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CCSI-Info juillet 2009

Publié le 7 juillet, 2009 dans

bulletin d’infos

juillet 2009

 

Édito

 

Parfois, la vie ressemble à une succession de clichés. Habitant depuis plus de trois ans dans le Canton du Jura, je prends chaque semaine, en même temps que le train qui me ramène sur mon lieu de travail pour deux jours, la mesure de la diversité helvético-helvétique, c’est-à-dire inter-cantonale. Cette transition hebdomadaire se double d’un changement de rôle, entre vie privée et vie professionnelle. Le dimanche soir, je laisse derrière moi un monde vert, vallonné, doux, familial – au sens large : on se fait rapidement des amis dans la petite ville où j’habite, les gens se saluent beaucoup, les voitures freinent systématiquement devant les passages-piétons. Trois heures plus tard, j’arrive à Cornavin et saute dans le tram pour les Acacias, un plongeon immédiat dans la diversité linguistique et culturelle genevoise. Les voitures pullulent, il y a encore du monde dans les rues, la ville offre toute sorte de scènes typiques de la vie urbaine, comme autant de fragments de romans. A n’en pas douter, je sais mieux repérer ces petits riens urbains que les merveilles de la nature jurassienne (en balade, si on ne me les montre pas, je loupe papillons, insectes, orchidées sauvages).

 

L’autre jour, la fête de départ de Christiane Perregaux m’amène à prendre le bus pour Meyrin. J’ai beau connaître la Maison Vaudagne, je n’y suis pas venue depuis longtemps et à l’arrêt, j’hésite sur la direction à prendre. J’interroge une passante qui n’est pas sûre non plus. Une dame s’arrête : « C’est sur mon chemin, venez avec moi, je vais vous montrer ». Cette femme a exactement le type de la jeune Maghrébine dans les séries télévisées françaises. Nous discutons cinq minutes tout en marchant, puis elle m’indique la route à suivre en bifurquant vers la piscine où elle va chercher ses enfants. En la quittant, j’éprouve un sentiment de grande similitude avec mon univers jurassien, décor mis à part. Mêmes rapports chaleureux malgré l’inconnu, même impression d’être du même coin.

 

Brusquement, j’ai l’impression de nager dans un océan de clichés : le vert Jura, le bled maghrébin, l’esprit villageois : horreur ! A moins que les clichés puissent servir une bonne cause, en l’occurrence s’ils permettaient à « la Suisse profonde » de se découvrir des affinités avec de nouvelles communautés venues d’ailleurs ? Pas idiot mais pas si simple, hélas. Car ce qui est à première vue un a priori positif cache souvent un regard paternaliste, condescendant ou méprisant N’est-on pas dans ce registre lorsqu’on affirme, même avec les meilleures intentions, que les gens du Sud sont ouverts et exubérants, que les Africain-e-s ont le sens du rythme ou que les Tamouls sont discrets et travailleurs ? Dans la même veine, combien de manifestations autour du thème de l’intégration, sous couvert d’inviter les migrant-e-s à « présenter leur culture » ou à « préparer un plat typique  de chez eux », les relèguent de fait derrière leurs fourneaux et leur exotisme ?

 

Finalement, voici ce que je retiens de cet épisode meyrinois : ne pas oublier que les clichés, même positifs, peuvent être enfermants. Sans pour autant nous méfier en permanence de nos intuitions, des proximités éphémères et belles qui se peuvent se nouer avec les gens que nous rencontrons. Surtout, penser à « croiser » les clichés apparents avec certaines variables-clés. La fonction sociale en est une : si mes enfants vivaient à Genève et que ma vie professionnelle était ancrée dans le Jura, ma vision de ces deux endroits en serait changée. Non parce qu’ils seraient différents d’aujourd’hui, mais parce que mon rôle au sein de chacun de ces lieux serait autre. C’est aussi pour cela que la place que nous faisons (ou ne faisons pas) aux migrant-e-s est si cruciale pour leur perception de ce pays, et donc in fine, pour ce que nous parviendrons à y construire ensemble.

