-e-s de la troisième (voire de la deuxième) génération, ce que seize d’entre eux (dont Berne, Fribourg, Genève, le Jura, Neuchâtel et Vaud) pratiquent déjà. Un certain nombre de cantons ne connaissant en revanche aucune possibilité de naturalisation facilitée, un OUI le 12 février constituerait une réelle avancée.

Un vote symboliquement important

Au cours des dernières décennies, toutes les tentatives visant à faciliter la naturalisation des jeunes étrangers-ères ont systématiquement échoué. En 1994, si une majorité du peuple avait accepté la naturalisation facilitée des jeunes étrangers-ères, le projet avait capoté faute d’avoir obtenu la majorité des cantons. En 2004, la majorité des votant-e-s a rejeté deux objets qui portaient, l’un sur la naturalisation facilitée pour la deuxième génération, et l’autre sur la naturalisation automatique à la naissance pour la troisième génération.

Un OUI dans les urnes le 12 février 2017 ne changerait pas radicalement les choses, mais constituerait un signal d’ouverture symboliquement important, et une reconnaissance du fait que les petits-enfants des immigré-e-s font tout simplement partie de la Suisse! Ce n’est pas pour rien que l’initiative parlementaire (déposée par la Conseillère nationale Ada Marra) dont ce projet est issu était intitulé « la Suisse doit reconnaître ses enfants ». Le CCSI invite toutes celles et tous ceux qui le peuvent à contribuer à donner ce petit signal d’ouverture, particulièrement bienvenu par ces temps moroses pour les droits des migrant-e-s, en votant OUI le 12 février.

Anne-Marie Barone

[1] Ce texte est une adaptation de l’article paru dans le Monde du travail de janvier 2017.


Intégration : un prétexte pour de nouveaux durcissements de la LEtr

Alors que tout le monde (ou presque) se félicitait du fait que les Chambres fédérales aient trouvé une manière de mettre en œuvre l’initiative « contre l’immigration de masse » sans mettre en péril les bilatérales, le Parlement a également adopté en catimini une révision de la Loi sur les étrangers portant sur l’intégration. Le projet avait été renvoyé au Conseil fédéral suite au vote du 9 février 2014, mais les travaux ont repris l’automne dernier après que le Conseil fédéral a intégré au projet initial une poignée d’initiatives parlementaires en lien avec l’intégration.

Le grand principe qui fonde cette réforme est basé sur le concept alémanique de « fördern und fordern », que l’on pourrait traduire par « encourager et exiger »[1]. En théorie, l’idée est la suivante : la Confédération met en place une série d’éléments visant à « encourager » les étrangers-ères à s’intégrer. En contrepartie, elle attend d’eux/elles qu’ils/elles se conforment aux exigences en matière d’intégration. Ainsi, l’intégration devient un critère clé, examiné à chaque étape du parcours des personnes étrangères : octroi du permis, renouvellement, demande de regroupement familial, révocation de permis, etc. Celles et ceux qui ne remplissent pas ces exigences sont sanctionné-e-s. Les critères selon lesquels l’intégration est examinée sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics ; le respect des valeurs de la Constitution ; les compétences linguistiques ; et la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation.

En se penchant sur le texte adopté par les Chambres, on se rend rapidement compte que sous couvert d’une Loi sur l’intégration, c’est plutôt un énième durcissement de la Loi sur les étrangers – et en particulier des conditions du regroupement familial – que les député-e-s ont voté. De fait, il ne reste pas grand-chose en matière d’encouragement à l’intégration. En suivant la logique du projet, on aurait pu imaginer que les étrangers-ères qui remplissent toutes les exigences fixées par la nouvelle loi obtiennent un droit à un permis plus stable, ou du moins un droit au renouvellement de leur permis actuel. Or il n’en est rien. Il n’y a pas non plus de mesures contraignantes envers les employeurs pour que ces derniers (pourtant grands bénéficiaires de l’immigration) favorisent l’intégration de leurs employé-e-s : les Chambres ont biffé une disposition allant dans ce sens, au motif que « les grandes entreprises le font déjà, et les petites n’en ont pas les moyens ».

Les durcissements, eux, sont nombreux. L’examen de l’intégration à chaque étape liée au permis fragilise tous les statuts : pour peu qu’elles jugent la personne « mal intégrée », les autorités auront de très nombreuses occasions de ne pas renouveler, révoquer ou rétrograder son permis. Les permis relevant du regroupement familial seront quant à eux réservés (du moins pour les adultes) aux personnes qui sauront communiquer dans la langue de leur lieu de domicile. La personne étrangère à l’origine de la demande de regroupement familial, quel que soit le permis dont elle est titulaire, ne pourra en outre pas percevoir de prestations complémentaires fédérales (qui sont de plus en plus assimilées à l’aide sociale, alors que leur rôle est autre). Enfin, le démantèlement du permis C se poursuit : même après plus de 15 ans de séjour, l’autorité pourra révoquer l’autorisation d’établissement et la remplacer par une autorisation de séjour (permis B) si elle juge que l’étranger-ère n’est pas bien intégré-e.

