L’actualité de ce printemps est riche en événements, et ce CCSI-Info tente de s’en faire l’écho. Tout d’abord, il convient de saluer l’octroi du droit de vote aux étrangers (voir également sur la feuille volante jointe à ce numéro). Bien sûr, ce résultat a été obtenu de justesse et est assez restreint : l’éligibilité a été refusée, et le droit de vote est limité au niveau communal (alors que bien des enjeux de proximité se jouent au niveau cantonal).
Il n’empêche, ce pas en avant est à souligner dans un climat qui n’a fait que se durcir à l’égard des migrant-e-s. Pour rappel, les initiatives J’y vis, j’y vote ont été lancées peu après la votation fédérale portant sur une proposition de l’UDC en matière d’asile, qui a été rejetée sur le fil du rasoir (lors de cette consultation, l’électorat genevois n’avait d’ailleurs guère brillé). En 2003, les élections fédérales marquaient l’avancée de l’UDC au Parlement et l’obtention d’un second siège au Conseil fédéral. L’an dernier, les propositions visant à faciliter la naturalisation pour la deuxième génération et à la rendre automatique pour la troisième génération, ont échoué devant les urnes. Enfin, chaque étape dans l’examen de la LAsi et de la LEtr est synonyme d’un nouveau tour de vis (lire notre communiqué de presse suite aux débats du Conseil des Etats sur la LEtr).
Dans ce contexte très hostile, le signal donné par Genève apparaît comme une brèche salutaire. Toute d’abord, c’est une première rupture par rapport à la logique qui associe citoyenneté à la seule couleur du passeport. D’autre part, un progrès même modeste a un impact en dehors de nos frontières cantonales. Les milieux de défense des migrant-e-s prennent appui sur chaque « percée » pour faire évoluer la situation chez eux. Dans le cadre de la campagne J’y vis, j’y vote, les exemples de Neuchâtel, du Jura, de Vaud et de Fribourg nous ont aidé à convaincre l’électorat genevois de ne pas rester à la traîne. De même, l’initiative du gouvernement genevois en matière de régularisation des personnes sans statut montre à d’autres qu’il est possible d’innover pour sortir de l’ornière.
La demande genevoise a été abondamment relayée dans les média alémaniques. La thématique des personnes sans statut sort de l’ombre y compris outre-Sarine, étape essentielle pour que les autorités fédérales cessent d’ignorer la question. Le fait que l’Office des Migrations reconnaisse la présence de 100’000 Sans-Papiers (voir page 2) rendra difficile, à terme, de ne pas apporter une réponse adéquate au problème. A Zurich, le syndicat UNIA vient d’ouvrir une permanence pour les Sans-statut : un fait significatif compte tenu du poids à la fois de cette ville et des syndicats. Du côté de Genève, la mobilisation des travailleuses sans statut est exemplaire (lire aussi Les femmes actives du CTSSL se présentent).
Lors des Assises de l’intégration qui viennent d’avoir lieu à Onex, un des ateliers a été consacré à la présentation de l’expérience menée à Vaux-en-Velin. Cette banlieue lyonnaise a fait parler d’elle dans les années 80 suite à des émeutes. Composée de grands ensembles architecturaux tombés en décrépitude, elle a fait l’objet d’interventions de grande envergure afin d’être revalorisée. Désertée il y a quinze ans par la classe moyenne, celle-ci y revient, signe d’une qualité de vie reconquise. Si l’exemple lyonnais n’est pas transposable tel quel à notre réalité helvétique, la réussite tient à la volonté politique constante de donner une chance au « vivre ensemble ». Vaux-en-Velin, des moyens colossaux ont été engagés à cette fin (le centre-ville a notamment été entièrement rebâti !) Sans aller jusque là, on attendrait au moins de nos élu-e-s (et ça, ça ne coûte rien) de mettre en place des politiques qui ne contribuent pas à la dégradation de l’environnement en termes d’intégration…
Plus de 300 participant-e-s (dont bon nombre d’élu-e-s) ont assisté à Olten aux premières Assises nationales des migrant-e-s, organisées par le Forum pour l’Intégration des Migrantes et Migrants (FIMM). L’atelier sur la LEtr a notamment donné l’occasion à plusieurs associations, dont le CCSI, d’appeler la Commission Fédérale des Étrangers (CFE) à se prononcer contre cette loi (l’an dernier, la CFE s’était prononcée en sa faveur). Ceci en mettant en avant les péjorations introduites par le Conseil des États :
refus d’introduire des permis de courte durée pour certains secteurs économiques ;
refus d’examiner les possibilités de régularisation de Sans-Papiers après 4 ans de séjour ;
refus d’accorder automatiquement une autorisation d’établissement après 10 ans de séjour (l’octroi de ce permis n’étant plus qu’une possibilité soumise à l’appréciation des autorités) ;
refus d’accorder le regroupement familial automatique pour les enfants au-delà de 12 ans (les demandes pour les plus âgé-e-s devant faire l’objet d’un examen au cas par cas) ;
renforcement des mesures de contraintes (qui seraient applicables à toute personne en situation de séjour irrégulière et non plus seulement aux requérant-e-s d’asile) et rallongement de la durée maximale de détention (24 mois contre 12 actuellement).