 

Marie Houriet

 

« Vivre ensemble et cohésion sociale » :

1’072 signatures devant la Constituante

 

Certain-e-s, parmi nos membres, nous ont interpellés : « J’ai lu dans le journal que le CCSI et Camarada ont lancé une proposition collective à l’attention de l’Assemblée Constituante. Pourquoi ne nous a-t-on pas informés ? » C’est vrai, le dernier CCSI-Info ne faisait pas mention de cette action-éclair, qui a réussi à réunir 1’072 paraphes en moins de trois semaines. C’est que les choses se sont précipitées dernièrement semaines. Il a fallu un peu de temps à l’Assemblée Constituante pour se mettre en place, résoudre des questions logistiques, avant de s’attaquer au travail de fond. A Pâques, nous étions informés du détail des modalités existantes pour faire entendre la voix de la société civile, ainsi que du moment recommandé pour la remise d’éventuelles propositions : avant l’été si possible. Alors que le dernier CCSI-Info sortait, le Centre de Contact et Camarada s’attelaient à la rédaction d’un texte commun à l’attention des constituant-e-s. Devant l’urgence, notre intention première (consulter largement d’autres associations sur le contenu) a cédé la place à une stratégie de « dernière ligne droite », en vue de tenir les délais. Les partenaires ont été invités, plutôt que de participer à l’élaboration d’un texte commun, à soutenir la proposition collective issue du CCSI et de Camarada. 12 associations ont répondu favorablement dans le (bref) délai imparti : l’Association des Chiliens Résidents à Genève, Appartenances, Caritas, le Centre Social Protestant, le Collectif de Soutien aux Sans-Papiers, Elisa, F-Information, Maison Kultura, Irmanda de Galega, la Ligue Suisse des Droits de l’Homme, Mesemro
m et Païdos.
Une poignée de bénévoles du Centre a travaillé sans relâche pour récolter des centaines de signatures en un temps record. Pari gagné ! Le 15 juin, une délégation remettait ces signatures au Bureau de la Constituante.

 

Nous espérons que nos membres nous excuseront de ne pas avoir été tenus au courant « en temps réel » de cette démarche, et en comprendront les raisons. Vous trouverez en annexe, pour information, le texte soumis avec ses considérants. Une étape se clôt, reste à assurer le suivi de nos revendications. Nous espérons être auditionnés par la ou les commissions thématiques de l’Assemblée Constituante qui seront chargées d’examiner notre texte, car il s’agit d’une tribune importante pour défendre nos revendications.

 

Aucun enfant n’est illégal :

Un manifeste à signer et faire signer

 

Aucun enfant n’est illégal, tel est le nom d’une campagne nationale (Kein Kind ist illegal pour sa version alémanique) en faveur des droits des enfants sans statut légal. Planifiée sur deux ans, elle est menée à la fois par les milieux de défense des Sans-Papiers (permanences juridiques et sociales de Bâle, Berne et Zurich, collectif de soutien genevois), des oeuvres d’entraide telles que Terre des Hommes Schweiz, l’EPER, la Ligue suisse des femmes catholiques, ainsi que les syndicats UNIA et SSP. La campagne s’est donné pour but de porter les revendications suivantes :

 

  • faire reconnaître le droit à la formation, y compris en apprentissage, pour les enfants et jeunes sans statut légal;

  • obtenir la fin de l’internement des mineur-e-s dans le cadre des mesures de contrainte;

  • une régularisation facilitée pour les enfants Sans-Papiers et leur famille;

  • le respect de la Convention des droits de l’enfant par les services administratifs suisses à l’égard de ces enfants.

 

A côté de différentes actions de sensibilisation (dont un concours d’affiches), les organisateurs ont lancé en mai dernier un manifeste que vous trouverez en annexe. Nous vous invitons à le signer et à le faire signer autour de vous. Les actions au niveau national sont rares et difficiles à coordonner. Elles méritent d’autant plus d’être appuyées que la situation des Sans-Papiers n’évoluera significativement que si la mobilisation dépasse les frontières cantonales, et s’impose dans l’agenda politique fédéral.

 

 

Recherche de fonds

Le CCSI en difficulté

 

Après plusieurs années de relative sérénité financière, le Centre de Contact rejoint la cohorte des associations en difficulté sur le plan financier. Plusieurs raisons expliquent cette détérioration de la situation.

