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CCSI-Info décembre 2007

Publié le 27 décembre, 2007 dans

bulletin d’infos

décembre 2007

 

 

Édito

 

Le froid s’installe. La campagne et les résultats des votations du 21 octobre dernier pèsent encore sur nos épaules et notre cœur. Comment réinventer, année après année, le combat pour l’égalité de chance et de traitement pour toute personne vivant dans notre pays, indépendamment de ses origines et de son statut légal ? Croire au printemps et le construire en plein hiver ? Les migrant-e-s, qui jour après jour s’adressent au CCSI, dignes, confiant-e-s, déboussolé-e-s ou désespéré -e-s sont autant d’appels à résister et à se battre pour une réalité plus humaine. Jusqu’à quand pouvons-nous accepter que des familles soient déchirées pour des histoires de papiers ? Que nos lois, par le renvoi d’un parent, fabriquent des enfants orphelins de père ou de mère ? Que des jeunes scolarisés ici soient interdits d’avenir professionnel, condamnés au travail au noir ? Que des mères, exerçant un travail indispensables au bon fonctionnement de notre société, vivent avec leurs enfants dans la peur constante d’être découvertes et renvoyées ? Au « menu » de ce bulletin, les droits de l’enfant migrant. Il y a 10 ans, la Suisse ratifiait la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Où en sommes-nous aujourd’hui ? Un constat prévisible, mais toujours douloureux : les enfants vivant dans ce pays ne sont pas égaux devant la loi suisse. Les droits de l’enfant ne sont pas garantis par l’Etat pour tout un chacun sans discrimination. La nouvelle loi sur les étrangers, qui entrera officiellement en vigueur le 1er janvier 2008, contrevient dans certains cas à l’intérêt supérieur de l’enfant. Bref, notre pays ne respecte pas le principe de base de cette convention : l’égalité des droits pour tout enfant, suisse et étranger, avec ou sans-papiers, vivant ici. « Les rêves d’aujourd’hui sont les réalités de demain ». Alors, rêvons d’une Genève qui assume sa multiculturalité, hier pionnière pour le droit à l’école des enfants sans-papiers, demain pionnière pour le droit à la formation professionnelle de ces mêmes enfants devenus adolescents.
Bonne lecture
Christine Pittet

 

 

 

Communiqué de presse

20 novembre, Journée internationale des droits de l’enfant Enfants sans-papiers, jeunes sans formation : des droits au rabais
Les enfants sans-papiers sont aujourd’hui scolarisés – droit à la scolarité obligatoire et post- obligatoire – mais ils sont toujours exclus du droit à la formation professionnelle, notamment en entreprise. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés se bat contre cette discrimination. Les jeunes scolarisés dans ce pays doivent pouvoir y effectuer un apprentissage pour exercer ensuite un métier, ici ou ailleurs. Notre économie ne cesse de répéter qu’elle a besoin de jeunes formés. Ces jeunes ne demandent que ça. Que cesse alors le gaspillage de leurs potentialités, pour eux et pour nous tous. Des jeunes sans avenir, des jeunes dans l’impasse à 16-17 ans, ce sont des jeunes en danger, c’est une société en danger. La Suisse a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant il y a dix ans. Il est urgent que s’applique dans notre pays le principe de base de cette convention : l’égalité des droits, dont le droit à la formation, pour tout enfant, suisse et étranger, avec ou sans-papiers.

Droits de l’enfant migrant

Au sens de la CDE1, est considéré comme enfant tout être humain de moins de dix-huit ans. Lors de sa ratification, la Suisse avait émis plusieurs réserves, dont deux sont toujours en vigueur. L’une concerne l’art. 37c, la séparation des jeunes et des adultes privés de liberté. (Selon une loi fédérale entrée en vigueur le 1.1. 2007, les cantons ont 10 ans pour créer les établissements nécessaires pour l’application de cet article). L’autre concerne directement les enfants de migrants. Pour l’art. 10 §1 (regroupement familial) prévaut la législation suisse qui ne garantit pas le regroupement familial à certaines catégories d’étrangers. Et surtout, les enfants sans-papiers ne jouissent d’aucune disposition légale régissant leur situation. Pourtant, avant d’être des sans-papiers, ils sont d’abord des enfants.

