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CCSI-Info mai 2008

Publié le 16 mai, 2008 dans

bulletin d’infos

mai 2008

Édito

 

En pensant aux prochaines votations sur les naturalisations, on se dit que la recette de l’UDC est au fond très simple. Lancer régulièrement sur le tapis un débat autour de la migration, cristalliser autour les aigreurs de toute sorte (il y a toujours un moyen, même tiré par les cheveux, de les relier avec la présence des migrant-e-s), puis engranger le bénéfice politique de l’opération : au mieux, une victoire, au pire, un score honorable permettant de se proclamer porte-parole d’une frange non négligeable de la population.

 

L’UDC excelle dans l’art de toujours revenir à ses moutons (noirs). Le couplet a beau varier (naturalisation par les urnes, requérant-e-s d’asile, révision de la loi sur l’Assurance Invalidité, minarets), le refrain reste le même, celui des ABUS déclinés sous tous les angles (criminalité, fraude, manque d’intégration).

 

Face à ce rouleau compresseur en marche pour la énième fois, la première tâche est évidemment de rappeler le véritable sujet de la votation, à savoir le choix de la méthode pour accorder la citoyenneté, et non une éventuelle remise en question de la souveraineté populaire comme on essaie de nous le faire croire. Ouvrons ici une parenthèse. Pauvre peuple, qui aurait peut-être le droit de refuser le passeport suisse à des Kosovar-e-s, mais n’a aucune marge de manoeuvre lorsque des patrons de grandes entreprises s’octroient des salaires astronomiques ou quittent leur fonction avec des parachutes dorés. Au fait, en poussant le raisonnement à l’extrême, pourquoi ne vote-t-on pas sur TOUTES les décisions touchant de près les habitants ? Le tracé d’une autoroute ? La cadence des trains ? Les tarifs de la Poste ? La nomination des profs ? L’attribution des logements subventionnés ? Sans délégation, il n’y aurait pas assez de dimanches pour tous les sujets sur lesquels se prononcer. D’ailleurs, les naturalisations par les urnes avant 2003 (date à laquelle le Tribunal Fédéral les a décrétées inconstitutionnelles) n’étaient pratiquées que dans une poignée de communes, uniquement outre-Sarine…

 

Ensuite, il s’agit de fourbir nos arguments sur une initiative incompatible avec les principes d’un Etat de droit (voir le dépliant joint à ce numéro) et plusieurs traités internationaux signés par la Suisse (Convention européenne des Droits de l’Homme, Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU, Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale).

 

Enfin, ne pas oublier de remettre en perspective la question posée par l’initiative. L’octroi du passeport à croix blanche touche quelque chose de profond, puisqu’il s’agit d’identité, mais deux visions s’opposent. Pour certain-e-s, l’identité suisse est faite d’un certain nombre de valeurs – qu’on se garde bien de trop expliciter, d’ailleurs. C’est une identité-bloc, une identité-référence, une identité fixe. Pour d’autres en revanche, l’identité est avant tout ce que construit une communauté de destin entre des personnes qui vivent dans un lieu donné à un moment donné.

 

Mais au-delà de ces stratégies classiques, il n’est pas interdit, en ce mois qui marque le 40ème anniversaire de mai 68, de se lâcher un peu. De saisir l’occasion de ces votations pour donner envie d’autre chose. De dire qu’on étouffe dans ce pays qui veut contrôler, réglementer, vérifier, s’assurer, formater, relooker, uniformiser, mondialiser. De l’air ! Et NON aux naturalisations à la tête du client.

 

Vous ne voyez pas le rapport ? Il existe pourtant : il s’agit de ne plus laisser à nos adversaires le monopole d’être hors sujet. Ils rabâchent sur l’air de tous les ras-le-bol. C’est à nous d’aller titiller la part du rêve. Comme le dit très joliment la Maison de Quartier de la Jonction, ne mettons pas Mai 68 en quarantaine.

 

Marie Houriet

 

 

 


Formation des jeunes sans statut légal

Echos de la journée de solidarité

 

Le 27 avril dernier, le Collectif de soutien aux Sans-Papiers (CSSP), avec le parrainage de la Ville de Genève, a mis sur pied une journée de solidarité avec les personnes sans statut légal en se penchant en particulier sur le droit à la formation professionnelle des jeunes. Le CCSI a très activement participé à la préparation de cette journée, et y a tenu un stand d’information sur ses activités. Christiane Perregaux est par ailleurs intervenue à la Table ronde organisée autour de cette problématique. Petits échos « maison » de cette journée qui aura vu défiler environ 800 personnes (!) à la salle du Môle, dont plus de 300 pour assister à la partie théâtrale puis au débat sur ce sujet.

