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CCSI-Info novembre 2009

Publié le 7 novembre, 2009 dans

bulletin d’infos

novembre 2009

 

Édito

 

Après un magnifique été indien, nous voici aux portes de l’hiver. C’est le moment qu’ont choisi la police genevoise et la voirie, selon un communiqué de Mesemrom, pour « sillonner la ville dans une véritable chasse aux campements de fortune des Roms de passage. Ils ont détruits matelas, tentes, couvertures et effets personnels appartenant aux Roms. Des hommes, des femmes et des enfants se retrouvent ainsi totalement démunis, sans abri, ni aucune protection contre le froid. » Et ce, alors que les abris sociaux ne sont pas encore ouverts. A dix jours de l’élection du nouveau Conseil d’Etat, comment ne pas voir une manœuvre dérisoire pour grignoter un peu de l’électorat partisan de la « fermeté » à l’égard des Roms ? Extrême décadence d’une société qui criminalise la pauvreté. Pourtant, ce n’est à coup sûr pas ainsi qu’on freinera les poussées populistes. Dans un autre registre, sans faire porter la responsabilité des dérives actuelles aux milieux de défense des migrant-e-s, certaines actions me laissent perplexe. Ainsi, sur l’initiative anti-minarets, les opposants ont offert la parole à des représentant-e-s de l’UDC lors de trois débats contradictoires. Le tract annonçant l’un deux, organisé par la Ligue musulmane genevoise pour la paix confessionnelle, allait jusqu’à reprendre le dessin des initiants, pourtant interdit d’affichage dans plusieurs villes. Vous avez déjà vu nos adversaires organiser un débat, se coltiner tout l’aspect logistique et publicitaire, et inviter quelqu’un de nos mouvements à y prendre place au dernier moment ? Ou l’UDC distribuer des tracts avec nos logos et affiches de campagne ? C’est, quelque part, très intéressant. Cela montre à mon sens que nous avons intégré le raisonnement des média, qui croient qu’un débat contradictoire sur la migration, ou l’intégration, ou la place des musulmans, ne peut avoir lieu sans l’UDC – comme s’il y avait homogénéité des points de vue hors de ce parti. Or c’est foncièrement inexact. Les milieux de défense des migrant-e-s ne doivent pas donner de plateforme d’expression aux tenants des positions les plus dures. Laissons cela aux média en attendant de les convaincre (on peut toujours rêver) de faire autrement. C’est à nous de montrer qu’il peut y avoir un débat nourri et intéressant en dehors des voix de ceux qui utilisent la xénophobie comme arme électorale.

Marie Houriet

 

Fin septembre, Jean-Pierre Boillat, responsable de la Permanence Ecole et suivi social, a pris sa retraite. En douze ans d’activité, il a assisté à bien des évolutions, mais retient en particulier l’effet de la mise en place de l’espace Schengen. Le visa obligatoire et la fermeture des frontières européennes ont entraîné une diminution drastique du nombre de personnes en provenance de Colombie et d’Equateur. Les femmes seules qui venaient avec un enfant en bas âge (souvent en laissant leurs aîné-e-s au pays) ont fait place aux familles de Bolivie et du Brésil, principalement. Autre configuration, les pères sont dorénavant plus souvent du voyage et s’intègrent assez bien, trouvant du travail dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration. En congé-maladie l’an dernier, Jean-Pierre Boillat n’a pas vécu la transition liée à l’introduction des directions d’établissement au sein de l’école primaire. Il regrette néanmoins le temps où le CCSI avait un interlocuteur unique à travers la Direction Générale de l’Enseignement Primaire. La multiplication des partenaires complique la tâche du Centre, et lui fait craindre une dilution des responsabilités. Dans ce contexte, Jean-Pierre Boillat juge primordial de faire valoir les compétences du CCSI en matière de contact avec les familles, qui ont impérativement besoin d’un partenaire pour les aider à comprendre l’école genevoise.
Si Jean-Pierre quitte le CCSI, il poursuit son combat politique à Vevey – sans oublier le théâtre qu’il pratique assidûment comme spectateur ET comédien amateur ! Il nous reste à lui dire un très grand merci pour son pugnace
et indéfectible engagement aux côtés des familles sans-papiers.

