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CCSI-Info janvier 2011

Publié le 17 janvier, 2011 dans

bulletin d’infos

janvier 2011

 

 

Édito

 

J’aurais aimé pouvoir simplement vous souhaiter une très bonne nouvelle année. Mais tout comme l’année passée, celle-ci commence sous de sombres nuages. Ceux qui ont commencé à s’amonceler sur nos têtes avec le résultat des votations du 28 novembre dernier, et ceux qui menacent, au loin, dans le cadre d’une campagne pour les élections fédérales 2011 qui s’annonce une fois encore haineuse et tournée vers la stigmatisation des migrant-e-s. L’extrême-droite a d’ores et déjà annoncé son intention de puiser à nouveau dans le thème de l’immigration pour faire le plein de voix en octobre. Les autres partis semblent prêts à lui emboîter le pas. Tout récemment en effet, on apprenait par exemple que le Conseil fédéral envisageait de débusquer les familles de sans-papiers en demandant aux écoles de dénoncer leurs enfants, ou encore d’empêcher l’affiliation des travailleurs-euses sans statut légal aux assurances sociales. Ces mesures, si elles devaient réellement être mises en œuvre, seraient un retour en arrière scandaleux et inacceptable. Fort heureusement, ces annonces ont recueilli des réactions indignées de la part d’une majorité des enseignant-e-s et représentant-e-s de l’autorité scolaire. Nous avons également reçu de nombreux appels, emails, et interpellations de simples citoyen-ne-s qui nous encouragent à poursuivre notre action. De même, si l’affiliation aux assurances sociales a fait moins de bruit, elle nous semble tout aussi importante et digne d’être défendue. Dans tous les cas, le CCSI s’engage à suivre cette affaire de très près, et à engager tous les moyens nécessaires pour combattre ces dérives avec vigueur.

En lien avec ce thème, le titre d’un ouvrage récemment paru, intitulé « Pourquoi désobéir en démocratie? »1 m’a tout spécialement intriguée. En effet, dans une démocratie, et à fortiori dans une démocratie directe – dans laquelle les citoyennes et citoyens ont de multiples occasions d’exprimer leur avis, voire d’infléchir la politique des autorités – comment justifier l’expression d’un désaccord en-dehors des moments prévus à cet effet? Comment expliquer que nous continuons à ne pas accepter des décisions qui ont pourtant recueilli l’approbation d’une majorité des citoyen-ne-s? En guise de réponse à ces questions, un journaliste qui commentait la parution de ce livre avançait une idée intéressante: dans une démocratie forte et sûre d’elle-même, il devrait toujours être permis de mener une discussion franche et ouverte sur un sujet de société. Sinon, on sombre dans la tyrannie de la majorité. Le fait qu’un vote populaire ait eu lieu n’implique pas pour autant que le débat soit définitivement clos. Au contraire, un vote ne fait que sanctionner la position du peuple au moment où – et en fonction de la forme sous laquelle – la question lui a été posée. A notre sens, les questions liées à la migration se prêtent de manière particulièrement adéquate à cette analyse : que ce soit sur le contrôle de l’immigration, les droits civiques des étrangers, ou encore la situation des sans-papiers en Suisse (autant de sujets traités dans ce numéro), les positions peuvent et doivent évoluer avec le temps et en fonction des changements de contexte. Or la seule manière de faire évoluer les points de vue, c’est de garder ouvert un espace de discussion. C’est ce que nous tentons de faire tous les jours au CCSI: montrer que, sur tous ces sujets, le débat est – et doit à tout prix rester – ouvert. Avec votre aide, nous continuerons à le faire en 2011. Bonne année!

Marianne Halle

1Sandra Laugier, Albert Ogien, Pourquoi désobéir en démocratie?, Ed. La Découverte, 2010. Voir également Le Courrier du 18 décembre 2010.

