CCSI-Info décembre 2008
bulletin d’infos
décembre 2008
Édito
Ce numéro de décembre paraît au milieu d’un océan de journées spéciales : journée des droits de l’enfants, le 20 novembre. Journée des droits humains, le 10 décembre. Journée des migrant-e-s, le 18 décembre… Faut-il rajouter Noël à la liste ??
A ces occasions, différentes organisations (dont le CCSI) réitèrent leurs revendications et rappellent aux gouvernements leurs engagements.
Que peut bien penser Pablo de tout cela ? C’est en préparant ce numéro que j’ai découvert son histoire sur le site de l’Observatoire romand du Droit d’Asile et des Etrangers, car le Centre de Contact souhaite dorénavant se faire l’écho, via son bulletin, de certains des cas recensés. Vous la découvrirez donc en détail en annexe, elle est effarante. Contre l’avis du Canton de Genève, les autorités fédérales veulent renvoyer une femme qui vit ici depuis 18 ans (et qui a été au bénéfice d’une carte de légitimation pendant plus de 10 ans, avant de faire une demande de permis humanitaire). Pourquoi ? Parce qu’à la naissance de son fils, Pablo, elle n’a pas voulu se séparer de lui. L’enfant, bien entendu également menacé d’expulsion, a toujours vécu ici. Il fêtera son douzième anniversaire ce mois : peut-être le dernier en Suisse.
C’est donc cela, la Genève internationale – la maman a travaillé toutes ces années auprès de différentes missions permanentes, avant d’être engagée à… l’Office International des Migrations ? En tout cas, ce n’est pas exactement celle dont on aime montrer l’image. Cette histoire rejoint des épisodes fort peu reluisants de traitements inhumains dans certaines ambassades. Cette fois cependant, ce n’est pas le comportement indigne d’un employeur qui est en jeu. Ce qui est en cause relève de la politique qui s’élabore sous la coupole fédérale (et non au bout du Léman, puisque l’Office Cantonal de la Population avait donné son aval pour le permis de cette famille).
La clef de tout cela se trouve en effet dans un document du Département Fédéral des Affaires Etrangères intitulé (respirez) Directive sur l’engagement des domestiques privés par les membres du personnel des missions permanentes, des missions diplomatiques, des postes consulaires et des organisations internationales en Suisse [1]. Ce texte prévoit que les domestiques privés (on aurait pu trouver un terme moins féodal…) doivent être célibataires, veufs/veuves ou divorcé-e-s, et venir seul-e-s en Suisse. En cas de mariage, la carte de légitimation n’est pas renouvelée. Et s’il y a des enfants, la garde de ceux-ci doit s’effectuer à l’étranger durant toute la durée du séjour en Suisse. C’est parce que sa mère n’a pas respecté cette clause que Pablo risque l’expulsion vers un pays totalement inconnu.
Nous venons de fêtes les 60 ans de la Déclaration Universelle des Droits Humains. Espérons qu’il ne faudra pas attendre la prochaine décade pour que la Genève Internationale, au-delà des affaires du vaste monde, dénonce ce qui se passe ici et exige de la Suisse le respect du droit à la vie de famille pour ces travailleuses et travailleurs de l’économie domestique.
Marie Houriet
[1] Il ne concerne donc pas les personnes engagées directement par les missions, postes consulaires et organisations internationales, employées par un Etat, mais celles qui peuvent être engagées par des particuliers (généralement des cadres) travaillant dans ces mêmes missions, postes consulaires ou organisations.
Violences contre les femmes – Pratiques d’interventions, progrès, pièges
Le 25 novembre dernier s’est tenu à Bienne un Colloque sur la violence contre les femmes organisépar la Marche mondiale des femmes, la Coalition Féministe et la Fédération des maisons d’accueil Solidarité femmes. Deux permanentes y ont participé pour le CCSI.
Patrizia Romito, professeure de psychologie sociale à l’Université de Trieste, a ouvert les feux avec un exposé où elle a mis en évidence l’occultation de la violence masculine. Ainsi, la résolution 5434 de l’ONU instituant la Journée du 25 novembre ne fait pas mention, dans ses termes, de la violence masculine. On parle volontiers de violence « familiale » ou de « conflit », donnant le sentiment que cette violence est symétrique entre hommes et femmes (alors que ces dernières représentent l’immense majorité des victimes). Dans la même logique, la violence envers les femmes est analysée distinctement de la violence envers les enfants, sans faire de liens entre l’une et l’autre. Pourtant, un mari violent est souvent un père violent. Et la plupart des mauvais traitements infligés aux enfants sont le fait des pères, malgré le peu de temps (proportionnellement) que ceux-ci passent auprès d’eux en comparaison avec la mère. Enfin, nous avons souvent une approche fragmentée des phénomènes plutôt qu’une approche globale. Or il y a continuum entre l’insulte, la gifle, le viol de guerre,… qui sont autant de symptômes et de manifestations du système patriarcal de domination.