Non-respect de la CDE en Suisse : cas concrets et témoignages
Les quatre situations relatées ci-dessous touchent principalement aux droits suivants : l’intérêt supérieur de l’enfant (Art.3), égalité de chance et de traitement, non-discrimination (Art.2), connaître ses parents et être élevé par eux (Art.7), éducation et enseignement professionnel (Art. 28/29), enfance saine et épanouie, vivre en sécurité ( Art. 6/27).

 

« Les autorités brisent la vie familiale d’une enfant suisse
Naturalisée suisse, « Léa » 3 ans, risque de devoir partir avec sa mère en Equateur, malgré le fait que son père, ses deux demi-sœurs et ses grands-parents vivent en Suisse. En effet, l’ODM refuse d’octroyer une autorisation de séjour à sa mère. « Léa » est née en 2004 de l’union sentimentale d’un homme suisse et d’une mère sans statut légal. Lorsque ses parents se séparent et décident de ne plus habiter ensemble, l’ODM refuse de renouveler les permis de « Léa » et de sa mère, dont le renvoi est alors imminent. Même si « Léa » est Suisse, le renvoi de la mère équivaut à son propre renvoi, puisqu’une séparation entre la mère et la fille n’est pas envisageable. La décision de l’ODM, prise en mai 2007, ne tient pas compte de deux arguments majeurs. D’une part, « Léa » devra grandir sans son père, sans ses deux demi-soeurs et sans ses grands
-parents paternels avec lesquels elle a tissé d’étroits liens affectifs réciproquement, son père sera privé de sa fille. D’autre part, un enfant suisse devra grandir dans un pays où elle ne pourra pas bénéficier des conditions de vie dont jouissent ses compatriotes suisses. Un ultime recours a été déposé le 29 juin 2007.

Questions soulevées :
Une enfant suisse n’a-t-elle pas le droit à la fois de vivre avec sa mère et de grandir aux côtés de son père en Suisse ? Est-ce bien le rôle de l’autorité fédérale de l’en empêcher ? L’autorité donne-t-elle une telle priorité à la lutte contre la surpopulation étrangère qu’il faille priver une fille de père suisse de son pays et de sa vie familiale ? De nombreux pères suisses, séparés de la mère de leur enfant, gardent néanmoins une relation très étroite avec lui. Un citoyen suisse qui a un enfant avec une mère étrangère doit-il être privé de cette possibilité ? »
Tiré de l’Observatoire genevois de l’application du droit d’asile et des étrangers. www.stopexclusion.ch/observatoire

Oriana : si j’avais des papiers, je commencerais à vivre
« (…) J’ai beaucoup d’amis en dehors du collège, mais aucun d’entre eux n’est au courant. Peut-être par peur de ma part d’être exclue ou même dénoncée. Vous voyez ce que je veux dire ? Ma mère nous a toujours dit qu’il ne fallait jamais rien raconter. Même entre Colombiens, il y a des dénonciations, du coup ma mère n’aime pas que nous fréquentions du monde. (…) Plus je grandis, plus cette situation devient intenable, parce que de nouvelles activités me sont interdites. Je me trouve peu à peu exclue d’un monde qui m’a permis, malgré tout, un certain nombre de choses. (…) » Extraits tirés de « Histoires de vie Histoires de papiers » (p. 113-114)

 