 

Rapport et recommandations CFM

 

La Commission fédérale pour les questions de migrations (CFM) vient de publier un rapport très complet sur l’évolution de la situation des sans-papiers en Suisse sur les dix dernières années1. Ce rapport, auquel le CCSI a collaboré, offre un regard sur un grand nombre de problématiques qui touchent les personnes qui résident en Suisse sans statut légal, qu’elles soient ‘sans-papiers’ au sens le plus répandu du terme (des migrant-e-s économiques issus de pays hors Union européenne), ou qu’elles soient (re)tombées dans la clandestinité après un passage par le système de l’asile. Le document de la CFM montre que depuis dix ans, un certain nombre de pas positifs ont été franchis, notamment grâce à la visibilité publique et médiatique de ces populations. Cette visibilité découle à la fois du courage des sans-papiers eux-mêmes, qui ont pris le risque de sortir de l’ombre et de se mobiliser, et du travail infatigable des nombreuses personnes et associations qui les soutiennent, dont le CCSI fait bien sûr partie. Si le rapport décrit quelques uns des domaines dans lesquels une solution pragmatique a pu être trouvée (meilleur accès à la santé, accès garanti à l’école obligatoire dans toute la Suisse, reconnaissance de certains droits aux assurances sociales), il met également en exergue la grande précarité et l’insécurité tant matérielle que psychologique dans laquelle cette population est la plupart du temps plongée. Ce document a l’immense mérite de poser un certain nombre de points qui nous semblent importants: « […] si l’on veut changer d’optique, il faut d’abord renoncer à l’objectif irréaliste de vouloir appliquer rigoureusement les dispositions du droit des étrangers et admettre que la présence de sans-papiers a une cause structurelle et constitue un problème récurrent. Il est d’autant plus important de relier le débat à la réalité de la migration que le fossé qui se creuse entre la politique de migration idéale et la réalité qui renforce la polarisation des positions politiques. Or, si l’on souhaite pratiquer une politique socialement acceptable, appropriée, ralliant l’adhésion de larges pans de la société, cela n’est pas salutaire. » Du rapport, la CFM tire une série de recommandations, toutes destinées à ouvrir de nouvelles pistes. Elle demande notamment à ce que soient trouvées des solutions pragmatiques pour les jeunes qui souhaitent faire un apprentissage, pour les familles dont les enfants ont été scolarisés en Suisse, et surtout pour mettre fin à l’arbitraire et à la loterie que représente actuellement le système de régularisation au cas par cas. Espérons que nos élus auront le courage, en dépit du climat po
litique morose sur ces questions, de réserver à ces propositions un accueil favorable.

 

Jeunes et sans-papiers, quel avenir?

L’accès à l’apprentissage a été accepté par les chambres fédérales en 2010. Pourtant, en attendant sa mise en œuvre concrète, de nombreuses questions subsistent quant à l’avenir des jeunes sans-papiers et de leurs familles en Suisse. Pour en parler, le Collectif de soutien aux sans-papiers de Genève organise une grande soirée avec notamment:

  • dès 18h: projection de courts-métrages réalisés par de jeunes migrant-e-s.

  • dès 20h: table ronde en présence de:

Sandrine Salerno, Oscar Tosato, Serge Hiltpold, Luc Barthassat, Antonio Hodgers, Anne-Marie von Arx-Vernon, Brigitte Schneider-Bidaux, Marina Sevastopoulo, Thierry Horner, Jean-Charles Rielle

7 février 2011 dès 18.00 à l’UOG

 

 

Votations sur le renvoi: bilan et remarques

Tout ou presque a déjà été dit sur les résultats du vote du 28 novembre dernier, qui portait sur l’initiative de l’UDC « Pour le renvoi des étrangers criminels » ainsi que sur le contre-projet parlementaire à cette dernière. Le peuple suisse donc a tranché, acceptant d’inscrire noir sur blanc dans notre Constitution la discrimination entre nationaux et étrangers devant la loi. Par la même occasion le gouvernement, qui soutenait le texte élaboré par les chambres, a été renvoyé sèchement à sa copie. Au-delà de la consternation qui était la nôtre au lendemain du scrutin, quels enseignements peut-on tirer de cette votation? D’abord, ce n’est pas nouveau, on constate qu’une fois encore, les cantons et les villes qui ont su résister aux sirènes populistes de l’initiative sont ceux qui connaissent un fort taux de population étrangère : la manipulation de la peur ne fait donc pas le poids face à une réalité connue. Cependant, le résultat du scrutin ne permet aucun triomphalisme. Une tendance un peu inquiétante est apparue dans les zones périurbaines, notamment dans le canton de Genève: les quartiers défavorisés, qui connaissent eux aussi une population étrangère relativement importante, ont voté pour l’initiative. Cette tendance représente l’un des défis qui nous attend à l’avenir. Car les éléments qui donnent les moyens de distinguer une solution à un problème d’un simple appel à la haine – tels que la capacité de discernement, la connaissance de l’autre, le respect des droits humains, etc. – ne sont pas innés. Ils doivent être forgés, encouragés, inlassablement expliqués. Et c’est aussi le travail des associations comme le CCSI que d’être présentes sur le terrain dans ces quartiers, afin de ne pas laisser le champ libre à la rhétorique xénophobe, et aux partis qui la portent.