 

 Jean-Pierre Boillat, Permanence Ecole et formation professionnelle

Patrice Mugny a évoqué la possibilité, pour la Ville de Genève, d’ouvrir des places d’apprentissage aux jeunes Sans-papiers, avec la caution du Canton – ce qui serait très positif. Il faudra voir maintenant si ce souhait peut être suivi d’effets. Le débat ne doit pas se cantonner aux Sans-Papiers, il faut l’élargir à tous les jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune perspective. Il est frappant de voir les parents ignorer que leurs enfants peuvent se retrouver, à cause de l’absence de permis ou de leur niveau scolaire, dans une situation où rien n’est prévu pour eux. Les parents croient qu’il existe forcém
ent une filière où leur enfant pourra s’inscrire, et ce n’est pas le cas. Il y a là une profonde méconnaissance ou une « non-prise de conscience ».

Pour ce qui est de l’apprentissage dual pour les Sans-Papiers, il y a certainement matière à discuter, malgré les déclarations de Mme Leuthard (voir page 4).Il faut creuser la question directement avec l’Office Fédéral de la Formation professionnelle. Si cela n’aboutissait pas, il faut au moins obtenir des certificats reconnus au niveau genevois. 

Christiane Perregaux, Présidente

C’était très important qu’il y ait eu autant de monde lors de cette journée, qu’il s’agisse des personnes sans statut légal ou des représentant-e-s du monde politique. Quand on analyse la situation des jeunes actuellement, on voit qu’il y a urgence et on s’interroge : qu’est-ce qu’on peut ouvrir concrètement comme classe pour eux à la rentrée prochaine ? Les comptes 2007 de l’Etat étant beaucoup plus positif que prévu, ne pourrait-on pas employer une partie de l’argent restant pour développer les filières dont ont besoin aussi bien les jeunes sans statut que celles et ceux qui restent en marge des possibilités actuelles offertes après l’école obligatoire ?

Espérons aussi que la Ville (et Patrice Mugny, présent à la table ronde du 27 avril, a envie qu’elle s’engage), et pourquoi pas une ou deux grandes entreprises de la place, ouvriront à terme des places d’apprentissage pour les jeunes sans permis.

Il faut enfin régler la question de l’entrée à l’université pour les jeunes sans statut qui ont une maturité en poche. Nous devons rappeler aux élu-e-s leurs engagements pour que l’accès aux études supérieures devienne réalité.

 

 

Pierre Tuscher, membre du Comité et du Secrétariat

La présence de très nombreux Sans-Papiers conforte le Collectif dans sa légitimité de porte-parole des personnes sans statut légal. La journée a mis en lumière de façon pertinente le problème des jeunes bloqués dans leur parcours de formation, à travers l’écoute des principaux concernés et l’assurance, de la part des associations et des institutions, de trouver des solutions. Pour une fois, on n’a pas seulement répondu : « On ne peut rien faire ! » Dans ce sens, le volontarisme de Patrice Mugny, qui pose des gestes forts en tant que maire de Genève (parrainage de la journée du 27 avril, prochaine inauguration d’une statue de Sans-Papiers), sont encourageants.

Concrètement, il faut multiplier l’offre de formation professionnelle à plein temps à l’école, notamment les formations initiales en deux ans. Aujourd’hui, il n’y en a qu’une seule, mais la Direction Générale du Post-Obligatoire a l’intention d’en proposer davantage. Ceci est nécessaire autant pour les jeunes sans statut que pour les élèves en échec scolaire.

Parallèlement, il faut creuser la ioste d’apprentissages en entreprise qui déboucheraient sur une attestation cantonale. Il y a encore quelques années d’ailleurs, on délivrait des Certificats Cantonaux de Capacité pour certaines professions paramédicales qui n’étaient pas encore reconnues par la Confédération. Pourquoi ne pas reprendre ce modèle dans un premier temps ?

 

Christine Pittet, information et relations extérieures

L’excellente participation à cette journée (un des premiers dimanches de beau temps, pourtant !) est le fruit des multiples contacts pris par la permanente du Collectif dans les paroisses que fréquentent les Sans-Papiers. Sur les quelques 800 personnes qui ont passé, plus de la moitié était des personnes sans statut légal, en majorité des mères et des jeunes d’Amérique latine. Le choix de servir à midi une soupe gratuite a aussi drainé des gens du quartier, ainsi que des personnes en situation précaire.