Moi, Sabrina H, 15 ans, permis F
« Je viens de Bosnie, de la région de Srebrenica. Enfin … façon de parler, car la Bosnie, je ne m’en souviens pas. J’avais 4 ans, et tous mes souvenirs d’enfance sont en Suisse. Mon pays, je ne l’ai jamais revu. Mon permis F m’interdit de quitter la Suisse. Je ne suis jamais partie en vacances. C’est cruel de voir les autres partir, alors que moi, chaque année depuis 11 ans, je reste ici. Pourtant avec ce permis, je peux être expulsée à tout moment, et je vis dans la crainte constante de devoir retourner en Bosnie. Qu’est-ce que j’y ferais ? Je n’y ai aucun repère. A force d’être privée de mes origines, j’ai oublié la culture de mes parents et ma famille restée là-bas. A-t-on le droit de priver les gens de leur famille ? J’en ai même fini par oublier ma langue maternelle. D’ailleurs, même avec ma maman, je parle français. Là, je suis à la recherche d’une place d’apprentissage. J’ai déjà envoyé des dizaines de lettres, mais je suis inquiète, car je sais que les ex-Yougoslaves sont défavorisés. C’est injuste, j’estime que les gens devraient être jugés en fonction de leurs compétences, non pas de leurs origines. Mais je remercie la Suisse de m’avoir accueillie. Je m’y suis fait des amis, je me suis imprégnée de sa culture. D’ailleurs, j’adore la raclette. Bref, je me sens comme une Suissesse … sauf que je ne suis pas une Suissesse. Mais alors, qui suis-je ? »
Sabrina Hasanovic. Tiré de Yougo-verso, Le journal des jeunes Lausannois originaires d’Ex-Yougoslavie, Nov. 2006/édition unique.

 

Droits de l’enfant : la parole d’une mère sans-statut légal
Des femmes ont fait le choix douloureux de l’exil pour garantir un présent et un avenir meilleur à leurs enfants, venus avec elles ou restés au pays. La personne interviewée, suivie par le CCSI, vit à Genève avec ses enfants. Elle est originaire d’Amérique du Sud et sans-papiers. Le jeu des questions-réponses s’est avéré inadapté, tant elle avait de choses à dire (en espagnol). Je retranscris ci-dessous, le plus fidèlement possible, quelques thèmes abordés lors de cette conversation et remercie mon interlocutrice de sa confiance.

Raisons du départ : mon fils aîné souffrait d’asthme. Dans mon pays, sans moyens financiers, on n’a pas droit aux soins. Je ne possédais rien, j’avais des dettes. Quand l’occasion s’est présentée de partir en Suisse pour garder l’enfant d’une cousine et gagner de l’argent, j’ai laissé mes enfants à ma mère et je suis arrivée à Genève. Un jour, j’ai failli perdre la vie et j’ai cru mourir sans revoir mes enfants. Alors, j’ai décidé de les faire venir.
Droits de l’enfant : ici mon fils aîné est bien soigné, son asthme a presque disparu. Mais, il souffre aussi d’angoisses. Il est très peu sûr de lui et il présente des difficultés d’apprentissage. Ses troubles sont dus à son enfance. Il est suivi par une psychologue. En Suisse, pour la santé de mon fils, c’est beaucoup mieux que dans mon pays. A l’école, il n’y a pas de différences entre les enfants sans-papiers et les autres. Mais, en 5e, mon fils n’a pas pu partir avec sa classe en camp de ski parce que celui-ci avait lieu en France. Mon fils cadet, au début, m’a rejetée, il ne me reconnaissait plus. C’était difficile. Maintenant il est en première enfantine. Il parle déjà le français. Moi aussi je prends des cours de français. Notre logeuse ne voulait pas que mes enfants jouent avec le sien. Elle menaçait d’appeler la police. Mon fils aîné ne comprenait pas et j’ai dû lui expliquer notre situation. Heureusement, maintenaient il possède un Natel. Cela le tranquillise beaucoup quand il doit se déplacer seul, par exemple pour aller au foot. Après la 6e, mon fils va entrer dans une école spécialisée. Je sais qu’il ne pourra pas apprendre un métier plus tard parce qu’il n’a pas de papiers.
Si j’avais des papiers la vie serait très différente pour moi et mes enfants. Je pourrais avoir un travail fixe avec un salaire fixe, ne plus être exploitée, ne plus être dévalorisée. Maintenant, on me méprise même si je fais bien mon travail. J’aurais un logement correct, et vivrais en sécurité avec mes enfants. Je veux retourner chez moi, ma mère est âgée. J’économise chaque sou pour rentrer dans mon pays.