 

En outre, il nous semblait nécessaire de revenir sur un point qui a fait débat tant pendant la campagne qu’à l’issue du vote. De nombreuses voix se sont en effet élevées pour accuser les tenants du double non – dont le CCSI faisait partie – d’avoir fait le jeu de l’UDC. Ainsi, on nous a fait porter la responsabilité de cette énième victoire de l’extrême droite, sous-entendant que si nous avions soutenu le contre-projet – même en se pinçant le nez – ce dernier aurait pu battre l’initiative. Or dans le contexte actuel, notre rôle en tant que défenseurs des migrant-e-s n’est pas d’élaborer des stratégies tacticiennes. Notre rôle est de lutter contre la discrimination et la xénophobie – que ces idées soient ouvertement véhiculées par une initiative telle que celle de l’UDC ou qu’elles soient camouflées dans un contre-projet gouvernemental. A notre sens, il est vital de dénoncer ces dérives, quelle qu’en soit la source. Dès lors, on ne peut nous reprocher de ne pas avoir soutenu un texte qui était, à nos yeux, indéfendable.

 

Enfin, le CCSI note tout de même avec satisfaction que la campagne qu’il a menée au sein de Stopexclusion a porté ses fruits à Genève, malgré des moyens financiers dérisoires. Le mérite de cette petite victoire revient incontestablement aux militant-e-s : ceux de toujours, bien sûr, mais également les nombreuses ‘nouvelles têtes’ qui, grâce à leur engagement et leur mobilisation, l’ont rendue possible. Qu’ils et elles en soient ici chaleureusement remercié-e-s.

 

Citoyenneté et démocratie

 

Comment devient-on citoyen? Est-ce inné ou cela s’apprend-il? Un colloque passionnant sur ce thème, intitulé « Droits politiques des étrangers et intégration. Apprendre la démocratie suisse » s’est tenu à Lausanne le 9 décembre dernier. Centré autour du lancement d’une campagne destinée à encourager la participation des étrangères-ers aux élections municipales à venir, le programme de la journée a permis d’examiner plusieurs aspects de la citoyenneté : comment celle-ci est définie aujourd’hui, dans quelle mesure cette notion a évolué dans le temps et dans l’espace, quels sont les facteurs qui favorisent ou au contraire découragent la participation, ou encore quels sont les liens entre citoyenneté et démocratie. Plusieurs intervenants ont en outre insisté sur l’importance fondamentale d’autres formes de participation citoyenne, telles que le fait de militer au sein d’une association ou d’un syndicat, ou de faire partie d’une commission. Mais plus généralement, l’impression que laisse cette journée est la suivante : l’extension des droits civiques aux étrangères et étrangers est un enjeu d’intégration sociale au sens large. Plus les lois et principes qui nous gouvernent font l’objet d’un consensus étendu, plus notre démocratie s’en retrouve renforcée.

Citoyenneté et Constituante

L’assemblée constituante de Genève met en consultation populaire le projet qu’elle a élaboré au cours des deux dernières années. Cette so
irée sera l’occasion d’en faire une lecture critique, et de mener un débat sur les droits civiques des étrangères-ers en présence de:

Christiane Perregaux et Minh Son Nguyen

16 février 2011 à 18.30

Uni Mail, salle R060

 

Sans-papiers: interdiction de mariage?

