CCSI-Info janvier 2006
bulletin d’infos
janvier 2006
Arguments contre la Loi sur les étrangers (LEtr)
La Loi sur les étrangers (LEtr) a été proposée par le Conseil fédéral en 2002. Elle entérine et renforce la politique actuelle des deux cercles, qui ne permet quasiment plus aux ressortissants extra-européens de s’installer dans notre pays (excepté les personnes hautement qualifiées). La LEtr vient d’être avalisée par le Parlement en décembre 2005 après de nombreux durcissements par rapport à la proposition déjà rétrograde du Conseil fédéral. Pourquoi s’opposer à cette loi ?
Définition : Les accords bilatéraux avec l’Union européenne (UE) régissent le séjour en Suisse des résidants de l’Union européenne (25 pays) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE, Suisse, Liechtenstein, Norvège, Islande). Ils sont appelés ici « européens ». La LEtr concerne le séjour des personnes d’autres nationalités, dénommées ici « extra-européens ». La situation des demandeurs d’asile est réglée dans une loi à part, la loi sur l’asile.
Renforcement d’une ségrégation entre étrangers
La Suisse devrait garantir les mêmes droits à toutes les travailleuses et travailleurs actifs dans notre pays, quelle que soit leur provenance. Au lieu de cela, la nouvelle loi renforce une discrimination indéfendable entre les personnes européennes et extra-européennes.
Ainsi, un européen peut s’établir en Suisse dès qu’il a un emploi et reçoit un permis B valable 5 ans, automatiquement transformé en permis C après ce délai. Le regroupement familial est facilité et permet d’accueillir les enfants jusqu’à 21 ans (plus tard si à charge des parents). Il peut changer d’emploi et de canton. C’est une autre musique pour un extra-européen. Le permis B n’est valable qu’un an et doit être renouvelé chaque année par l’employeur. Après 10 ans, le permis C peut être octroyé après un examen approfondi des autorités cantonales. Il s’agit là d’un examen humiliant pour une personne qui vit, travaille et paie ses impôts en Suisse depuis au moins 10 ans ! Le regroupement familial est rendu plus difficile (voir ci-dessous), l’âge limite permettant de faire venir des enfants est notamment abaissé à 12 ans.
Un enfant de 12 ans ne pourra plus vivre avec ses parents !
Si la LEtr supprime le statut de saisonnier, le regroupement familial est rendu plus difficile à plusieurs égards pour les extra-européens. Fini l’automatisme au droit de regroupement familial pour les conjoints et les enfants, il devra désormais intervenir dans les 5 premières années de séjour, transformant la nécessité de remplir les conditions imposées – avoir notamment un logement convenable (ce qui n’est pas rien à Genève !) et un revenu suffisant – en véritable course contre la montre. Actuellement, le regroupement familial permet aux enfants extra-européens jusqu’à 18 ans d’obtenir un permis de séjour pour rejoindre leurs parents en Suisse, sans limite de temps. Avec la nouvelle loi, ce regroupement ne sera autorisé que pour les enfants de moins de 12 ans. Les plus âgés devront rester dans leur pays !
Vivre ensemble ou quitter la Suisse
La LEtr impose l’obligation de vivre ensemble pour les époux, notamment issus de couples binationaux dont un des conjoints est extra-européen. Cette clause peut engendrer des situations dramatiques en cas de violences maritales. Ainsi, une femme victime de violence qui se résoudrait à quitter le domicile conjugal pourrait perdre son autorisation de séjour après constat de la séparation (aujourd’hui, seulement en cas de divorce). Le risque est grand qu’une femme originaire d’un pays extra-européen décide de continuer à subir ces violences plutôt que de risquer une expulsion. Cette disposition touche davantage les femmes puisqu’il y a deux fois plus de femmes extra-européennes ayant épousé un Suisse que l’inverse. Par ailleurs, les violences domestiques sont beaucoup plus souvent exercées contre les femmes que contre les hommes. Si des exceptions à cette exigence de ménage commun sont prévues dans la LEtr, notamment en cas de violences conjugales, une application restrictive de cette disposition est à craindre.
Les mariages mixtes systématiquement soupçonnés
La LEtr exige des officiers de l’état civil qu’ils refusent de célébrer un mariage s’ils ont le soupçon d’une union de complaisance. Cette disposition ouvre ainsi la porte à la suspicion systématique de mariage blanc pour tous les couples binationaux dont un des conjoints est extra-européen et au jugement arbitraire de l’officier de l’état civil. Elle affecte donc aussi les Suisses et résidants européens qui se marieraient avec un/e conjoint/e extra-européen/ne.
Une machine à fabriquer des clandestins
Seuls les extra-européens hautement qualifiés ou présentant un intérêt économique majeur pourront s’installer en Suisse. Cette limitation ne correspond pas à la réalité des besoins de notre économie. Les travailleuses et travailleurs extra-européens effectuent souvent les travaux les plus pénibles et les moins bien rémunérés dans les secteurs de l’agriculture, de l’économie domestique, de l’hôtellerie ou de la restauration : des emplois que les ressortissants suisses ou européens ne veulent plus occuper. Avec la LEtr, les extra-européens n’auront aucune possibilité d’obtenir une autorisation de séjour, malgré la forte demande de ces secteurs, qui emploieraient déjà 100’000 à 200’000 travailleuses et travailleurs sans statut légal. Cette situation hypocrite ne pourra que maintenir ces personnes dans la clandestinité et augmenter leurs effectifs.
