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CCSI-Info janvier 2016

Publié le 9 février, 2016 dans , , ,

bulletin d’infos | janvier 2016 (pdf)

Édito | Marie Houriet

35 personnes travaillant à l’aéroport de Cointrin ont vu leur badge d’accès désactivé juste avant Noël, sur ordre du Département de la Sécurité de Pierre Maudet. Seuls une poignée d’entre eux étaient employés d’entreprises prestataires d’assis-tance au sol, beaucoup étant intérimaires. Une majorité vient de France voisine, quelques Suisses figurent sur la liste. Certains travaillaient là depuis plusieurs années. La plupart (tous ?) sont musulmans.

Si le contexte politique international interdit toute indignation hâtive, on s’interroge : 35 personnes, ça fait du monde. La mesure aurait-elle touché quelques individus, on aurait pu envisager une nécessité sécuritaire faisant suite à des informations ciblées, éventuellement si sensibles qu’on ne puisse communiquer à leur propos. Mais comment appliquer ce raisonnement à un groupe de 35 travailleurs ? N’a-t-on pas, à partir de cas effectivement alarmants, élargi l’interdiction d’accès à tout un groupe, non en raison d’éléments individuels avérés mais en fonction de caractéristiques globales ?

La sécurité est une valeur fondamentale, mais il y a plusieurs façons de l’envisager. À moins de reposer sur de graves soupçons basés sur des faits vérifiés, une mesure prise au nom de la sécurité peut aussi bien représenter un facteur supplémentaire d’instabilité. Que ressentiront, que feront les personnes qu’on écarte de postes sensibles sans pouvoir justifier de cette politique autrement que par l’appartenance religieuse ? Appliquera-t-on la même approche à d’autres secteurs sensibles ? Le risque est grand, il est à espérer que nos autorités l’ont mis dans la balance avant de se décider.

Malheureusement, les trends actuels n’encouragent pas à l’optimisme. Toujours en décembre, le Conseil National a voté une initiative parlementaire prévoyant de déchoir automatiquement de la nationalité suisse les citoyens binationaux impliqués dans des activités de terrorisme ou partis combattre au nom du djihad. C’est torpiller la notion même d’appartenance, qui fonde la nationalité. Le Conseil des États va-t-il rectifier le tir ? On croise les doigts.

Peut mieux faire : accrochons nos espoirs 2016 à cette bouée, en repensant aux trésors de créativité déployés par les militants au moment de la COP21. Aux lendemains des attentats de Paris, alors que les rassemblements étaient annulés pour ne pas prêter le flanc à la violence terroriste, ils ont déposé des milliers de chaussures Place de la République pour signer malgré tout leur présence. Quand sécurité rime avec efficacité…

Marie Houriet


Il n’est pas toujours facile de nous atteindre par téléphone. Resserrements budgétaires obligent, le CCSI a dû réduire ses heures d’ouverture au public. Par ailleurs, la permanente de l’accueil ne peut pas toujours décrocher à temps lorsqu’elle est occupée avec une personne à la réception. N’hésitez donc pas à profiter de la tranche horaire réservée aux appels téléphoniques : lundi de 12h à 13h30 et du mardi au vendredi de 08h à 09h30.


Dossier Intégration: formation de l’administration publique

Former le personnel de l’Administration aux réalités d’une société plurielle : un souhait de longue date au CCSI. Non dans l’idée de considérer les migrant-e-s  comme une catégorie à part, mais dans l’optique de traiter les habitant-e-s de manière égale, sans distinction liée à la durée de résidence, la religion, la nationalité, l’origine ethnique, le genre ou l’orientation sexuelle [1]. Ce qui mérite qu’on y prête attention et énergie, tant les préjugés ont la vie dure. Exemple.

Dans le cadre d’une recherche [2], on demande à des enseignant-e-s d’expliquer les raisons de l’échec scolaire d’une élève et de faire un pronostic sur la suite de sa scolarité. Ceci en examinant deux variables : le prénom de l’élève et la profession du père. Les enseignant-e-s sont répartis en 4 groupes. Dans les groupes A et B, l’élève est censée avoir un père médecin, dans les groupes C et D,  celui-ci est présenté comme chauffeur routier. Quant à l’élève, elle est appelée Céline dans les groupes A et C, Naïma dans les groupes B et D. Les résultats scolaires présentés sont identiques dans tous les cas de figure. Or non seulement les raisons avancées concernant l’échec scolaire seront différentes en fonction du prénom de l’élève et de la profession du parent, mais les pronostics seront plus favorables pour une Céline au père médecin que pour une Naïma fille de chauffeur routier…

