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CCSI-Info mars 2010

Publié le 7 mars, 2010 dans

bulletin d’infos

mars 2010

 

Edito

 

Mars, mois de giboulées : c’est bien à cela qu’on assiste sur le front de la migration. Des bourrasques de bise, l’apparition des premières terrasses. Le chaud et le froid. Les bonnes nouvelles n’étant pas fréquentes dans notre domaine, commençons par elles. Le Conseil National a accepté ce 3 mars deux motions en faveur de la formation professionnelle (et l’accès à l’apprentissage) des jeunes Sans-Papiers. Dans un débat que certains continuent à vouloir présenter comme une affaire romande, ce vote est d’autant plus important qu’il intervient au niveau suisse. Avant tout changement concret cependant, les motions devront passer au Conseil des Etats (traditionnellement plus conservateur) lors de la session de juin. Ce n’est qu’en cas d’acceptation des motions par les deux Chambres que le Conseil Fédéral serait tenu de veiller à leur mise en application. Autant dire qu’il y a du pain sur la planche en termes de lobbying pour ce printemps…

 

Le « coup de sac » du 3 mars ne serait probablement pas intervenu sans le pavé dans la mare jeté par la Municipalité de Lausanne, qui a annoncé être prête à engager des jeunes Sans-Papiers. La Ville de Genève lui a emboîté le pas, même si elle ne le fait pas sans voix discordantes. Mais les obstacles juridiques demeurent solides : les contrats d’apprentissage doivent être avalisés, puis la formation donnée doit être reconnue via la délivrance du CFC. Et ces deux démarches sont du ressort des Cantons et de la Confédération.

 

Or sur la question, ces entités sont plus frileuses que les Villes1. Ainsi le DIP se cantonne-t-il à sa politique de développer les filières de formation duale en école pour contourner les problèmes juridiques. Une approche méritoire car immédiatement praticable, mais qui manque un peu de souffle. Dans ce sens, certains Conseillers d’Etat pêchent par optimisme lorsqu’ils assurent que le nombre de jeunes concerné-e-s est faible, et que des solutions sont trouvées pratiquement dans tous les cas. La Commission des pétitions du Grand Conseil, qui a rendu en février un rapport à propos du texte de la Marche Mondiale sur ce sujet, tient hélas à peu près le même discours.

 

Encore un champ de travail où nos associations devront démontrer qu’il faut aller au-delà de l’approche actuelle, même si des signaux encourageants viennent effectivement d’être donnés à Berne en matière d’octroi de permis pour cas de rigueur. De nouvelles directives vont en effet dans le sens d’une application plus souple de la loi, notamment pour les familles Sans-Papiers avec enfants et jeunes scolarisés en Suisse. Reste à espérer que cette ouverture ne sera pas utilisée pour balayer la demande d’un contingent exceptionnel de permis en vue de régulariser l’économie domestique présentée en 2005 par le gouvernement genevois – demande que l’actuel Conseil d’Etat a eu la bonne idée de réactiver.

 

Beaucoup donc de nouvelles positives. Même si parallèlement, le PDC propose d’incompréhensibles durcissements de la politique migratoire : naturalisation révocable, baisse de l’âge pour le regroupement familial à huit ans au lieu de douze – un comble pour le « parti de la famille » !

 

Mars, mois des giboulées. Terrasses et bourrasques, chaud et froid. Mais il y tout de même dix ans que nous attendions un progrès pour la formation des jeunes Sans-Papiers. Le vote du Conseil National a toute la dérisoire fragilité et l’implacable force des perce-neige.

 

Marie Houriet

 

Marche Mondiale des Femmes

Contre la pauvreté et la violence

 

La 3ème Marche Mondiale des Femmes se déroulera aux niveaux international et national de mars à octobre 2010, autour de quatre axes qui concernent les femmes du Sud comme du Nord : réaffirmer la volonté de diminuer, mieux d’éliminer, la pauvreté et la dépendance économique des femmes; éradiquer les formes de violence spécifiques que subissent les femmes; mettre sur pied des mécanismes pour favoriser la paix et une réelle démilitarisation des zones de guerres et de conflits; porter une attention particulière aux services publics, dont les déficiences poussent les femmes à émigrer.

 

Les femmes migrantes forment la majorité des consultant-e-s du CCSI. Longtemps elles ont été invisibilisées. Tout se passe comme si, en Suisse, elles avaient commencé à exister, socialement et politiquement, vers la fin des années 90, alors que leur présence et leur travail sont bien plus anciens. Sans sous-estimer les rapports sociaux de classe ou ceux qui relèvent de l’appartenance « raciale » et ethnique, les rapports sociaux de sexe participent souvent à la décision d’émigrer. La migration permet aux femmes, si elles sont cheffes de famille, de subvenir aux besoins de leurs enfants – que ceux-ci restent au pays, émigrent avec elles ou viennent les rejoindre, une fois leur situation « stabilisée ». Différentes études montrent que les sommes d’argent envoyées dans les pays de provenance sont différenciées, selon que l’on soit migrant ou migrante. En effet, ces montants sont versés non pas en fonction du revenu mais de la perception des besoins des proches. De par leur socialisation, les femmes y sont plus sensibles, avec comme conséquence des envois plus élevés. On peut donc supposer que lorsqu’un groupe familial ou une collectivité doit décider qui va être investi de l’aventure migratoire, le choix se portera plus facilement sur une femme.

