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CCSI-Info février 2008

Publié le 16 février, 2008 dans

bulletin d’infos

Février 2008

 

Édito

?

En ce début d’année les sans-papiers, une fois n’est pas coutume, font la une des journaux. Avec l’entrée en vigueur, au premier janvier 2008, de la Loi sur le travail au noir, Genève semble soudainement s’émouvoir du sort de ses quelque 10 000 « clandestins » : « La chasse aux personnes illégales est-elle ouverte ? » « Les sans-papiers, déclarés aux assurances sociales via Chèque service, vont-ils être dénoncés par la transmission des dossiers ? » Et même, « Les enfants des sans-papiers vont-ils pouvoir continuer d’aller à l’école ?». Chaque média surpasse l’autre, à l’affut d’émotions fortes. Réel souci d’information ou raison mercantile ? Cette agitation a poussé les autorités à prendre position: déclarations se voulant rassurantes, mais néanmoins ambiguës, tentant de concilier respect de la loi et protection des personnes sans statut légal.

 

Cette médiatisation des sans-papiers devrait nous réjouir : enfin elles sortent à nouveau de l’ombre ! Pourtant, tout ce ramdam laisse un sentiment de malaise, d’abord parce que les personnes concernées sont absentes. Que ressentent-elles ? Que disent-elles ? Puis, parce que cette empathie soudaine va se dégonfler comme un soufflé et la presse passera à autre chose. La seule vraie question : à quand la légalisation des personnes sans papiers ? n’aura été que rarement posée, elle n’aura suscité ni gros titres, ni engouement. Pourtant, tout le monde, ou presque, est d’accord pour dire que ces personnes, dont un grand nombre sont des femmes travaillant dans l’économie domestique, sont indispensables au bon fonctionnement de l’économie, de la société et apportent un plus à la vie de la cité. Alors, où est le problème ?! A Berne, qui bloque toujours le dossier de 5600 régularisations déposées par Genève en 2003. A l’ODM1,obnubilé par la lutte contre la surpopulation étrangère, qui, dans sa circulaire, affirme que prendre en compte la durée du séjour illégal reviendrait à « récompenser l’obstination à violer la législation en vigueur ». Des personnes sans statut légal travaillant et vivant ici depuis 8 ans, 12 ans ou plus, n’ayant plus d’attaches avec leur pays d’origine, se trouvent ainsi sans perspectives d’avenir: une « logique » inique! 2

La Loi sur le travail au noir pourrait bien être un pas de plus dans la précarisation des personnes sans-papiers. Restons vigilants! Les employeuses vont-elles renoncer à engager une femme sans-papiers pour s’occuper des enfants ou du ménage ? La confidentialité de Chèque service, promise par les autorités genevoises jusqu’en 2010, sera-t-elle maintenue sur un plus long terme ? Et surtout, rappelons sans relâche l’hypocrisie qui emprisonne ces personnes dans une situation de quasi non-droit. Ne nous laissons pas intimider par la frilosité et la rigidité fédérales. D’ailleurs, espérons que l’éviction du chef de bande de l’UDC entrouvre un porte, pour relancer le débat sur les régularisations.

Et … terminons avec un petit rayon de soleil dans la grisaille :

 

« Nyon, Le tribunal de police acquitte un sans-papiers (…) La juge pénale, Anne Roethenbacher, a en effet libéré de toutes peines le sans-papiers d’origine kosovare inculpé d’avoir violé la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers(LSEE). Elle s’est donc ralliée aux arguments de l’avocat Jean-Michel Dolivo qui avait demandé l’acquittement. En substance, la situation « illégale » du requérant était connue des autorités qui ont fermé les yeux. On ne pouvait donc plus parler « d’illégalité ». » (Le Courrier, 7.02.08.)

 

Bonne lecture! Christine Pittet

 


Convention internationale sur les travailleurs migrants

La migration dernière chance du développement ? vaste question sur laquelle s’est penché le Carrefour de la solidarité organisé par la Fédération genevoise de coopération (FGC)  du 24 au 26 janvier dernier à Meyrin. Les migrations, une réalité historique, une chance et un droit, tel était le fil rouge des échanges entre personnes du Sud et du Nord.

Lors de cette rencontre, le CCSI a participé à deux tables rondes, intitulées « Réalités, trajectoires et regards de femmes migrantes en Suisse » et « Des migrants corvéables à merci ». Cette dernière était centrée sur la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille3, convention si peu connue et « boycottée » par les pays du Nord. La citation ci-dessous d’Aminata Traoré, auteure malienne intervenante au Forum, illustre pourtant l’urgence de sa ratification par le plus grand nombre d’Etats.