Le délai référendaire court jusqu’au 7 avril, mais aucun parti n’ayant l’intention de faire référendum, l’entrée en vigueur de cette révision ne fait pas de  doute. C’est donc une vision punitive de l’intégration, aux antipodes de celle que défend le CCSI, qui s’impose dans la loi. Alors que l’on sait que la stabilité juridique et la possibilité de vivre en famille sont les meilleurs vecteurs de l’intégration, cette loi est un véritable non-sens.

[1] Pour une critique du projet de loi initial, voir la position de Stopexclusion (co-rédigée par le CCSI) intitulée Quand « encourager et exiger » devient « surveiller et punir », sur le site www.stopexclusion.ch


Application inhumaine du règlement Dublin: le CCSI signe l’appel

La Suisse est l’un des pays qui applique le plus strictement la procédure Dublin. Ce formalisme excessif conduit non seulement à la destruction de la santé psychique voire physique des personnes, mais également à des violations des droits fondamentaux et des droits de l’enfant. Au nom des Accords de Dublin, des familles sont séparées, des personnes malades sont renvoyées dans des pays où aucune prise en charge médicale n’est garantie, des enfants sont arrachés de leur classe en milieu d’année, des mères d’enfants en bas âge sont renvoyées vers l’Italie, alors que le père de leur enfant reste en Suisse.

Cela pourrait être évité. Le paragraphe 17 du préambule du Règlement de Dublin III, qui rappelle que les États membres peuvent traiter sur leur sol des cas initialement enregistré dans un autre pays « […] notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent […]. ». Ainsi, la Suisse pourrait et devrait entrer en matière sur les demandes d’asile des personnes arrivées en Suisse par un autre pays européen et qui sont en charge d’enfants en bas âge ou scolarisés, qui ont des problèmes médicaux nécessitant un suivi régulier, qui ont des membres de leur famille qui résident en Suisse, ou qui connaissent d’autres situations exceptionnelles notamment pour des motifs humanitaires et/ou qui demandent la compassion.

À l’instar des autres organisations et personnalités signataires de cet appel, le CCSI demande :

  • au Conseil fédéral d’utiliser toutes les possibilités offertes par l’article 17 al. 1 du Règlement Dublin, évitant à la Suisse de violer les conventions internationales relatives aux droits de l’enfant et aux droits fondamentaux ;
  • au Conseil d’État genevois et aux autres exécutifs cantonaux de ne pas procéder aux renvois que des motifs humanitaires ou de compassion permettent de ne pas exécuter, tels que le préconise le paragraphe 17 du préambule du Règlement Dublin lui-même.

Pour retrouver le texte complet de l’appel et le signer en ligne, rendez-vous sur www.solidaritetattes.ch


Agenda théâtral

Babel 2.0

Fruit du travail mené par un atelier de théâtre participatif, le spectacle Babel 2.0 met en lumière les réalités vécues par les personnes requérantes d’asile ou réfugiées à Genève. Grâce au théâtre, ces petites fenêtres ouvertes sur un quotidien méconnu permettent à tou-te-s les participant-e-s de se réapproprier le récit de leur vie, et de l’exprimer à leur manière. Le spectacle est à voir ou à revoir au Théâtre de la Parfumerie (7, ch. de la Gravière, 1227 Les Acacias), du mardi 24 janvier au dimanche 5 février 2017. Plus d’informations sur www.laparfumerie.ch

«Femme, tu es belle… »

Le CCSI est très heureux d’annoncer qu’en collaboration avec F-Information et le CEFAM, il organise une nouvelle représentation de la pièce « Femme, tu es belle quand tu luttes pour la vie ! » Issue du travail de l’atelier de théâtre créé à l’occasion des 20 ans du Rési-F (un réseau interculturel d’échanges de connaissances entre femmes), la pièce donne à voir des moments de vie de femmes migrantes de différents horizons. Après avoir été jouée une première fois à guichets fermés en septembre 2016 à la Jonction, grâce au courage et à la ténacité des comédiennes et de la metteure en scène, le public aura une nouvelle fois l’occasion de découvrir le spectacle le 25 mars 2017, au Forum de Meyrin. C’est pourquoi le CCSI tiendra cette année son assemblée générale en marge de cette soirée, au Forum de Meyrin également. Les membres du CCSI recevront bien sûr toutes les informations détaillées en temps voulu, mais peuvent d’ores et déjà réserver la date.