 

Au cours de la première partie de la décennie, le CCSI a bénéficié d’augmentations de subvention qui lui ont permis d’élargir ses activités : permanence Petite enfance, santé et genre, horaires d’ouverture,… Cependant, le montant de ces subventions n’est pas ajusté d’une année à l’autre, alors que le Centre de Contact pratique l’indexation des salaires au coût de la vie (il s’agit là de la seule évolution concernant les salaires, ceux-ci étant par ailleurs inchangés depuis 15 ans). Cela signifie qu’une subvention stable contribue chaque année dans une mesure moindre à la masse salariale – qui représente plus de 80% de notre budget. En 2009 par exemple, l’indexation des salaires a été chiffrée à environ 12’000.—Francs. Le Comité a décidé de maintenir cette indexation (elle n’est pas automatique), tout en manifestant sa préoccupation quant à l’avenir de celle-ci.

 

Autre facteur important qui déséquilibre notre budget : l’explosion des demandes et la complexité croissante de celles-ci, en particulier pour la permanence École et suivi social et la permanence Permis de séjour. Le CCSI-Info s’était fait l’écho de la difficile rentrée 2008, où la réorganisation de l’École primaire avait considérablement compliqué notre travail, au moment-même où le permanent concerné était en congé maladie prolongé. Pour épauler sa remplaçante, le Centre de Contact a débloqué en urgence des fonds pour engager une jeune diplômée de la HETS durant 6 mois. Parallèlement, un stagiaire non rémunéré venait renforcer l’équipe. Coût de l’opération : plus de 34’000.—Francs. Une somme considérable, mais peut-on parler d’un luxe alors qu’avant cette mesure, la permanente croulait littéralement sous les heures supplémentaires, et que le retard qui s’accumulait malgré ses efforts risquait de retomber sur les enfants sans-papiers, en retardant leur scolarisation ?

 

Dans la même veine, nous avons augmenté durant deux mois le pourcentage de travail pour la permanence Permis de séjour, afin de résorber en partie le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous (5-6 semaines). Ceci a représenté un surcoût de 1’500.—Francs. Cette mesure ne résout hélas pas le problème de fond. Seul un dédoublement de cette permanence permettrait un certain « retour à la normale », si tant est qu’u
n temps d’attente de 3-4 semaines puisse répondre à cette définition.

 

Enfin, depuis 2007, la subvention accordée par l’Office Fédéral des Assurances Sociales (OFAS) a baissé de 7’000.– Francs. Cette diminution est due à une nouvelle manière de calculer la rémunération du travail de la Permanence Assurances sociales dans le cadre de son contrat de prestations.

 

Malgré quelques baisses de charges, le budget pour 2009 est donc dans les chiffres rouges. Heureusement, le CCSI dispose d’une réserve financière, mais il ne faut pas se leurrer : celle-ci fondra à la vitesse de l’éclair si, structurellement, nos charges continuent à excéder nos recettes.

 

Le Centre de Contact s’est donc mis à chercher très activement des sources de financement complémentaires aux subventions actuelles, tout en interpellant les autorités de la Ville et du Canton sur sa situation. Des contacts ont été pris avec les communes pour tenter d’accroître ou de garantir une certaine stabilité de leurs dons. Nous allons multiplier les collaborations avec des bénévoles, civilistes, stagiaires ou personnes temporairement rémunérées par l’Assurance chômage afin d’étoffer nos forces de travail sans frais supplémentaires. Un de nos objectifs est notamment d’avoir recours à une personne qui nous aide à élargir le cercle de nos membres et à intensifier les recherches de fonds. Nous cherchons à réorganiser certaines de nos activités afin de pouvoir les présenter sous forme de projets, les bailleurs de fonds potentiels optant plus volontiers pour un soutien ponctuel plutôt que pour une participation régulière au financement d’une structure associative. Nous étudions les possibilités de solliciter des fondations ou des personnalités sensibles aux valeurs que nous défendons.

 

Dans ce contexte difficile, le soutien de nos membres est indispensable. Vos dons sont nécessaires autant sur le plan financier que pour accroître la part de fonds propres du CCSI, gage d’indépendance et de légitimité vis-à-vis des bailleurs de fonds. Vos éventuelles idées ou expériences en matière de recherche de fonds sont également les bienvenues. D’avance un très grand merci !