Ces dernières années, différents dispositifs ont été mis sur pied dans différents pays pour lutter contre ces violences. Peter Mosch Payot, juriste et criminologue à Zurich, a cité pour la Suisse la mise en place de maisons d’accueil et des centres LAVI dans les années 80, des campagnes publiques menées par les Bureaux de l’égalité dans les années 90, et enfin dans les années 2000 de deux mesures législatives. D’une part, la possibilité d’éloigner du domicile conjugal l’auteur des violences ; d’autre part, la poursuite d’office de l’auteur de violence conjugale (mais la victime peut demander sa suspension). Le débat sur la détention d’armes à la maison s’inscrit dans le même registre. Les sanctions ont été renforcées, ce qui est positif (même si les dispositifs peinent à être appliqués). Attention cependant à ne pas se cantonner au symbole – tout miser sur la répression – alors qu’il faut aussi trouve
r des solutions. Or la protection des victimes stagne. Parmi les recommandations émises, mentionnons la nécessité pour la Suisse de se doter :
de centres de conseil sur tout le territoire (et non seulement dans les centres urbains) ;
de maisons d’accueil en suffisance (ce n’est pas le cas) ;
d’une procédure simple, rapide et gratuite pour les victimes qui veulent porter plainte ;
du développement de cours / de mesures d’accompagnement pour les auteurs de violence ;
de la garantie du droit de séjour pour les victimes étrangères.
Pour sa part, Jean-Pierre Monti, ancien Secrétaire général de la Fédération suisse des fonctionnaires de police, a souligné la prise de conscience progressive de la thématique au sein de la police (notamment via des formations spécifiques), tout en insistant sur le fait que les interventions dans ce domaine sont toujours délicates à mener. Il a également mis le doigt sur une lacune du Code Pénal à laquelle il doit être remédié. En effet, en cas de récidive, la reprise d’une enquête qui aurait été suspendue ne peut se faire que sur requête de la victime, et non pas automatiquement. Or le cas est fréquent, et vide en partie de sa substance le progrès que constitue la poursuite d’office. Claudia Meyer, du Centre LAVI de Fribourg, a quant à elle rappelé que les femmes qui portent plainte contre leur conjoint violent sont fréquemment l’objet de contre-plainte pour calomnie ou diffamation.
Malgré les écueils et le chemin à parcourir, tous les intervenant-e-s ont salué les avancées considérables réalisées ces 30 dernières années. La mémoire de ces progrès est un levier indispensable pour rappeler la crédibilité du discours féministe et poursuivre la lutte.
Groupe de travail Protection de séjour – Coup de projetcteur sur la Suisse à l’ONU
Comme nous vous l’annoncions dans le CCSI-Info de septembre, le Centre de Contact a mis sur pied un groupe de travail sur le thème de la protection du séjour pour les personnes migrantes victimes de violences conjugales ou menacées de perdre leur permis suite à un veuvage. Des contacts seront pris avec différents partenaires dès la mi-janvier, sur la base d’un document écrit présentant la problématique. Toute personne intéressée peut s’adresser au CCSI pour l’obtenir, pour demander à être informée de l’avancée du dossier ou nous rejoindre sur ce chantier !
En novembre dernier, le Centre de Contact et l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) ont soulevé la problématique à l’ONU. A cette occasion, un texte commun a été présenté lors de la présession du Comité chargé de surveiller la mise en oeuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. En effet, ce Comité examinera l’an prochain le rapport de la Suisse concernant l’application de cette Convention dans notre pays.
