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CCSI-Info juillet 2011

Publié le 7 juillet, 2011 dans

CCSI-Info

Juillet 2011

 

Édito

 

Poussée dans ses retranchements par l’activisme de certains (l’initiative absurde d’Ecopop1, ou le rythme soutenu imposé par Mme Sommaruga sur les problématiques en lien avec la migration), l’UDC annonce le lancement d’une énième initiative anti-étrangers. Dans l’urgence, le parti n’a livré à la presse que les grandes lignes de son projet, faute d’avoir eu le temps de le soumettre à ses délégués. Sur la forme, il est révélateur que l’extrême-droite ne s’embarrasse désormais ni de cerner le thème précis de son initiative, ni d’avancer des propositions concrètes. Peu importe en effet, puisque seul le fait d’occuper le terrain politique et médiatique compte. En année électorale, les partis sont prêts à tout pour être présents dans l’arène publique. Et l’UDC sait bien que, dans le climat actuel (qu’elle a d’ailleurs fortement contribué à créer), aucun sujet ne garantit cette présence aussi efficacement que le discours anti-immigration. Du moins jusqu’à aujourd’hui.

 

Mais sur le fond, on constate tout de même un glissement de la traditionnelle rhétorique anti-étrangers vers un terrain un peu nouveau. Tentant de récupérer à son profit le discours médiatiquement porteur (mais néanmoins marginal) de groupements comme Ecopop, le parti a momentanément mis en veilleuse les thématiques sécuritaires et identitaires pour poser le problème en termes de croissance. Et au-delà des déclarations parfois loufoques qu’entraîne cette approche (la pseudo-dépendance de la Suisse au nucléaire serait par exemple imputable à la surpopulation étrangère), l’UDC démontre une fois encore sa remarquable capacité à transformer n’importe quel problème sociétal en un problème d’immigration.

 

Car aborder le sujet par le biais des problèmes liés à la croissance présente plusieurs avantages. Ainsi, nous sommes nombreux-euses à ressentir les effets de la croissance, et ce souvent de manière négative (pénurie de logements, routes surchargées, etc.). Dès lors, les conclusions que tout un chacun est à même de tirer de ces constats semblent découler du pur « bon sens »: la Suisse est un tout petit pays, il n’y a simplement pas la place d’accueillir tout le monde. Tout cela sans se voir affubler de l’étiquette « raciste ». Car il n’y a rien de xénophobe là-dedans, non, non. Et pourtant, une fois encore, la solution proposée reste la même: il suffirait de limiter l’immigration pour que tout aille mieux. Comme si la Suisse pouvait vivre en vase clos, un îlot entouré de barbelés au cœur de l’Europe, ne dépendant de personne si ce n’est de la légendaire force de travail des Suisses eux-mêmes. Comme si l’immigration n’était pas un phénomène mondial, dont l’ampleur ne diminuera pas avant qu’un certain équilibre entre le Nord et le Sud n’ait été rétabli. Car que se passerait-il si les propositions de l’UDC étaient mises en œuvre? Les gens cesseraient-ils de migrer pour autant? Vraisemblablement non. On ne ferait alors qu’alimenter cette absurde machine à fabriquer des clandestins qu’est la politique migratoire helvétique actuelle.

 

Les effets pervers de la croissance sur la population appellent d’autres réponses. Or ces mêmes groupements refusent quasi systématiquement toutes les mesures visant à les atténuer. Ainsi, ils s’opposent à donner les moyens nécessaires aux infrastructures publiques de prise en charge (des crèches aux EMS, en passant par le para-scolaire et les maisons de quartier); à un salaire minimum, et à un meilleur contrôle du marché du travail; à la lutte contre la spéculation immobilière, au contrôle des loyers, et à la construction de logements abordables pour toutes et tous; à toutes les mesures en faveur d’une mobilité plus douce, ou de transports publics bon marché, etc. Les véritables solutions aux effets collatéraux de la croissance sont là, et non dans la simple limitation de l’immigration. Les Suisses seraient-ils en train de le comprendre ? Les derniers sondages pré-électoraux, qui montrent l’UDC en baisse pour la première fois depuis longtemps, semblent l’indiquer. C’est sur cette note d’espoir que je vous souhaite à toutes et tous un bel été.

Marianne Halle

 

 

Droits des migrant-e-s:

de nouveaux durcissements annoncés

 

Ces dernières semaines, les annonces de durcissements supplémentaires dans le domaine du droit d’asile et des étrangers se sont multipliées dans les médias. Préoccupée par cette tendance, la Coordination contre l’exclusion et la xénophobie – Stopexclusion, a écrit une lettre ouverte à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga pour lui faire part de son inquiétude. Le CCSI souscrit pleinement à cette démarche. C’est pourquoi nous avons choisi de reproduire ici quelques extraits de cette lettre1, centrés sur le droit au regroupement familial, une problématique qui touche le CCSI de très près.