 

L’automne sur le front de la migration

Un patchwork d’engagements

 

Nouveau permanent au Collectif de soutien aux Sans-Papiers

 

Après 3 ans d’intense engagement, Sophie de Rivaz a quitté le poste de permanente du Collectif de Soutien aux Sans-Papiers (CSSP) pour d’autres horizons professionnels. Elle est remplacée depuis la rentrée par Alessandro de Filippo : bienvenue à lui ! Et bon vent à Sophie…

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Constituante

 

Suite au dépôt de la proposition collective Vivre ensemble, renforcer la cohésion sociale, Camarada, la Ligue Suisse des Droits de l’Homme et le CCSI ont été auditionnés le 30 septembre dernier par la Commission des droits politiques de l’Assemblée Constituante. L’audition a été suivie d’une discussion avec le public.

 

Bureau d’accueil

 

Le projet était dans l’air depuis plusieurs mois, le voilà qui se réalise. En octobre, le DIP a ouvert à Geisendorf un Bureau d’accueil destiné à tous les primo-arrivants du canton (que les élèves viennent d’un autre canton ou de l’étranger). Information sur le système scolaire et orientation des familles, telles sont les tâches principales du Bureau d
’aujourd’hui, en attendant un possible élargissement de son cahier des charges. Le Centre de Contact, partenaire du DIP dans l’inscription des enfants sans-papiers à l’école, est associé au processus de mise en place du Bureau à travers le Groupe de travail Ecole.

 

Loi sur la naturalisation

 

La loi sur la naturalisation a subi quelques changements dernièrement, suite à l’obligation de mettre en place une procédure susceptible de faire l’objet d’un recours et donc de se fonder sur des critères objectifs. Si ces changements ont sonné le glas des décisions par le peuple qui étaient sujettes aux dérives arbitraires, ils ont également vu se généraliser l’exigence de maîtriser une langue nationale pour recevoir la nationalité suisse. Le degré d’intégration devra également atteindre un certain niveau. Afin d’éviter que cette dernière condition ne soit déclinée sur le mode des Faiseurs de Suisse, le Bureau de l’Intégration de Genève a sollicité un groupe d’expert, dont le CCSI fait partie, pour faire des propositions en la matière.

 

Examen de la Suisse par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU

 

Les 12 et 13 octobre 2009, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU s’est penché sur la situation de la Suisse. En prévision de cet examen, le Groupe de travail Femmes migrantes et violences conjugales créé à l’initiative du CCSI (qui regroupe plusieurs associations et œuvres d’entraide, ainsi que le SIT) a déposé une note pour alerter le Comité sur le risque de perdre leur permis que courent les femmes migrantes en cas de séparation ou de divorce, avec les graves conséquences que cela induit (rester avec le conjoint violent par peur d’être expulsée).

Dans ses recommandations du 29 octobre dernier, le Comité a pris en compte cette thématique, et enjoint la Suisse à « revoir sa législation en matière d’autorisation de séjour pour éviter que l’application de la loi ne force, dans les faits, des femmes à rester dans des relations conjugales violentes ».

 

Mise en œuvre du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels par la Suisse

 

En avril 2008, la Suisse rendait ses 2ème et 3me rapports sur la mise en œuvre du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Un rapport de la société civile est en cours d’élaboration pour compléter le rapport officiel, dans le but de mettre en évidence ses éventuelles lacunes et les manquements les plus flagrants concernant ces droits. Le CCSI a fourni une contribution à la réflexion à partir de sa pratique dans les domaines des lois migratoires, de l’intégration, de la situation des personnes invalides migrantes et des Sans-Papiers (notamment sur la formation professionnelle des jeunes, ainsi que le droit au mariage).