Le CCSI et l’OMCT ont dénoncé la détérioration des possibilités d’immigration pour les ressortissants des pays hors Union Européenne suite à l’entrée en vigueur de la Loi sur les Etrangers (LEtr). Le nouveau cadre législatif incite les femmes victimes de violence à ne pas dénoncer ce qu’elles subissent, par crainte de perdre leur autorisation de séjour en cas de séparation. Les exceptions prévues par l’article 50 de la LEtr ne permettent pas de contourner l’obstacle, puisqu’il faut non seulement démontrer la réalité des violences conjugales, ce qui est déjà difficile, mais aussi prouver que la réintégration au pays d’origine semble « fortement compromise ». Selon le CCSI et l’OMCT, le fait de devoir remplir cette condition peut « dissuader de nombreuses femmes victimes de porter plainte ou de se séparer de leur mari violent. »
Cela signifie, dans la pratique, « qu’une épouse qui a déjà subi des actes de violence de la part de son conjoint et qui doit faire face aux conséquences physiques et psychologiques, sera encore renvoyée dans son pays (…) Elle subira donc, à tous les niveaux, les conséquences des actes de violence commis par son mari, qui ne sera souvent même pas inquiété. » Au vu de cette situation, les deux organisations recommandent notamment (extrait) :
d’amender l’article 50 de la LEtr en supprimant l’exigence de démontrer l’impossibilité de la réintégration sociale dans le pays de provenance, afin de garantir aux victimes des actes de violence familiale une autorisation de séjour sans autre condition que d’avoir rendu vraisemblable le fait d’avoir été victime de tels actes ;
d’assurer une formation obligatoire du personnel des Offices Cantonaux de la Population et de l’Office des Migrations en matière de violence domestique (…) ;
d’envisager la dissociation des autorisations de séjour des femmes qui en bénéficient par regroupement familial de celles de leurs époux (permis autonome).
Récemment, une femme s’est vu refuser le renouvellement de son permis malgré les violences subies (le mari a été condamné), au motif que cette dernière condition n’était pas remplie. Suite à une question de la conseillère nationale Francine John Calame, le Conseil Fédéral a répondu que le statut de victime de violence conjugale ne suffit pas pour accorder le droit de demeurer en Suisse à cette femme : « Les documents dont l’Office des Migrations disposait ne contenaient aucun indice prouvant que le type et l’intensité des préjudices subis compromettraient fortement sa réintégration sociale dans son pays de provenance. »
Un train qui arrive est aussi un train qui part: l’aventure continue!
Vous rappelez-vous ? Il y a six ans, sept jeunes migrant-e-s se réalisaient, sous la ho
ulette de Juan José Lozano et du Centre de Contact, des courts-métrages retraçant leur parcours migratoire. Un train qui arrive est aussi un train qui part, le film issu de cette aventure, était…sur les rails !
Vous rappelez-vous ? Il y a plusieurs mois, le Centre de Contact vous a invité-e à donner une seconde vie à ce film, à travers une demande de fonds. Vous avez été nombreuses et nombreux à répondre à notre appel. Aujourd’hui, grâce à vous et au soutien de l’Etat de Genève, le voyage reprend. Sorti en 2003 en vidéo, le film est maintenant disponible en DVD. Un atout très pratique pour celles et ceux qui utilisent (et nous savons que beaucoup le font) ce matériel dans des cours de langues, lors de moments de réflexion sur l’intégration, etc.
Pour l’occasion, deux des jeunes gens qui avaient participé au projet initial ont réalisé un bonus. Histoire de montrer que le voyage n’est jamais clos. Histoire de donner des nouvelles des uns et des autres. Histoire de nous interpeller aussi, indirectement : faire le point après six ans, cela demande un sacré courage. Pour certain-e-s, la situation s’est améliorée. Pour d’autres, c’est une précarité accrue qui au rendez-vous. Mais toujours une volonté tenace d’aller de l’avant.
Que vous ayez vu ou non Un train qui arrive est aussi un train qui part, ne manquez pas de revoir ce film, auquel le bonus apporte un complément éclairant et qui donne à réfléchir. Nous vous invitons donc toutes et tous à nous rejoindre pour la projection du film :
Un train qui arrive est aussi un train qui part édition 2009
avec bonus mardi 20 janvier et mercredi 21 janvier à 20h00
Fonction : Cinéma
(Maison du Grütli, rue du Général Dufour 16)
Pour cet événement, nous aurons le plaisir de compter avec la présence de Juan-José Lozano, coordinateur du projet, ainsi que Melisa et Faviel Valle, réalisatrice et réalisateur du bonus. Une verrée suivra la projection.
D’ici là, toute l’équipe du Centre de Contact, ainsi que sa Présidente Christiane Perregaux et les membres du Comité, vous souhaitent d’excellentes fêtes. Votre soutien, quelle que soit la forme qu’il prend, nous fait chaud au coeur. A chacun-e, et tout particulièrement aux personnes qui donnent de leur temps libre pour le CCSI, un très grand merci. A l’année prochaine !
MERCI DE PENSER A PAYER VOTRE COTISATION ANNUELLE (60.— FRANCS) !