 

« […] Vous annoncez vouloir durcir à nouveau le droit au regroupement familial, affaiblir encore le statut juridique des immigrants en provenance de pays non européens et placer encore plus haut le seuil d’intégration (Le Matin dimanche, 15.5.11). Nous n’acceptons pas la perspective d’un nouveau durcissement qui immanquablement déchirera de nouvelles familles.

 

Le droit des étrangers en vigueur depuis 2008 a déjà sérieusement restreint le droit au regroupement familial. Par l’introduction de délais très stricts, ce droit est quasiment limité aux enfants de 12 ans et moins, alors que précédemment la limite était fixée à 18 ans. De ce fait, nombre d’adolescents – pourtant protégés par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et par la Convention Européenne des droits de l’homme – se voient interdits de rejoindre légalement leur parent en Suisse. Sans ressources et délais
sés dans leur pays, certains rejoignent tout de même leur parent et vivent ici dans la précarité comme toutes les personnes sans statut légal.

 

Au lieu de favoriser « l’intégration » des migrants, les critères exagérément restrictifs imposés dans le droit fédéral les maintiennent à l’écart. La réunion familiale leur est interdite s’ils/elles ne peuvent justifier d’un logement suffisamment grand ou d’un revenu suffisamment élevé aux yeux de l’administration. Ces critères n’existent pas pour les familles constituées en Suisse, chacun ici a en effet le droit de fonder une famille quels que soient son revenu ou la taille de son appartement. Mais les étrangers/étrangères eux/elles se voient spolié-e-s de ce droit.

 

Deux grandes organisations intergouvernementales ont mis en avant la signification sociopolitique du regroupement familial des migrants. Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT) « La réunion des travailleurs migrants et de leur famille restée au pays d’origine est un facteur essentiel de leur bien-être et de leur adaptation sociale dans le pays hôte. Une séparation et un isolement prolongés sont une cause de détresse et de tension, tant pour les immigrés que pour les membres de leur famille qu’ils ont laissés derrière eux, et les empêchent de mener une existence normale. Le grand nombre de travailleurs migrants privés de relations sociales et vivant en marge de la communauté qui les accueille crée maints problèmes sociaux et psychologiques bien connus, qui, à leur tour, déterminent dans une large mesure l’attitude de la communauté à leur égard. »

 

Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a fait remarquer de son côté que « le regroupement familial est une des sources d’immigration majeures dans la plupart des États européens, et que le statut de résident et les autres droits accordés aux membres de la famille admis dans les pays sont des éléments importants, qui aident à intégrer les nouveaux migrants dans la société hôte. » […]

Un durcissement du droit au regroupement familial aurait ainsi, non seulement des conséquences catastrophiques pour les personnes et familles concernées, mais des effets néfastes sur un plan social bien plus large. […] Les milieux de défense du droit d’asile et des étrangers que nous représentons sont très inquiets de l’évolution de votre politique. C’est à grand regret que nous constatons que celle-ci s’oriente vers des modifications législatives qui vont avoir de graves conséquences humaines et sociales. Des travailleurs seront contraints de vivre séparés de leur famille; des réfugiés n’obtiendront plus de protection faute d’avoir eu le temps et les moyens de s’expliquer; des personnes malades ou traumatisées seront renvoyées. Nous nous opposons avec vigueur à ces durcissements annoncés et vous appelons à réorienter votre politique vers un renforcement des droits humains des migrants et vers la promotion d’une société inclusive. »

 

 

Femmes mobilisées et convention signée!

 

Nous vous en parlions dans le précédent numéro du CCSI-info, le mois de juin 2011 a donné lieu à de nombreux moments de mobilisation pour les femmes, à Genève et ailleurs en Suisse. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés s’est fortement impliqué dans la préparation de la journée du 14 juin, en particulier sur les problématiques en lien avec les femmes migrantes. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous souhaitions tout de même vous en offrir quelques reflets.

 

Si la très belle manifestation – qui rassemblait toutes les femmes mobilisées ce jour-là, ainsi que la soirée festive du 14 juin nous ont laissé d’excellents souvenirs, les moments en lien avec l’économie domestique ont également marqué fortement ce mois de juin. Une semaine avant le jour J avait lieu une soirée de rencontres et de débats entre travailleuses domestiques d’ici et d’ailleurs. Profitant de la présence à Genève (à l’occasion de la conférence de l’OIT) de nombreuses femmes actives dans la défense des travailleuses de l’économie domestique, le CCSI, le SIT, l’UITA et le Collège du travail ont organisé cette soirée afin qu’elles puissent mettre en commun leurs expériences et leurs modes d’organisation, et débattre des enjeux à venir. Les témoignages des différentes participantes à la table ronde, venues d’Amérique latine, d’Asie, et d’Europe, ont permis de mettre en lumière les caractéristiques communes de ce secteur d’activité à travers le monde. Car de Bogotá à Londres, en passant par Johannesburg et Hong Kong, les travailleuses connaissent des difficultés similaires: forte dépendance à l’employeur, puisqu’en quittant un emploi on perd souvent son logement; rapport parfois ambigu au travail, tant ce dernier est lié aux relations affectives qui se nouent avec la famille; isolement et précarité (a fortiori quand elles sont sans statut légal); fort lien avec la migration, puisque les travailleuses domestiques sont très souvent des migrantes, que ce soit à l’intérieur de leur pays (des campagnes vers les villes) ou d’un pays – voire d’un continent – à un autre. Mais c’est surtout le courage remarquable de ces femmes qui impressionne. La plupart du temps sans aucune aide extérieure, souvent migrantes sans statut légal, elles se sont pourtant mobilisées, ont créé de vastes réseaux de solidarités, et construit un rapport de forces qui leur a permis de revendiquer des droits. Ainsi, aux États-Unis, une charte des droits des travailleuses domestiques a été adoptée par l’État de New York, alors qu’une autre est en passe de l’être en Californie.