 

Marche mondiale

 

Lancée en juin dernier par la Marche mondiale, qui regroupe plusieurs organisations actives dans la défense des droits de l’enfant, la pétition demandant une formation professionnelle pour tous sera déposée le 20 novembre prochain auprès du Conseil d’Etat ainsi que de l’Assemblée Constituante. D’ici là, nous vous invitons à un dernier effort pour signer et faire signer ce texte, que vous trouverez en annexe à ce numéro.

 

Par ailleurs, toujours sur la question de la formation professionnelle des jeunes sans statut, un groupe de travail a été initié par la Ville de Genève pour creuser la question. Le CCSI en fait partie, de même que le Collectif de soutien aux Sans-Papiers.

 

Deuxième rapport de Médecin du Monde (MdM) sur l’accès aux soins en Europe

 

Dans son rapport sur l’accès aux soins des Sans-Papiers dans 11 pays d’Europe, dont la Suisse, Médecin du Monde tire la sonnette d’alarme. Car si tous les pays examinés prévoient l’accès aux soins pour les personnes sans autorisation de séjour, c’est souvent à condition qu’elles paient la totalité des coûts. « Avec cette étude, nous démontrons combien leurs conditions de vie sont pathogènes et les empêchent de se construire une vie ou de se reconstruire, alors même que ces enfants, ces femmes, ces hommes nécessitent une attention particulière (…) Ce sont parfois nos propres systèmes de santé qui les excluent fréquemment de l’accès aux soins. Quant aux pathologies graves, elles sont peu suivies, parfois même pas du tout. Parce que quelquefois aussi l’accès aux soins devient un piège du fait des incitations ou obligations de délation, nous demandons instamment que les politiques de santé soient strictement indépendantes des politiques d’immigration. »

 

Une nouvelle responsable pour la Permanence École et suivi social
Il y a des collaborations qui commencent par touches impressionnistes puis prennent de l’ampleur. La première rencontre de Christine Pittet avec le CCSI se fait lors de la conception de l’Exposition Ceppi sur les Sans-Papiers en 2002. Son expérience dans le domaine du travail de sensibilisation et d’élaboration de matériel pédagogique a amené la Maison de Quartier des Acacias, partenaire du projet, à suggérer de travailler avec elle. Quelques cinq ans plus tard, au moment de trouver une remplaçante durant le congé-maternité de Marie Houriet, son nom revient tout naturellement.

Se fondre dans le poste d’une autre, ce n’est pas toujours simple, et Christine relève aisément le défi, tout en y apportant sa touche personnelle. Afin de redonner un second souffle au film Un train qui arrive est aussi un
train qui part
, elle propose sa transposition sur DVD. Et, par la même occasion, la réalisation d’un bonus, histoire de voir ce que les jeunes protagonistes du film sont devenus six ans après. Pour faire bonne mesure, une fiche pédagogique est créée sur mesure par ses soins.

A peine a-t-elle pris congé de ce mandat que le téléphone du CCSI sonne à nouveau. A pied levé, le Centre cherche une personne pour remplacer Jean-Pierre Boillat, en congé-maladie. Christine accepte sans se douter que la rentrée 2008, au beau milieu de la réorganisation du primaire, suscitera un véritable tsunami administratif pour la Permanence École et ses consultant-e-s.

Quinze mois ont passé. Alors que Jean-Pierre Boillat prend sa retraite, c’est à peine envisageable de souhaiter encore la bienvenue à Christine, tant elle fait déjà partie de la vie du Centre au quotidien. Face aux difficultés (notamment le fait de se sentir souvent impuissante devant l’extrême précarité de certaines familles), c’est en pensant aux femmes qui viennent la voir qu’elle trouve les ressources pour aller de l’avant : « Ces femmes ont tout risqué, tout laissé derrière elles dans l’espoir d’une vie meilleure ici. Comment baisser les bras après ça ?! »

 

A propos des frontaliers

Préjudices et préjugés

 

La percée électorale du Mouvement des Citoyens Genevois a fait ressurgir sur le devant de la scène le thème des frontaliers à Genève.