D’où l’importance d’une formation du personnel de l’État. Débusquer nos représentations pour traquer les stéréotypes, bien sûr. Mais aussi traduire les documents officiels en différentes langues. Proposer l’aide d’interprètes si nécessaire – n’est-il pas préférable de donner les résultats d’une mammographie par ce biais plutôt qu’en demandant, par exemple, à un enfant de traduire à sa mère les propos du spécialiste ? Accepter de fixer un rendez-vous plutôt que de vouloir régler quelque chose par téléphone ou par mail, sachant la difficulté que représente le fait de comprendre une langue étrangère au bout du fil, voire de l’écrire. Préciser ses attentes : faut-il emmener son enfant à la réunion de parents, ou le laisser à la maison ? Énoncer les usages : une consultation médicale manquée sera facturée si elle  n’est pas décommandée à temps. Communiquer, expliciter, prendre en compte, s’ajuster – autant de réflexes, de tournures d’esprit à acquérir.

Le Bureau de l’intégration des étrangers (avec le Bureau de la promotion de l’égalité entre femmes et hommes et de prévention des violences domestiques) intervient depuis 2015 lors de la journée d’accueil que doivent suivre les collaboratrices et collaborateurs nouvellement engagé-e-s à l’État. Égalité et non-discrimination en raison du genre, de l’appartenance ethnique ou religieuse, de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre  sont au menu. Les 40 minutes à disposition permettent de présenter les deux services puis d’exposer une situation concrète en posant des questions aux participant-e-s. Répartis en groupes, ceux-ci ont alors la possibilité d’échanger, l’environnement « entre pairs » favorisant l’expression ouverte. La mise en commun qui suit est l’occasion de se confronter avec les préjugés et stéréotypes et de les déconstruire.  Les participant-e-s sont encouragé-e-s à prendre contact avec l’un ou l’autre des bureaux en cas de besoin ultérieur.  Même s’il s’agit d’un début, la mise en route très attendue de cette formation est à saluer.  Des modules plus pointus sont prévus dans le futur pour compléter l’offre de formation continue. Quant à d’éventuelles supervisions, il n’existe pas de programme spécifique actuellement, mais il y a toujours possibilité d’adresser une demande.

Last but not least, se souvenir que les migrant-e-s ne sont pas seulement usagers ou usagères des services de l’État : bon nombre travaillent eux-mêmes / elles-mêmes dans la fonction publique !

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[1]  Ville de Genève,  Politique municipale en matière de diversité, juillet 2014

[2] Abdel-Jalil Akkari, Représentations, pratiques pédagogi-ques et traitement de la différence socio-culturelle dans le système scolaire in C. Perregaux,P. Dasen,Y. Leanza, A. Gorga, L’interculturation des savoirs, L’Harmattan, Paris, 2009.


Observatoire romand du Droit d’Asile et des Étrangers – Expertise, relais et témoignage

L’Observatoire romand du Droit d’Asile et des Étrangers (ODAE romand) est né suite à l’acceptation de la Loi sur les Étrangers et la Loi sur l’Asile en 2006. Certes, les lois venaient d’être plébiscitées dans les urnes, mais avait-on vraiment conscience de leur impact ? Documenter ce point, telle est la mission de l’Observatoire romand, activement soutenu dès sa création par le CCSI (Eva Kiss siégeant au sein du groupe de pilotage puis au Comité, sans parler des situations qu’elle y fait suivre). L’idée est d’illustrer les conséquences humaines de la législation à travers des cas concrets présentés sous forme de fiches. Les situations sont signalées par des professionnel-le-s sur le terrain (avocat-e-s, associations, syndicats), voire des particuliers concernés. Généralement en lien avec le mandataire qui suit le dossier, l’ODAE romand effectue alors un vaste travail de vérification puis de diffusion : pas moins de trois expert-e-s examinent chaque cas présenté. Outre leur rôle d’informer le grand public, les fiches sont reprises dans le réseau associatif, les médias et les milieux politiques  (par exemple pour argumenter dans le cadre d’un débat ou d’une interpellation).

Par ailleurs, l’ODAE romand synthétise son travail dans un Rapport d’Observation annuel et des rapports thématiques. Dernièrement sont parus une publication sur les personnes admises à titre provisoire ainsi qu’un dossier autour de l’impact des renvois sur l’accès aux soins pour les personnes à la santé précaire, élaboré avec le Groupe Sida Genève. L’ODAE romand contribue également à la rédaction de rapports nationaux, en lien avec les Observatoires de Berne et St-Gall.

Si l’ODAE romand a été créé dans l’idée de pointer les problèmes soulevés par la LEtr et la LAsi sous l’angle des droits humains, il ne s’engage pas, en revanche, lors de campagnes politiques. Cette neutralité vise à asseoir une posture d’expertise, basée sur des informations de terrain factuelles et fiables, qui puissent être utilisées par les médias et partis politiques de différents bords.