 

 

L’été des Sans-Papiers :

Insécurités et détermination

 

Le printemps a vu le Conseil national puis le Conseil des États accepter largement l’initiative Brunner qui vise à empêcher les Sans-Papiers de se marier, au nom de la lutte contre les unions de complaisance. Nombreuses ont été les voix pour s’élever contre cette atteinte à un droit fondamental, en vain. Le Centre de Contact, en lien avec le Collectif de soutien aux Sans-Papiers, restera vigilant quant à la façon dont les autorités genevoises appliqueront les nouvelles dispositions. Celles-ci risquent hélas de laisser peu de marge à l’appréciation des cantons.

 

Après cette défaite en matière de respect des droits humains, que réserve l’été pour les personnes sans statut légal ? Alors que les beaux jours sont synonymes de détente pour la plupart d’entre nous, l’été n’est pas une saison facile pour elles, qui subissent les retombées des vacances de leurs employeurs : adieu femmes de ménage ou gardes d’enfants, les patron-ne-s partent pour d’autres horizons. Combien continueront, pendant leur absence, à verser le salaire de leur employé-e ? Beaucoup estiment tout à fait normal de ne rien payer puisqu’il n’y a pas de travail effectué, sans réaliser que si le même raisonnement s’appliquait à leur propre situation, ils n’auraient plus qu’à renoncer à leurs congés.

 

Même si leur employeur ne part pas, l’employé-e a droit au minimum à quatre semaines de vacances payées par an (cinq en-dessous de 20 ans, au-dessus de 50 ans, après 20 ans de services ou 5 ans auprès du même employeur). Au niveau du salaire, deux possibilités s’offrent : soit les vacances sont comprises dans le salaire-horaire et celui-ci doit alors être augmenté, soit l’employé-e doit être rémunéré-e comme à l’accoutumée pendant son congé. Si la travailleuse ou le travailleur part avec la famille sur son lieu de villégiature pour y poursuivre sa tâche, ce séjour, fût-il sous les tropiques, ne sera pas compté comme vacances.

 

Pour rappel, une femme de ménage devrait, selon les chiffres du SIT pour 2008, toucher au minimum 18.45 Francs de l’heure, à majorer de 8.33% si ses quatre semaines de vacances réglementaires ne lui sont pas payées (10,64% pour les personnes qui ont droit à cinq semaines de vacances). Une employée de maison sans qualification devrait pour sa part être payée 3’550.– Francs par mois pour 46 heures de travail hebdomadaire (avec une déduction maximale de 990.– francs si elle est nourrie et logée). Ce montant doit donc lui être versé également pendant la période où elle prendra ses vacances.

 

A côté du souci matériel qu’entraîne le non respect très répandu de ces recommandations, les Sans-Papiers redoutent parfois que l’été, moment de pause pour les milieux qui les défendent, soit synonyme de renvois. Si nos organisations n’ont pas le pouvoir d’empêcher les retours involontaires (même si ce n’est pas sous la forme d’une expulsion manu militari), nous sommes déterminés à nous opposer à toute velléité dans ce sens de la part des autorités. Le Collectif de soutien aux Sans-Papiers, comme l’an dernier, a mis sur pied une liste de personnes à alerter en juillet et en août en cas de problèmes. Les lectrices et lecteurs qui souhaiteraient nous appuyer en cas d’actions de résistance peuvent s’annoncer à l’adresse suivante : ccsimhouriet@bluewin.ch. Merci de nous donner un numéro de portable et vos périodes de disponibilité.

 

Enfin, vous pouvez également soutenir les Sans-Papiers en signant et faisant signer (encore !) la pétition ci-jointe de la Marche Mondiale. Regroupement d’associations travaillant en faveur des droits des enfants, généralement active sur les thématiques du développement, la Marche Mondiale a voulu se concentrer cette année sur la situation des enfants en Suisse, notamment les plus vulnérables : les Sans-Papiers. C’est pourquoi elle réclame le droit à une formation professionnelle pour chaque jeune, quel que soit son statut. La pétition a été lancée le 12 juin, à l’occasion du 10ème anniversaire de la Convention sur les pires formes de travail des enfants. Elle sera remise le 20 novembre, date du 20ème anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, au Conseil d’État ainsi qu’aux membres de l’Assemblée Constituante.

 

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Merci à celles et ceux qui ont mitonné de bonnes choses pour notre stand du 1er mai !