 

Vous avez remarqué ? C’est un terme qu’on n’utilise jamais qu’au masculin. Comme saisonnier, autrefois. Pourtant, les frontalières existent. Moins nombreuses cependant, c’est vrai : environ 25’000 alors que les hommes frôlent les 40’000. L’âge moyen des deux groupes se situe autour de 39 ans.

 

Mais l’addition des deux chiffres est trompeuse. Les 65’000 personnes au bénéfice d’un permis frontalier, selon l’Office Cantonal de la Statistique, occupent en réalité quelques 52’000 postes de travail, du fait que les autorisations sont octroyées pour 5 ans et donc que la validité de certaines courent encore alors même que leur titulaire n’est déjà plus actif (ou active) en Suisse. C’est que le « secteur » connaît un important roulement. En 2008, on comptait ainsi plus de 9’399 départs pour 13’895 arrivées.

 

Selon le journal Le Temps du 16 octobre dernier, sur les 65’000 autorisations délivrées, près d’un tiers concerneraient des Genevois-es qui résident en France. Et moins de 2% des titulaires du permis G ne proviennent pas des départements voisins de Haute-Savoie et de l’Ain : nous voilà bien en présence d’une cohabitation entre voisin-e-s.

 

Depuis l’accord sur la libre-circulation puis son extension, le nombre de frontalières et frontaliers a considérablement augmenté. Les commissions tripartites passent sous la loupe les conditions (notamment en matière de rémunération) des autorisations de séjour accordées, ce qui laisse penser que le dumping salarial est écarté. Par contre, la concurrence sur le marché de l’emploi est accrue.

 

Avez-vous remarqué ? C’est toujours la même recette. Ce sont des bras qu’on demande, et des êtres humains qui viennent. Max Frisch l’écrivait à propos des saisonniers, et c’est toujours valable. Nous aimerions des frontalières et frontaliers qui répondent présent-e-s lorsque les besoins sont là, mais qui s’empresseraient de déguerpir lorsque la conjoncture se resserre. Or sauf perte de travail (toujours selon Le Temps, ils constituent 30% des victimes de licenciements collectifs alors qu’ils occupent 18% des emplois à Genève), les voilà qui s’obstinent et restent en place. Mauvais point. Dommage ! Jusque là leur bilan était bon : des personnes formées aux frais d’autres princesses, logées en dehors du parc immobilier genevois saturé. Mais – second malus – sans la faculté de se déplacer par magie, et donc encombrants sur les routes. Alors que n’importe quelle sorcière de seconde zone fait ça d’un claquement de balai.

 

Vous avez remarqué ? C’est un terme qu’on utilise d’abord au féminin. Comme ménagère – ou mégère.

 

Cela a pourtant été dit et redit au moment des élections, que ce soit durant la campagne ou une fois les résultats connus, lorsqu’il a fallu commenter les résultats : plusieurs secteurs importants voire incontournables ne tourneraient pas sans la main d’œuvre d’outre-frontière. Les hôpitaux, pour n’en citer qu’un, ne pourraient pas fonctionner sans les infirmières étrangères.

 

Avez-vous remarqué ? C’est un terme qu’on utilise surtout au féminin.

 

Frontalier. Front, frontal, frontière. Lorsqu’on pèse les mots et qu’on pense à la somme de préjugés (et donc de préjudices) que ceux-ci charrient, on se dit qu’il faudrait commencer par changer de vocabulaire.

 

Quitte à passer, une fois de plus, pour les politiquement correct de service.

 

 

LA PETITION SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE

SERA DEPOSEE LE 20 NOVEMBRE PROCHAIN

MERCI DE RENVOYER VOS FEUILLES DE SIGNATURES !