L’Observatoire romand tire ses ressources des cotisations des membres et des dons reçus – principalement par des particuliers, institutions, organisations et milieux ecclésiastiques. Le CCSI vous encourage donc à soutenir l’ODAE romand, avec qui il partage la philosophie d’être témoin, à partir de situations individuelles, de ce qui se joue au niveau collectif : CCP 10-747881-0.
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PS  Le site www.odae-romand.ch rassemble les fiches et rapports publiés par l’Observatoire et répertorie l’utilisation des informations produites (onglet Impacts).


Votations du 28 février 2016

NON à l’initiative ‘de mise en œuvre’

Le 28 février prochain, le peuple se prononcera sur l’initiative de l’UDC Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre ) [1]. Cette initiative ne fait pas que concrétiser – en les durcissant – les dispositions déjà adoptées par le peuple. Elle s’attaque directement au droit international (Convention européenne des droits de l’homme, Accord sur la libre circulation des personnes) et aux droits fondamentaux qui en découlent.

Une initiative contre le Parlement et la séparation des pouvoirs

Après l’adoption par le peuple en novembre 2010 de l’initiative de l’UDC Pour le renvoi des étrangers criminels, le Parlement a commencé ses travaux pour élaborer une loi d’application, qui respecte les principes juridiques fondamentaux, parmi lesquels le principe de proportionnalité. Insatisfaite des projets de mise en application de son texte, l’UDC a lancé en 2012 son initiative dite « de mise en œuvre », avant même que les parlementaires aient achevé leurs travaux. En cherchant à imposer par les urnes sa propre vision, l’UDC a court-circuité le processus parlementaire, au mépris du principe démocratique de la séparation des pouvoirs.

Une initiative contre l’intégration et le principe de proportionnalité

L’initiative contient une première liste d’infractions devant mener automatiquement au renvoi de la personne étrangère, « quelle que soit la quotité de la peine qui a été prononcée », et ajoute une seconde liste d’infractions, dont certaines de moindre importance, qui mèneront également automatiquement au renvoi, si l’auteur-e a déjà été condamné-e au cours des dix années précédentes à une peine pécuniaire ou privative de liberté, pour quelque délit que ce soit. En d’autres termes, des personnes étrangères, même nées en Suisse, pourront être renvoyées même pour des infractions telles que rixe, vol, faux témoignage, etc. sans que les Tribunaux puissent prendre en considération (au nom du principe de proportionnalité) les circonstances individuelles, le degré d’intégration, les attaches en Suisse, etc.

Une initiative contre le droit international et les droits humains

En déclarant que ses dispositions en matière d’expulsion « priment les normes de droit international qui ne sont pas impératives », l’initiative ouvre volontairement une brèche dans le respect par la Suisse des traités internationaux, et en particulier de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Concrètement, cela aurait pour effet que le droit à la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH ne s’appliquerait plus en matière de renvoi des étrangers, ce qui implique que des familles pourront être séparées, même si le/la conjoint/e et les enfants sont suisses. De plus, l’initiative viole l’Accord de Libre Circulation des Personnes, qui pose des conditions plus restrictives à la possibilité de renvoi des ressortissant-e-s européen-ne-s. Par son initiative de mise en œuvre, l’UDC fait ainsi un premier pas dans son combat pour la « primauté du droit interne sur le droit international » ou « contre les juges étrangers », qui fait l’objet d’une autre initiative pour laquelle la récolte de signatures bat son plein. Car au-delà de son combat anti-étrangers (hélas toujours porteur sur le plan électoral), le véritable but de l’UDC est de s’en prendre aux droits fondamentaux garantis par le droit international. Si elle parvenait à ses fins, la Suisse deviendrait, avec la Biélorussie, le seul pays européen dont les citoyen-ne-s ne pourraient plus invoquer les droits garantis par la CEDH !
Dire NON à l’initiative de mise en œuvre le 28 février, c’est dire OUI aux droits fondamentaux.

Anne-Marie Barone [2]

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[1] En référence à la première initiative sur le même thème, acceptée en 2010 par 52.9 % des votants.

[2] Cet article paraît également dans Le Monde du Travail, bulletin du Mouvement Populaire des Familles.


Journée de formation du CCSI
du 10 octobre 2015

Les documents relatifs aux interventions sont en ligne

https://ccsi.ch/2015/12/07/precarisationausterite-en-europe-et-migrations/

Convention sur le travail domestique : signez l’Appel

En novembre 2015, la Convention 189 Un travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques entrait en vigueur en Suisse. La Plateforme nationale des Sans-Papiers a rédigé un Appel pour prendre en compte les travailleuses domestiques sans statut légal lors de la mise en œuvre de cette Convention.

Vous pouvez dès maintenant signer l’Appel en ligne

https://ccsi.ch/2015/12/07/un-travail-decent-pour-les-travailleuses-et-travailleurs-domestiques/