2004. Une année à marquer d’une pierre blanche, puisqu’elle ponctue trois décennies d’existence du Centre de Contact. Et cette nouvelle année, Philippe Macasdar et Marielle Pinsard (respectivement directeur du théâtre St-Gervais et metteuse en scène) ont justement choisi de la commencer en donnant la parole à des migrant-e-s. Nous nous sommes associés à leur démarche en mettant en contact l’équipe théâtrale avec des personnes de notre connaissance susceptibles d’être intéressées par l’aventure.
Cela paraît tout simple, et pourtant ! Trois soirées étaient au programme en ce mois de janvier. La famille kosovare qui devait inaugurer l’opération s’est excusée au dernier moment, il a fallu improviser. A défaut d’un témoignage direct d’immigré-e-s, la parole a été donnée aux personnes actives dans le domaine de la migration, y compris à celles et ceux qui avaient travaillé sur le projet de spectacle. Des images prévues en paysage de fond ont été propulsées sur le devant de la scène, visionnées telles quelles. La caméra nous a baladés silencieusement dans les rues de Genève. En l’absence des Kosovars, le public a dû habiter ces images avec son imaginaire, ses questions, ses réflexions. Son impatience, aussi : désarçonnés, certains spectateurs se sont sentis floués. L’expérience ne ressemblait pas à ce qu’ils attendaient.
Je comprends leur malaise, même si de mon côté, je suis entrée dans le jeu. Je me dis que la migration doit ressembler à cela, vue de l’intérieur. Des espoirs (beaucoup d’espoirs). Une foule de choses qui vous échappent. Un paquet de déception à la clef. Et la nécessité existentielle d’en faire quelque chose de vivable. Mieux : de vivant.
Deux jours plus tard, toujours à l’ombre des projecteurs de St-Gervais. Sur scène, des chaises alignées comme à la Poste. L’un après l’autre, des personnes entrent sur scène, prennent un ticket, attendent leur tour. Comme à la Poste. Mais il ne s’agit pas de faire ses paiements ou d’envoyer un recommandé. Ce soir, chacun-e vient raconter son premier souvenir de Genève. Je vous livre ici mes deux extraits préférés.
Le premier est raconté par un jeune Africain. Atterrissage il y a quelques années à l’aéroport de Zurich. A la frontière, le fonctionnaire examine ses documents. Tout est en ordre. Est-ce du français confédéral ? Peut-être bien : “Bienvenue chez vous”, lance le douanier au visiteur. Cette simple phrase l’a illuminé, accompagné jusque sur les planches de St-Gervais. L’accueil, décidément, il n’y a que ça. Et certains lapsus sont des réussites.
L’autre épisode, c’est cette jeune femme chinoise installée à Londres, et qui veut découvrir la Suisse. “Je suis allée acheter un billet d’avion pour Genève”, raconte-t-elle. “Simple course. On ne sait jamais.”
Elle a eu tellement raison d’imaginer que le meilleur pouvait lui arriver qu’elle est là depuis plusieurs années. Dans un pays où l’inconnu fait si souvent peur, la philosophie de cette femme est un trait de génie.
Chèque Service: un pas en avant !
On en parlait depuis longtemps, le voilà. Le chèque service a été lancé par le Département de l’Action Sociale et de la Santé en collaboration avec le Département de l’Économie, de l’Emploi et des affaires Extérieures de Genève.
L’idée de ce chèque est de permettre d’affilier aux assurances sociales celles et ceux qui travaillent dans l’économie domestique de proximité (ménage, jardinage, garde d’enfants, accompagnement de personnes âgées,…) Jusqu’ici, les démarches à effectuer étaient ardues et donc plutôt dissuasives. Maintenant, il suffira à l’employeur de remplir un formulaire, puis de payer à l’avance les charges patronales auprès de Foyer Handicap. Cette association se chargera de toutes les démarches auprès des administrations gérant les assurances sociales. Comme auparavant, l’employeur versera directement le salaire à l’employé-e.
Évidemment, la démarche a un coût : pour l’employeur, le salaire-horaire est ainsi augmenté d’un 20% environ. Mais ça ne représente guère que 4 francs pour une heure de ménage… soit le prix d’un café et d’un croissant ! Proportionnellement, c’est un effort à la portée de chacun-e du moment que l’on se décide à engager une personne pour son ménage ou la garde de ses enfants. En contre-partie, l’employeur se met en conformité avec l’obligation légale d’assurer celles et ceux qui travaillent pour lui. Même lorsque ces personnes n’ont pas de statut légal, elles sont au moins affiliées en cas de coup dur.
Les formulaires sont disponibles dans les Centre d’Actions Sociales, dans les mairies, et bien sûr au CCSI.
..c’est parti ! 1974-2004 : le Centre de Contact fête cette année ses 30 ans d’existence, et les préparatifs vont bon train pour célébrer l’événement comme il se doit.
Dans son travail, le CCSI a constamment cherché à créer des synergies avec d’autres partenaires. C’est dans le même esprit que nous envisageons ce 30ème anniversaire. En attendant un programme définitif au début mai, voici un avant-goût de ce qui nous attend pour l’occasion :
campagne d’affichage
témoignages de migrant-e-s organisés sous la houlette du théâtre St-Gervais
grand débat public à la Comédie
journée sur le thème “Contes du monde” en notre honneur, dans le cadre du Festival La Cour des Contes – le CCSI sera présent durant toute la durée du festival
une quinzaine organisée en novembre avec la Maison de Quartier de la Jonction, qui comprendra notamment :
une projection sur la migration au Cinélux pour deux semaines
trois représentations d’Histoire de vie, histoires de papiers par la Compagnie Acrylique
une soirée d’improvisation avec Philippe Cohen
De l’autre côté de la mer, spectacle de Patricia Ceresa et Yonna Bergholz
une grande fête
D’autres surprises ne sont pas exclues. Des contacts sont en cours avec l’équipe de Zig Zag Café, et nous avons bon espoir qu’une émission soit consacrée au Centre de Contact.