 

Indigné-e-s par ces réalités, mais que faire ? En parler autour de soi, exprimer son opinion, réfléchir avec d’autres, créer, résister, …


Une priorité pour le CCSI : le droit à la formation professionnelle pour les jeunes sans-papiers
Le CCSI s’est battu pour le droit à l’éducation des enfants sans-papiers, droit finalement acquis à Genève en 1991. Dix ans plus tard, en 2001, le CCSI lance la campagne « Permis de formation pour les jeunes sans-papiers ». Cette campagne suscite larges débats et espoirs. Mais elle n’aboutit à aucune solution concrète. Si les jeunes sans-papiers peuvent suivre les écoles du post-obligatoire, en revanche toute formation duale, comprenant
stage ou apprentissage en entreprise leur est interdite. Car ce type de formation relève de la loi sur le travail. Qui dit permis de travail, dit permis de séjour (régis par la loi fédérale sur les étrangers). En avril 2007 une lettre ouverte est adressée à Doris Leuthard (Cheffe du Département fédéral de l’économie) par la Plate-forme nationale des Sans papiers et par l’Union syndicale suisse, demandant le droit à la formation professionnelle pour les jeunes sans-papiers. La réponse de Mme Leuthard se résume en une non-entrée en matière. Elle souligne que la loi sur les étrangers prime toujours sur la loi de la formation professionnelle.

L’injustice et l’aberration de cette situation semblent tellement évidentes : des jeunes scolarisés chez nous, bien intégrés et tout à coup interdits de projets professionnels et d’avenir, condamnés à l’illégalité, au travail au noir ou à un nouvel exil. Il y a forcément des solutions …

 

 

Actualités

< Le 18 septembre, la famille de Marie Houriet c’est agrandie : bienvenue à Capucine dans notre Monde tout en Couleurs !
< En septembre nous avons dit un dernier adieu à José Antonio Lopez, actif pendant de nombreuses années au CCSI.

 

Manifestations
< Les 24, 25 et 26 janvier 2008 « La migration : dernière chance du développement ». La Fédération genevoise de coopération organise son 2ème carrefour genevois de la solidarité . Le CCSI co-anime deux ateliers dans le cadre de cet événement. Programme complet prochainement sur www.fgc.ch
< Le 27 avril 2008, salle du Môle « Jeunes sans papiers : interdits de futur » Journée de solidarité organisée par le Collectif de soutien aux Sans-papiers, avec la participation du CCSI. Réservez déjà la date, le programme détaillé suivra !

 

Signatures svp. !
< Pétition contre la pauvreté Le déséquilibre entre riches et pauvres est l’une des causes principales des migrations. Plus d’informations sur www.contrelapauvrete.ch
< Droits humains en Suisse : que fait la police ? Campagne d’Amnesty International : Plus d’informations sur www.amnesty.ch

 

A lire, à voir, à offrir
< Histoires de vie Histoires de papiers CCSI, Laetitia Carreras et Christiane Perregaux Ed. d’en bas, 2002. Fr. 27.- Témoignages émouvants et courageux de jeunes sans-papiers suivis de quelques réflexions. Beau livre, toujours actuel et indispensable ! Disponible au CCSI, ou à commander en librairie.
< Un train qui arrive est aussi un train qui part Regards de 7 jeunes migrants sur leur vie à Genève. CCSI et JJ. Lozano, Vidéo, 2003. Fr. 25.- Disponible au CCSI. Pilar Ayuso, militante immigrée, et André Ntashamaje du Rwanda à la Gruyère
< Un visage, une voix, une vie. Association Film Plans-Fixes. DVD, Fr. 25.- Disponible au CCSI. Belles fêtes de fin d’Année à toutes et à tous !