 

« Les prétendus maîtres du monde, omniscients et omnipotents, ceux-là mêmes qui nous reprochent notre tendance à l’enfermement et notre frilosité, se barricadent, revendiquent leur identité nationale, brandissent leurs drapeaux et crient à l’invasion.

Ainsi nous avons tous peur.

Nous avons peur de manquer du minimum, mais surtout de n’être rien, le vide et la crainte de l’anéantissement étant le lot des opprimés.

Les possédants, quant à eux, ont de plus en plus peur de perdre certains de leurs privilèges en partageant, ne serait-ce qu’en nous restituant notre humanité. Ils ont peur de notre présence quand elle n’est ni sollicitée ni susceptible d’ajouter à leur avoir, peur de nos différences quand elles sont visibles et de notre demande d’humanité quand elle se fait insistante. Des quêteurs de passerelles qui n’ont pour toute arme que des échelles sont devenus des « illégaux », des « clandestins », des « sans-papiers », des « ennemis » à neutraliser. » L’Afrique humiliée, Aminata Traoré, Ed.Fayard 2008

 

La Convention et ses buts

  • Adoptée le 18 décembre 1990 par l’Assemblée générale des Nations Unies, la Conven-tion entre en vigueur en 2003 après le minimum de 20 ratifications requises. Comptant 93 articles, « son objectif premier est de protéger les travailleurs migrants, une population particulièrement vulnérable, de l’exploitation et de la violation de leurs droits humains ».3

  • « La Convention cherche à attirer l’attention de la communauté internationale sur la déshumanisation des travailleurs migrants. En effet, la législation de certains Etats, mettant en œuvre d’autres traités de base, utilise une terminologie qui couvre les citoyens et/ou les résidents, et qui exclut de jure beaucoup de migrants, particulièrement ceux en situation irrégulière »3

  • « L’expression « travailleurs migrants » désigne les personnes qui vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un Etat dont elles ne sont par ressortissantes » (Art 2 §1)

  • « Les droits des travailleurs migrants, tels qu’établis par la Convention, se regroupent sous deux catégories générales :

– Les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille (Partie III) : applicables à tous les travailleurs migrants (y compris les « clandestins »). – Les droits spécifiques des travailleurs migrants et des membres de leur famille (Partie IV ) : applicables seulement aux travailleurs migrants en situation régulière. » 3

Convention internationale sur les travailleurs migrants

Les pays occidentaux, dont la Suisse, snobent la Convention

Fin 2007, la Convention est ratifiée par seulement 37 Etats, essentiellement par ceux du Sud, et d’origine des migrants. Aucun pays d’Europe, ni d’Amérique du Nord ne l’a ratifiée. La Convention n’y est pas populaire. Les Etats du Nord craignent-ils d’être pris à défaut ?  De perdre leur place de donneurs de leçon du monde ? De subir les fameux appels d’air et d’être envahis ? En Suisse, le Conseil fédéral a refusé d’entrer en matière sur la Convention en 2003. Le moins que l’on puisse dire est que les mémoires sont courtes. La majorité des pays européens, dont la Suisse, ont connu de grandes vagues d’émigrations.

 

La roue tourne …
Ils avaient un rêve, celui de fuir la misère et la répression politique et de partir à la conquête d’un nouvel El Dorado à l’autre bout du monde. Parmi eux, pas plus d’Africains, d’Arabes, d’Asiatiques que de Latino-Américains, mais des Européens désespérés, appauvris par la crise économique survenue après la fin de la guerre civile espagnole (1936-1939). (…) « la seule issue que l’on entrevoyait, c’était celle d’émigrer ». José décédé en 2006, et son frère Sebastian étaient partis près de cinquante ans auparavant, aux côtés de 169 autres personnes, à bord du Telémaco, un vieux bateau d’une capacité de 20 passagers. (…). Entre 1946 et 1958, quelque 180 000 Espagnols, principalement originaires de Galicie et des îles Canaries, émigrèrent ainsi au Venezuela. (…).

Cécile Puilly, Réfugiés no 148-2007. Extrait d’un documentaire espagnol sur l’émigration des Canariens vers l’Amérique latine. « El ruido del mar » disponible sur Intenet : http://elruidodelmar.blogspot.com

 

Pour les migrants en Suisse, qu’apporterait la Convention?