Le 1er janvier de cette année sont entrées en vigueur les nouvelles réglementations par rapport aux procédures de mariage pour les migrant-e-s. Ces nouvelles dispositions font suite à l’acceptation par le parlement de l’initiative Brunner, officiellement destinée à lutter contre les mariages fictifs. Les problèmes liés à cette initiative ont surgi dès son examen par la Commission parlementaire compétente: sous couvert de lutter contre les mariages de complaisance, cette dernière faisait en fait peser le soupçon sur toutes les unions dans lesquelles l’un-e des partenaires n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour. Le droit au mariage étant garanti par la Constitution, la Commission et le Conseil fédéral ont tous deux précisé que la mise en pratique de cette initiative ne devait pas poser des ‘obstacles prohibitifs’ à la conclusion d’un mariage, et que les droits fondamentaux des personnes concernées devaient être respectés. Les nouvelles directives fédérales sur les procédures de mariage laissent donc une marge de manœuvre relativement importante aux cantons, notamment sur les documents exigés pour pouvoir ouvrir une procédure de mariage. Il revient désormais aux organisations de défense des migrant-e-s actives sur le terrain de surveiller de près l’application que notre canton fera de ces directives, afin de s’assurer que la volonté exprimée tant par la Commission que par le Conseil fédéral soit respectée, et que les personnes migrantes (et leurs conjoint-e-s) qui souhaitent sincèrement se marier en Suisse ne se retrouvent pas face à des difficultés encore plus insurmontables que celles qu’ils-elles rencontrent déjà.

 

ONU, la Suisse examinée par le Comité DESC

Dans le courant du mois de novembre passé, le Comité onusien des Droits économiques, sociaux et culturels (DESC) a examiné la Suisse. L’objectif de cet examen était d’évaluer dans quelle mesure notre pays se conformait aux engagements pris lors de la signature du pacte du même nom en 1992. Depuis cette date, la Suisse est censée mettre en œuvre les dispositions de ce pacte, et rendre des rapports périodiques au comité sur l’avancement de cette mise en œuvre. Les recommandations du comité montrent que la Suisse a encore beaucoup à faire pour se conformer à ses engagements. Plusieurs points ont été soulevés par le comité: droits syndicaux, protection des migrants, égalité femmes-hommes, pour n’en citer que quelques uns. En ce qui concerne les droits des migrant-e-s, le comité recommande à la Suisse de mettre en place des mesures visant notamment à mieux intégrer les jeunes issus de la migration sur le marché du travail, et à combattre le problème croissant de la xénophobie en Suisse. Il demande également que le droit au mariage soit garanti pour toutes les personnes sur le territoire helvétique (voir article ci-dessus). Dans le domaine de l’asile, s’est dit préoccupé de la situation des requérants privés d’aide sociale, et forcés à vivre dans des conditions indignes. Enfin, et c’est là une source de satisfaction toute particulière pour le CCSI, le comité recommande à la Suisse de modifier l’article 50 LEtr, de manière à ce que les femmes migrantes victimes de violences conjugales ne soient plus incitées à rester avec leur époux violent, par crainte de perdre leur autorisation de séjour. En l’espace de 18 mois, tous les comités onusiens ayant examiné le respect par la Suisse de ses obligations internationales – Comités pour l’Élimination de la discrimination à l’égard des femmes (été 2009), des Droits de l’homme (octobre 2009), et Contre la torture (juin 2010) – ont exprimé leur vive préoccupation quant à la situation des femmes migrantes victimes de violence conjugale dans notre pays. Les efforts du Groupe de travail Femmes migrantes et violences conjugales sont ainsi une nouvelle fois récompensés.

 

L’Assemblée Générale 2011 du Centre de Contact Suisses-Immigrés

aura lieu le

jeudi 17 mars prochain à 20 heures.

En attendant de recevoir votre convocation avec l’ordre du jour, nous vous remercions de réserver d’ores et déjà cette date pour participer nombreuses et nombreux à cette soirée.

 

 

Nous joignions à ce numéro un BVR pour le paiement de la cotisation 2011 (60 CHF pour les membres individuels et 150 CHF pour les membres collectifs). Votre soutien financier est d’une importance vitale pour le CCSI, et nous tenons à vous en remercier vivement.

 

1Le rapport est disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.ekm.admin.ch/fr/documentation/doku/Empf_sapa_f.pdf