CCSI-Info janvier 2012
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CCSI-Info
janvier 2012
Edito
L’année 2012 vient tout juste de débuter et déjà, il apparaît clairement que les migrations seront une fois encore au cœur des préoccupations. La crise se poursuivant de plus belle dans de nombreux pays d’Europe, le chômage et les sombres perspectives économiques risquent de pousser sur les routes un nombre toujours plus important de personnes. Une partie d’entre elles tentera certainement sa chance en Suisse, où, quoiqu’en disent certains, la situation demeure infiniment plus favorable qu’en Grèce ou en Espagne. Cette arrivée de migrants européens, pour la plupart relativement bien formés, risque de générer une concurrence accrue pour les emplois. Le Conseil fédéral a d’ailleurs discrètement évoqué la possibilité d’activer la clause de sauvegarde – une clause qui permet à la Suisse de réintroduire des contingents (normalement interdits par la libre-circulation) pour les migrants européens. Mais avec ou sans cette clause, la concurrence s’exercera plus fortement qu’auparavant : non seulement avec les Suisses et les étrangers « réguliers » pour les emplois qualifiés, mais également avec les immigré-e-s en situation irrégulière pour les emplois moins qualifiés. Ces derniers, fragilisés par leur absence de statut, hésitent trop souvent à défendre leurs droits et risquent d’être repoussés dans des situations plus précaires encore.
Beaucoup moins discrètement que le Conseil fédéral, le président du Parti socialiste suisse a lui aussi annoncé que l’immigration serait à l’ordre du jour cette année. Ambition affichée: mettre fin aux tabous « de gauche » dans le discours sur l’immigration, et empoigner fermement le sujet qui préoccupe au premier plan les électeurs helvétiques. A priori, pourquoi pas ? Espérons simplement que ce débat interne amène le PSS à (se) poser les vraies questions, et non qu’il serve à produire un discours prétendument « décomplexé », justifiant les instincts protectionnistes et xénophobes d’une partie de l’électorat qui a depuis longtemps déserté les rangs de la gauche. D’ici septembre, nous saurons si le parti à la rose compte inclure les étranger-ères dans son slogan : pour toutes et tous, sans privilèges.
Enfin, ce sont aussi les liens entre politique migratoire et respect des droits humains qui figureront au menu de cette année 2012. D’une part, une motion prévoyant la possibilité d’invalider les initiatives populaires qui ne respectent pas l’essence des droits fondamentaux est en passe d’être acceptée par le Parlement. De l’autre, l’interdiction du mariage pour les personnes sans statut légal en Suisse, entrée en vigueur en 2011, est attaquée de toutes parts. Après plusieurs jugements sur le plan cantonal, c’est maintenant le Tribunal fédéral lui-même qui remet en question la conformité de cette interdiction avec les droits fondamentaux reconnus par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. Nous espérons qu’une modification législative viendra rapidement confirmer les conclusions des tribunaux. D’ici là, je vous souhaite à toutes et tous une très belle année 2012.
Marianne Halle
Intégration : nouvelles mesures fédérales
Le Conseil fédéral soumet actuellement à consultation son projet de révision de la Loi sur les étrangers (LEtr), qui prévoit des modifications en matière d’intégration. Le CCSI n’est pas formellement consulté, mais a mis sur pied un groupe de travail avec d’autres associations concernées afin de préparer une prise de position commune. Nous reviendrons donc plus longuement sur le sujet dans un prochain numéro. Ici, nous ne ferons qu’exposer brièvement pourquoi, à première vue, le projet ne suscite guère l’enthousiasme. L’idée centrale du projet consiste à faire de la « bonne intégration » une condition à toutes les étapes du parcours migratoire. Évaluée en fonction de quatre critères (respect de l’ordre juridique et des principes fondamentaux de la Constitution suisse, connaissances linguistiques, et participation à la vie économique), c’est de cette « bonne intégration » que dépendront désormais l’octroi et la prolongation des autorisations de séjour, le regroupement familial ou encore de l’octroi d’un permis C anticipé.