Cette Convention n’a rien de révolutionnaire. Elle ne fait que veiller à ce que les droits de l’homme soient appliqués correctement pour les migrant-e-s. Pourtant, dans le contexte de durcissement, de criminalisation, de méfiance systématique envers les étrangers, cette Convention, instrument légal international, n’est pas un luxe. Quelques exemples concrets :

 

Regroupement familial: (Art. 44) Les Etats « prennent les mesures appropriées pour assurer la protection de l’unité familiale du travailleur migrant ». Actuellement, cette unité familiale n’est pas garantie pour les ressortissants hors EU/ALE avec permis de séjour. Pour cette catégorie de migrants, le regroupement familial n’est autorisé que pour les enfants jusqu’à 18 ans et pour les plus jeunes des délais de dépôt de demande très restrictifs sont mis en place. De fait, des familles sont souvent « fractionnées » par nos lois!

Assurances sociales : (Art. 27 §2) « Lorsque la législation applicable prive les travailleurs migrants et les membres de leur famille d’une prestation, les Etats concernés examinent la possibilité de rembourser aux intéressés les montants des cotisations qu’ils ont versés au titre de cette prestation, sur la base du traitement qui est accordé aux nationaux qui se trouvent dans une situations similaire. »

Une personne sans statut légal pourrait donc obtenir non seulement le remboursement de ses cotisations AVS, mais aussi celles de son assurance chômage. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Santé (Art. 28) Éducation (Art. 30): Tous les migrants y compris les sans-papiers et leur famille ont droit à tous les soins. Tous les enfants ont accès aux établissements préscolaires ou scolaires publics sur la base de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’Etat en cause. En Suisse, pour les personnes s
ans papiers, ces droits varient d’un canton à l’autre, sans jamais pleinement respecter l’égalité de traitement avec les Suisses.

 

A quand une campagne pour la ratification de cette convention ?!

A suivre …

 


Agenda/Divers

  • 3-7 mars, plurielles engagement au féminin. Débats, ateliers, théâtre, … Journées organisées par le Maire de la Ville de Genève Patrice Mugny. Le 3 mars « Sans-Papiers, une réalité quotidienne », film d’Ingrid Wildi « Los invisibles » suivi d’un débat. Programme sur www.geneveplurielles.ch

  • 16 mars, CAMARADA fête ses 25 ans, à la Comédie. Programme sur: www.camarada.ch

  • 7 au 16 mars : Festival du film et forum sur les droits humains.

  • Vendredi 7 mars «Montée du populisme en Europe ». Programme disponible sur : www.fifdh.ch

 

Assemblée générale du CCSI
3 avril à 19h
dans les locaux du CCSI (25 rte des Acasias)
La convocation avec ordre du jour suivra.

 

Jeunes sans papiers : interdits de futur ?
Journée de solidarité avec les sans-papiers, avec le parrainage de la Mairie de Genève
27 avril 2008 de 11h00 à 17h00
Salle du Môle aux Pâquis
C
ette journée sera axée sur le dialogue entre les politiques, les associations, les personnes de terrain, les parents et les jeunes sans statut légal. Elle aura pour but la mise en évidence de cette problématique, la recherche de solutions, et l’écoute des personnes concernées. Une table ronde ainsi que des animations, notamment théâtrales, permettront de lancer la discussion. L’objectif de cette journée est de créer un espace de sociabilité dans lequel chacune et chacun pourra partager ses expériences personnelles et ses opinions.
Programme de la journée:
11h00 : Accueil, introduction à la problématique
12h00 : Animation théâtrale
12h30 : Repas
14h00 : Table ronde avec introduction de M. le Maire
16h00 : Spectacle de clôture
Venez nombreuses et nombreux !

 

< Nous vous rappelons que le CCSI a publié l'an dernier les Actes de son université d'été 2006 « Genre et intégration en contexte migratoire ». Cette brochure est disponible au CCSI.

 

 

< MERCI POUR LE VERSEMENT DE VOTRE COTISATION 2008: 60 CHF POUR LES MEMBRES INDIVIDUELS ET 150 CHF POUR LES MEMBRES COLLECTIFS.

1 Office fédéral des migrations

2Voir cas décrits par l’Observatoire: www.stopexclusion.ch/observatoire

3 Texte complet de la Convention, commentaires, et Etats signataires: www.unesco.org < Convention sur la migration internationale