L’après-midi, un débat a donné la parole aux représentant-e-s des principaux partis politiques. Le public a encore une fois interpellé les autorités sur les incohérences de la LEtr ainsi que sur la situation des personnes sans statut. Les réponses du PDC et des radicaux étaient particulièrement éclairantes. Pour ces deux partis, le défi du moment réside tout entier dans l’adoption des accords de Schenge
n-Dublin et l’extension de la libre-circulation. Focalisés sur ces objectifs, les deux partis redoutent grandement les ravages de la campagnes de l’UDC pour ces deux objets. Aussi sont-ils déterminés à donner des gages de fermeté en matière d’asile et de politique migratoire dans l’intervalle. Au risque de verrouiller ces deux domaines pour des années !… Seront-ils suivis par les socialistes sur cette voie catastrophique ??
Cela fait presque trois ans que nous, femmes du CTSSL (Collectif des Travailleuses et Travilleurs Sans Statut Légal), nous luttons pour la reconnaissance de nos droits, en tant que travailleuses et en tant que femmes. Nous sommes en majorité originaires d’Amérique du Sud. Dans un premier temps, ce groupe a été un espace de rencontre qui nous a permis de consolider la solidarité nécessaire au développement de nos activités. Ce processus a duré environ une année. Nous sommes actives dans des syndicats, des groupes féministes et d’autres organisations. De cette manière, nous avons réussi à créer un espace et à devenir le porte-parole des femmes migrantes et des travailleuses sans statut légal.
Notre Collectif a tissé des liens avec le Collectif du 14 juin lors des séances préparatoires pour le 8 mars 2003, femmes d’ici, femmes d’ailleurs, même sol, mêmes droits. Ensuite nous avons mis sur pied, ou participé en étroite collaboration avec différents partenaires, à divers projets et événements.
Parmi ceux-ci, les plus importants sont les suivants :
journée de réflexion autour du travail domestique, Qui fait quoi dans un ménage et à quel prix. Lors de cette journée, nous avons présenté les résultats de l’enquête que nous avions réalisée sur nos conditions de vie (juin 2004) ;
participation en tant qu’organisation dans le lancement de la campagne de prévention contre la violence domestique (janvier 2004) ;
colloque Femmes en mouvement, organisé par l’IUED (janvier 2004) ;
participation au Forum Migration et travail domestique à l’ONU et entretien avec une organisation, PICUM, qui travaille sur la migration au niveau mondial (mai 2004) ;
présentation de l’Appel dans la cours de l’Hôtel de ville (Genève) pour la régularisation des personnes sans statut légal et le partage des tâches domestiques entre femmes et hommes (mars 2004).
Actuellement nous participons à un projet de planification familial (PAS) et nous animons une émission (Radio Zone 92.8) sur les droits humains des personnes migrantes.
Projets
Notre principal objectif est la régularisation collective de toutes les travailleuses sans statut légal, la régularisation et la réglementation de l’économie domestique comme secteur professionnel, ainsi que la reconnaissance et la valorisation de la formation professionnelle acquise dans le pays d’origine. Par ailleurs, nous demandons le droit à la formation professionnelle pour nos enfants.
Nous demandons une véritable politique d’intégration, que nos droits soient reconnus et que nous soyons acceptées comme des personnes qui participent pleinement au développement économique de ce pays.
Groupe de femmes actives du CTSSL
Les débats du Conseil des États, que Le Temps a relaté les 15, 16 et 17 mars, sont édifiants. La nouvelle Loi sur les Étrangers (LEtr) s’agenouille littéralement devant les intérêts économiques, au mépris des migrant-e-s qui ne viennent pas de l’Union Européenne.
La LEtr veut refuser l’entrée à toute personne qui ne soit pas hautement qualifiée. Or le besoin de main d’oeuvre non qualifiée est avéré dans plusieurs secteurs : agriculture, garde d’enfants, soins aux personnes âgées, restauration, etc. Si les autorités refusent de prendre en compte cette réalité, c’est qu’il est bien plus rentable d’avoir à disposition des personnes sans permis de séjour et de travail, corvéables à merci.
Est-ce un hasard si Christophe Blocher n’a pas donné les chiffres du rapport émanant de ses propres services sur le nombre des Sans-statut : 130’000 pour toute la Suisse (Le Temps, 22.01.05) ? Est-ce un hasard si l’UDC englobe sous les mêmes termes (« illégaux, sans-papiers ») des problématiques différentes : requérant-e-s d’asile sans document d’identité, travailleurs au noir (alors que 85% du travail non déclaré est effectué par des Suisses ou des personnes au bénéfice d’un permis), personnes sans statut légal, délinquants ? Quant au PDC, qui se pose en défenseur de la famille, comment peut-il accepter une loi qui limite le regroupement familial aux enfants jusqu’à 12 ans seulement ? La Radicale Françoise Saudan justifie pour sa part les durcissements en évoquant la pression populaire. C’est oublier que les attentes de la population sont en grande partie construites par les autorités, dont le discours discrédite régulièrement les migrant-e-s… sans parler des annonces xénophobes publiées en vertu de la liberté d’expression (notamment dans votre édition du 17 mars).
En juin 2004, les Socialistes du Conseil National ont accepté la LEtr, au nom de quelques améliorations ajoutées au texte de base. Celles-ci viennent d’être balayées aux Conseil des États… A qui douterait encore, il n’y a qu’une réponse possible au durcissement de la politique migratoire : dire non à la LEtr !