 

La violence (qu’elle soit physique, sexuelle ou psychologique, conjugale ou extra-conjugale, voire exercée à l’encontre des enfants) est également un facteur qui peut pousser à l’émigration, dans des contextes où un départ est parfois la meilleure façon de se protéger et/ou de protéger ses enfants lorsqu’il n’y pas suffisamment de soutien de la part des proches ou de la société. Par ailleurs, en émigrant, les femmes accèdent souvent à une meilleure rémunération. Ainsi, le niveau de vie de leurs enfants – quand ceux-ci sont restés au pays – et de leurs proches augmente. Cette situation favorise une « bonne scolarité » (c’est-à-dire dans une école privée pour les pays où l’instruction publique est déficiente) comme la possibilité de faire face à des problèmes de santé, dans des contextes où l’accès à des soins de qualité reste l’apanage de classes privilégiées.

 

Dans les pays d’immigration, les femmes prennent en charge les emplois dits de proximité : ménage, garde d’enfants, soin aux personnes âgées, malades ou dépendantes – activités professionnelles ô combien invisibilisées, effectuées dans le domus, le foyer, où pour une rémunération souvent basse, elles réalisent un travail essentiel, permettant ainsi à l’Etat de moins investir d’argent dans les infrastructures collectives (EMS, crèches, par exemple). De surcroît, leur présence évite de remettre en cause la division sexuelle du travail. En effet, lorsque le travail domestique devient trop lourd et astreignant pour les femmes d’ici, ce sont d’autres femmes qui prennent le relais, éludant ainsi une répartition différente des tâches entre femmes et hommes, comme la possibilité d’une prise en charge par des structures étatiques.

 

Pour garantir des droits égaux pour les migrant-e-s, la Marche Mondiale des Femmes revendique notamment :

  • « le droit de toutes les travailleuses et travailleurs (incluant les précaires, comme les travailleuses domestiques et les migrant-e-s) à un emploi offrant de bonnes conditions de santé et sécurité, sans harcèlement et où la dignité est respectée, partout dans le monde et sans aucun type de discrimination (nationalité, sexe, incapacité, etc.) »;

  • « le droit à une sécurité sociale, y compris le paiement d’une pension en cas de maladie, incapacité, congé maternité et paternité, afin que les femmes et les hommes aient une qualité de vie décente ».

 

La Marche Mondiale des Femmes s’engage par ailleurs à mettre « en lumière et dénoncer l’exploitation des droits des travailleuses/eurs migrant-e-s – et de celles et de ceux qui réalisent des travaux domestiques et des travailleuses/eurs à domicile en sous-traitance ».

 

Laetitia Carreras

 

Marche Mondiale des Femmes

Contre la pauvreté et la violence

 

Même lorsqu’ils ont un permis de séjour, les migrants, et plus particulièrement les femmes migrantes élevant seules des enfants, se retrouvent dans des situations souvent dramatiques lorsqu’elles doivent faire face à une maladie, un handicap ou une période de chômage. Les deux exemples ci-dessous l’illustrent bien.

 

Trop pauvre pour être vrai

 

Madame X, originaire d’un pays d’Amérique latine, a 5 enfants à charge. Elle est venue en Suisse suite à son veuvage et ne bénéficie d’aucune rente de son pays d’origine. En Suisse, elle travaille d’abord comme employée de maison, obtient un permis de séjour et travaille ensuite dans la restauration. Durant plus d’un an elle occupe un emploi très astreignant dont les horaires ne sont guère compatibles avec ses charges de famille. Au bord de l’épuisement, elle quitte son emploi et sera hospitalisée quelques jours plus tard pour une maladie en phase aiguë. Elle bénéficiera d’un congé maladie de deux mois seulement, malgré une hospitalisation de trois semaines et un traitement médicamenteux lourd durant six mois. Pour les médecins de l’hôpital, le fait qu’elle élève seule cinq enfants n’est pas un argument pour prolonger sa convalescence.

 

Madame X va donc s’inscrire au chômage. Mais puisqu’elle a donné son congé, elle est pénalisée et ne touche aucune indemnité journalière durant le premier mois. Elle n’ose pas faire appel à l’assistance publique par crainte que son permis ne soit pas renouvelé. Finalement, elle touchera des indemnités journalières de l’assurance-chômage. Actuellement, son revenu pour un famille de six personnes dont trois adolescents est le suivant :

 

Indemnités journalières de l’assurance chômage 2’450.– Francs

Allocations familiales 1’350.– Francs

Pension alimentaire pour le dernier des enfants ­ 500.– Francs

Total 4’300.– Francs

 

Une demande d’allocation d’études a été déposée au mois de septembre pour l’aîné des enfants. Elle n’a cependant pas encore été octroyée car le service compétent a mené des investigations complémentaire. Le revenu familial est considéré comme trop bas et par conséquent suspect…