Régularisation des Sans-Papiers impossible
Cette loi rend impossible la régularisation de la situation de certaines personnes sans statut légal malgré la nécessité de sortir de la précarité en leur offrant un permis de séjour toute une population travaillant et vivant dans l’ombre. Le Conseil national avait pourtant proposé de faire un examen approfondi des demandes de régularisation provenant de Sans-Papiers établis en Suisse depuis plus de 4 ans. Le Parlement a finalement rejeté cette proposition. Le canton de Genève a lui demandé à Berne de régulariser 5’000 personnes sans statut travaillant dans l’économie domestique. Le Conseil fédéral doit répondre prochainement à cette demande.< /p>
En prison pour 2 ans !
Les mesures de contrainte ont surtout été discutées à travers les révisions successives de la loi sur l’asile, mais ces mesures figurent dans la LEtr et sont applicables à tous les étrangers visés par un renvoi. La LEtr durcit les mesures de contrainte en multipliant les possibilités de détention additionnelles par rapport à la loi actuelle, permettant de maintenir une personne enfermée jusqu’à deux ans, alors que son seul délit est de ne pas pouvoir ou pas vouloir quitter la Suisse. Cette durée correspond à un délit grave en droit pénal. Dans la pratique, le champion des mesures de contrainte est le canton de Zurich avec plus de 3’000 cas par an. Comme le constate un rapport remis au Parlement, le zèle zurichois a juste démontré son inefficacité, établissant que des mesures de contrainte prolongées ne faisaient pas plus quitter la Suisse aux personnes ainsi enfermées. De plus, la majorité sont des étrangers qui n’ont pas passé par la procédure d’asile : l’objectif est bel et bien de disposer d’un arsenal étendu contre toute personne sans statut légal.
Notre souhait
Nous voulons vivre ensemble, développer de nouvelles solidarités et construire un meilleur monde que celui basé sur le rejet. Pour cela, toute personne au bénéfice d’un emploi, quelle que soit sa provenance, devrait avoir droit à un permis de séjour accompagné des droits imprescriptibles de pouvoir vivre avec sa ou son conjoint et ses enfants et de voir respecter les droits fondamentaux pour elle/lui et sa famille (accès aux soins et à la formation, protection, etc.)
Arguments contre la révision de la loi sur l’asile (LAsi)
Depuis sa création en 1979, la LAsi a été constamment modifiée. Elle « s’érige ainsi progressivement en obstacle aux flux migratoires, au même titre que le projet de la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) qui consacre l’exclusion de la migration non qualifiée extra-européenne dans notre pays ». (Extrait de la réponse du Conseil d’Etat genevois à la procédure de consultation sur la modification de la LAsi, 26.09.01.).
Des personnes persécutées et torturées ne reçoivent plus l’asile
La personne qui ne peut pas présenter de papiers d’identité ou de voyage dans les 48 heures après son arrivée sera exclue de la procédure d’asile. Pourtant, ce sont justement souvent les personnes persécutées qui n’ont pas de papiers ! Les victimes traumatisées par la torture et le viol n’ont pas les moyens de se défendre. Au lieu d’obtenir l’asile, elles sont renvoyées. C’est contraire au droit international et à la Convention de Genève sur les réfugiés.
Délaissés dans une procédure d’asile compliquée
La personne qui doit se battre contre une décision erronée se retrouve seule. Le délai de recours n’est souvent que de cinq jours. Pendant ce court laps de temps, les réfugiés peuvent être emprisonnés. Comment sont-ils censés se défendre alors qu’ils ne connaissent ni nos langues ni nos langues ni nos lois ?
Danger pour la famille des réfugiés
Les autorités pourront contacter les autorités du pays d’origine des réfugiés avant de savoir s’ils y sont persécutés. La famille restée au pays est mise en danger : elle risque d’être persécutée et maltraitée à la place de la personne en fuite.
Famille, enfants, femmes enceintes, personnes âgées et malades à la rue
Toutes les personnes refoulées seront exclues de l’aide sociale. Il n’y aura aucune exception pour les familles, les mineurs non accompagnés ou les femmes enceintes. Des milliers de personnes seront poussées dans la misère et l’illégalité. Les villes et les cantons paieront pour les failles d’une politique d’asile inique.
Pas de grâce pour les personnes en situation de détresse personnelle grave
Les cantons décideront seuls s’ils veulent examiner les dossiers de requérants en situation de détresse personnelle grave. Le plus souvent, ils n’ont aucune pitié : même des familles bien intégrées avec des enfants scolarisés sont expulsées.
Des êtres humains de seconde classe
Les réfugiés n’ont plus de droits. Même leurs logements privés peuvent être perquisitionnés par la police sans mandat judiciaire. Leurs données biométriques sont enregistrées. Les enfants et les adolescents doivent se soumettre à des tests osseux en cas d’incertitude sur leur âge. De nouvelles interdictions de travailler obligent les requérants à vivre de l’aide sociale. Et celui qui travaille, paye un impôt spécial à fond perdu.
L’emprisonnement d’innocents est disproportionné, inutile et coûteux
La personne qui refuse de quitter la Suisse de son plein gré pourra dorénavant être emprisonnée pendant deux ans. Même les mineurs peuvent être emprisonnés dans le but de les faire plier. Les refoulés sont traités comme des criminels. Pourtant, des études montrent que la détention de longue durée est chère et inutile.
Argumentaire de la Coalition pour une Suisse humanitaire, [->http://www.khs-csh.ch]