 

La présence active de ces femmes à Genève n’est d’ailleurs certainement pas étrangère à l’adoption par l’OIT d’une convention sur le travail domestique. Il s’agit là d’un pas historique: les travailleuses domestiques sont désormais considérées comme des travailleuses à part entière, avec les droits qui en découlent. Reste maintenant aux différents pays à ratifier cette convention, afin d’inclure ses dispositions dans les législations nationales. Comme le dirait Guillermina Castellanos, employée domestique mexicaine en Californie: ¡Si se puede, compañeras!

 

 

Loi sur les manifestations:

le référendum est lancé

 

Le Grand Conseil a récemment adopté plusieurs modifications de la Loi sur les manifestations sur le domaine public. Ces modifications rendent les organisateurs responsables de tout problème se présentant pendant le déroulement de la manifestation, (déprédations, troubles de l’ordre public, etc.) que ces problèmes soient survenus avec ou sans leur faute. Les amendes peuvent aller jusqu’à 100’000 francs, et entrainer une interdiction de toute nouvelle autorisation de manifester pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans. Ces durcissements sont susceptibles de mettre en péril le droit au rassemblement pacifique et démocratique, de même que la liberté d’expression. En effet certaines organisations, dont notamment les petites associations, ne pourront plus se permettre de prendre le risque de demander une autorisation de manifester: les conséquences des sanctions qui pourraient les affecter, et ce même lorsque d’éventuels problèmes seraient survenus sans leur faute, seraient simplement trop lourdes. C’est pourquoi une large coalition d’associations, de partis et de syndicats a lancé un référendum contre cette nouvelle loi.

 

Sans être à l’origine de ce référendum, le CCSI pourrait lui aussi être touché par ces changements de loi, notamment lorsqu’il organise ou prend part à des manifestations en lien avec les migrations. Nous tenons donc à en informer nos membres, afin que chacun-e puisse décider éventuellement de le soutenir par sa signature (uniquement pour les ressortissant-e-s suisses domicilié-e-s à Genève!) ou en le diffusant. Le délai de récolte de signatures (7000) est en effet très court, soit jusqu’à fin de la première semaine d’août.

 

Référendum: cliquez ici.

 

Pétition à signer

Nous vous rappelons que la pétition en faveur de meilleures conditions de vie pour les personnes sans statut légal en Suisse peut non seulement être téléchargée sur notre site internet, mais qu’elle est désormais également disponible pour signature en ligne ici.

À vos agendas!

Le mois d’octobre s’annonce d’ores et déjà bien rempli, avec plusieurs événements organisés ou soutenus par le CCSI. D’autres informations suivront dans le prochain numéro, ainsi que sur notre site internet, mais nous vous communiquons déjà les dates, afin que vous puissiez réserver ces moments:

  • Le 1er ou le 8 octobre (date à confirmer!), une grande manifestation nationale aura lieu à Berne, pour marquer les dix ans du mouvement des sans-papiers. Un départ de Genève sera certainement organisé, n’hésitez pas à nous contacter pour vous joindre à nous. Consultez notre site pour plus d’informations.

  • Le 14 octobre, à la Maison des Associations, le CCSI organise une soirée pour fêter les 20 de l’accès à l’école pour les enfants sans statut légal, mais aussi s’interroger sur leur avenir, et sur le respect des droits de l’enfant dans le contexte actuel. Programme complet sur notre site internet.

  • Le 15 octobre, dans le cadre du séminaire Femmes, féminismes et pouvoirs, aura lieu une journée de réflexion sur le thème « Femmes, féminismes et islam radical ». Les détails suivront dans un prochain numéro.

 


1 Le texte complet de la lettre est disponible sur notre site internet www.ccsi.ch

1Sans entrer dans les détails de l’initiative, celle-ci propose de limiter la croissance de la population, afin de limiter les effets néfastes de cette dernière, notamment sur le plan écologique. Or comme la population suisse ne croît que grâce à l’immigration…