Les jeunes sans statut légal ont présenté des saynètes en lien avec leur vie, évoquant la pression qui pèse sur leurs épaules entre les espoirs des parents, la fermeture de la société suisse qui ne veut pas d’eux, et leur envie de vivre comme tout le monde. C’est important de jouer devant un public, ça valorise et ça permet d’aborder les problèmes avec une certaine distance, de façon ludique. Relevons l’évocation de la situation d’une jeune de seize ans venue en Suisse avec sa mère sans papiers, et qui est enceinte. Son bébé sera donc un-e clandestin-e de la troisième génération !! Jusqu’où cela ira-t-il ?? Gageons que les Suisses ne savent pas ça, ne veulent pas ça.

A défaut de résoudre les problèmes dans l’immédiat, une journée de ce type sert avant tout à donner une impulsion. A nous de ne pas la laisser retomber !

 

 

 

 

Après l’école obligatoire, quel avenir pour les jeunes sans statut légal ?

Bref rappel1 et perspectives

 

A Genève, les portes de l’école se sont ouvertes aux enfants sans statut légal en 1991, après des années d’une lutte intensive dont le Centre de Contact a été le fer de lance. En 1993, ce droit était étendu à toutes les filières du post-obligatoire (Maturité, Ecole de Culture générale, Ecole de Commerce) et aux filières professionnelles à plein temps. Reste un problème de taille pour les élèves dont le niveau ne permet pas l’entrée dans ces écoles, et pour qui un apprentissage dual (comprenant stage en entreprise + cours à l’extérieur) serait plus adapté. En effet, le stage en entreprise est considéré comme une prise d’emploi (puisqu’il y a salaire) et nécessite donc un permis de travail, ce qui est impossible à obtenir si l’on n’a pas de permis de séjour.

 

Le CCSI suit ce dossier depuis des années, que ce soit au travers de la Permanence Ecole et formation professionnelle, de groupes de travail, de recherches et d’acti
ons de sensibilisation. Pour le 10ème anniversaire du droit à l’éducation en 2001, le CCSI avait lancé l’idée d’un « permis de formation » qui ouvrirait enfin la voie de l’apprentissage aux adolescent-e-s sans statut légal. Actuellement, une motion du Parti Démocrate Chrétien genevois poursuit dans cette voie en demandant la création d’un « chèque apprentissage » sur le modèle du « chèque service ». Le Grand Conseil doit traiter cette motion prochainement.

 

Jusqu’ici, les autorités se sont toujours réfugiées derrière le droit fédéral pour ne pas donner suite à nos revendications. L’an dernier encore, la Conseillère Fédérale Doris Leuthard répondait négativement à une démarche conjointe de l’Union Syndicale Suisse et de la Plate-forme nationale des Sans-Papiers, jugeant que la Loi sur les Etrangers primait sur la Loi sur la formation professionnelle.

 

En attendant une solution juridique, il faudrait développer des formations professionnelles uniquement en école permettant d’obtenir un CFC. A Genève, il existe une formation initiale sur deux ans qui débouche sur une attestation fédérale. Cette filière est intéressante autant pour des jeunes sans statut que pour celles et ceux qui n’arrivent pas à commencer immédiatement un apprentissage « classique » (par manque de places disponibles, ou à cause d’un niveau scolaire insuffisant). Parfois, il peut s’agir d’un précieux bagage pour les jeunes sans statut en cas d’éventuel retour au pays. Cependant, il est essentiel que la recherche de solutions pour eux ne se fasse pas seulement dans la perspective d’un tel retour. En effet, après des années (parfois depuis la naissance !) en Suisse, rares sont celles et ceux qui souhaitent partir. « Monnayer » l’accès à une formation en échange d’une promesse de départ ne tiendrait compte ni de la cellule familiale dans son ensemble, ni de la vision qu’ont les jeunes de leur propre avenir. L’intérêt majeur de cette formation initiale est donc plutôt de servir de tremplin vers des formations ultérieures plus complètes, pour autant qu’elles deviennent accessibles…

 

1er mai

 

Le CCSI était comme à l’accoutumée présent aux Bastions pour le 1er mai. Un immense MERCI à toutes les personnes qui ont garni notre stand de mille et une petites gourmandises !

 

1Un historique plus complet sur le droit à l’éducation et la formation professionnelle est disponible sur demande au CCSI (admin@ccsi.ch ou 022/304.48.60) et accessible sur notre site internet www.ccsi.ch