 

Handicapée, veuve et bientôt à la rue

 

Madame Y, originaire d’un pays d’Amérique latine, est arrivée en Suisse il y a cinq ans suite à son mariage avec un compatriote résidant à
Genève. Elle a deux enfants d’un premier mariage, un troisième naîtra de sa nouvelle union. Madame Y est malvoyante suite à un accident survenu dans sa petite enfance, et malgré tous ses efforts pour essayer de s’intégrer sur le marché du travail à Genève, elle n’y arrive pas à cause de son handicap. L’an dernier son époux décède, et elle se retrouve seule avec trois enfants à charge. Au moment où son veuvage intervient, il lui manquait un mois de mariage pour ne pas risquer la perte de son autorisation de séjour suite au décès de son conjoint. Il fallait donc éviter à tout prix le recours à l’assistance publique pour ne pas mettre en danger le renouvellement du permis.

 

Madame Y a droit aux rentes de veuve des assurances sociales suisses du 1er et 2ème pilier. Mais le versement se fait attendre pendant de nombreux mois et dans l’intervalle, Madame Y doit payer un loyer s’élevant à plus de 2’000 francs. Plusieurs fonds privés sont sollicités afin que la famille puisse vivre. Au bout d’une année de longues et laborieuses démarches, les prestations suivantes ont finalement été obtenues :

 

Une rente de veuve et d’orphelins de l’AVS 2’239.– Francs

Une allocation pour impotent de degré faible de l’AI 456.– Francs

Une rente de veuve du 2ème pilier 682.– Francs

Les allocations familiales 750.– Francs

Une allocation logement 416.– Francs Total 4’543.– Francs

 

Ce revenu est cependant insuffisant pour que la famille puisse vivre, notamment en raison du loyer. Or Madame Y n’a pas droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales de l’AVS/AI puisqu’elle ne remplit pas la condition minimum de 10 ans de séjour imposées aux ressortissants extra-communautaires et elle ne peut toujours pas faire appel à l’assistance publique par crainte d’un non renouvellement du permis B. Dans l’impossibilité de régler son loyer durant deux mois, Madame Y a récemment reçu un avis de résiliation de bail, et ceci malgré le fait que la régie ait été au courant de la difficile situation de Madame et de toutes les démarches en vue d’assainir le budget familial.

 

Les lois migratoires en cause

 

La Loi sur les Étrangers stipule qu’en cas de chômage prolongé, de recours à l’assistance publique, le permis B n’est plus renouvelé. Par ailleurs, certaines prestations sociales, telles que les prestations complémentaires AVS/AI ne sont octroyées aux ressortissants non-communautaires qu’après un séjour ininterrompu de 10 ans, alors qu’elles sont octroyées immédiatement après la survenance du cas pour les ressortissants de l’UE/AELE et pour les Suisses bien-sûr. En ce qui concerne le RMCAS (revenu minimum cantonal d’insertion pour chômeurs en fin de droit, menacé de disparition) c’est également un délai de carence de 7 ans qui est imposé aux ressortissants étrangers. Quant aux éventuelles futures prestations cantonales pour familles dites « working-poor », elles ne seront octroyées qu’après 7 ans de séjour pour les étrangers. La lutte pour une sécurité sociale digne de ce nom doit donc impérativement inclure, parmi ses revendications, le droit pour les migrant-e-s à toucher des prestations aux mêmes conditions que les Suisses. Par ailleurs, dans un contexte économique désormais très incertain, les aléas de la vie ne doivent plus être punis par le non renouvellement du permis de séjour ou d’établissement.

 

Catherine Lack

 

Assemblée Générale

 

L’Assemblée Générale du CCSI aura lieu le 18 mars dans les locaux du Centre. Au programme :

  • apéritif et accueil de 19h00 à 19h30

  • partie statutaire de 19h30 à 20h30 (rapport d’activités et perspectives, comptes et budget, élections)

  • dès 20h30, conférence de Joëlle Moret, chercheuse à l’Université de Neuchâtel : Communiquer pour coopérer, coopérer pour communiquer (présentation d’une étude réalisée pour la Commission Fédérale pour les questions de Migration).

 

ENVIE DE VOUS ENGAGER BÉNÉVOLEMENT ?

Le Centre de Contact Suisses-Immigrés cherche
une personne prête à faire bénévolement du secrétariat pour la permanence Ecole et suivi social

Si vous souhaitez travailler en faveur des droits des personnes migrantes et pouvez vous engager pour une période minimum de six mois, que vous rédigez volontiers en français et savez utiliser les outils informatiques courants, que vous êtes à l’aise dans une équipe tout sachant vous organiser de façon autonome, n’hésitez pas à prendre contact avec Charlotte Wirz : 022/304.48.66 ou admin@ccsi.ch

La connaissance de l’espagnol ou du portugais serait appréciée.

 

1 L’Union des Villes suisses se prononcera en mai sur une résolution de soutien à la Municipalité de Lausanne. Un vote positif serait un signe supplémentaire que la problématique est empoignée ailleurs qu’en Suisse romande.