Avant toute chose, remarquons que la révision renforce les inégalités entre les étrangers-ères relevant de l’Accord sur la libre-circulation des personnes (ALCP) et celles et ceux dont les conditions d’admission et de séjour sont réglées par la LEtr. En effet, les nouvelles exigences posées ne peuvent s’appliquer qu’aux personnes issues de pays tiers, puisque l’ALCP interdit les freins à la libre-circulation. Les citoyen-ne-s européen-ne-s ne recevront que des recommandations en matière d’intégration, alors que les autres étranger-ères sont soumis à des obligations. Comme il l’a déjà souligné par le passé, le CCSI s’oppose à cette discrimination. En outre, l’image des « améliorations » que ces modifications comptent apporter s’en retrouve faussée, puisqu’elles ne seront dans les faits pas contraignantes pour la très grande majorité des immigré-e-s en Suisse.
L’une des principales modifications apportées concerne le regroupement familial : selon la nouvelle loi, les membres de famille d’une personne suisse ou étrangère au bénéfice d’un permis ne pourront la rejoindre que si elles ont un niveau de langue suffisant. Il s’agit d’une exigence préalable à l’octroi du regroupement familial. Ainsi, au moment de la demande, les époux/épouses et enfants devront justifier de connaissances du français (ou au moins d’une inscription à un cours de langue à l’arrivée) pour pouvoir vivre en famille en Suisse. Or le droit à vivre avec sa famille est un droit fondamental, reconnu par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui ne saurait à notre sens être soumis à des critères aussi restrictifs. En outre l’accès à la langue, tout comme la participation à la vie politique par exemple, devrait être un facteur d’inclusion, un instrument d’intégration et non d’exclusion.
Enfin, le projet prévoit de contraindre les cantons à conclure une convention d’intégration avec les personnes qui présentent un « risque de déficit d’intégration ». Sachant par ailleurs que le projet ne prévoit pas de renforcer les mesures de lutte contre la discrimination, on imagine déjà certains cantons ultra-conservateurs décider de soumettre systématiquement les ressortissants de tel pays, les fidèles de telle religion, ou
les personnes issues de telle culture jugée « éloignée » de la nôtre à des exigences accrues en matière d’intégration. Cette mesure forcera également les cantons romands (qui ont tous, jusqu’à maintenant, refusé de les introduire) à conclure des conventions d’intégration avec certains groupes particulier de migrant-e-s.
Merci Cristina!
Après de nombreuses années au Centre de Contact Suisses-Immigrés, le temps est venu pour Cristina Freire-Heiniger de prendre une retraite bien méritée. Déjà liée au Centre depuis de nombreuses années, puisqu’elle a enseigné le portugais dans le cadre de la Petite École de manière bénévole dans les années 1980, depuis l’année 2000, Cristina a rejoint l’équipe salariée: d’abord en appui à la permanence École, puis en mettant sur pied des séances d’information collectives avec les consultant-e-s du CCSI, et enfin en tant que co-responsable de l’accueil.
Durant toutes ces années, les nombreuses qualités de Cristina ont fait leurs preuves: sa capacité d’écoute, sa grande chaleur humaine, et sa créativité, qui a notamment rendu les espaces communs du Centre beaucoup plus agréables pour toutes et tous. Favorisant le « faire avec » plutôt que le « faire pour », Cristina a également alimenté les réflexions menées par le Centre autour de ses relations avec les consultant-e-s, et sur la manière d’inscrire la migration dans un contexte. Toute l’équipe du CCSI la remercie du fond du cœur, et lui souhaite une retraite remplie de toutes les belles choses de la vie que Cristina sait reconnaître et apprécier.
Nouveau contrat de prestations signé
Le CCSI est au bénéfice, depuis 2008, d’un « contrat de prestations » avec l’État qui, outre la prise en charge du loyer des locaux mis à disposition par l’État, fixait pour quatre ans le montant annuel de la subvention à Fr. 300’000.-. Le montant en question était le même depuis plusieurs années, et n’a connu aucune indexation depuis 2004.
Au début 2011, nous avons procédé à une évaluation de nos besoins pour les quatre années à venir. Le Comité a ainsi décidé de soumettre à la Cheffe du Département, Mme Isabel Rochat, une demande visant à obtenir un montant supplémentaire de Fr. 150’000.- par an. Cette augmentation de subvention était destinée essentiellement d’une part à stabiliser le deuxième poste de travail créé en 2010 pour la Permanence École, et d’autre part à dédoubler le poste de travail de la Permanence Permis de séjour.
Pendant toute l’année 2011, malgré nos multiples rappels, notre demande est restée sans réponse. Ce n’est qu’au début décembre que nous avons appris, par l’intermédiaire du Bureau de l’Intégration des Étrangers, que notre subvention ne serait pas augmentée, en raison de la situation budgétaire difficile du canton. Notre évaluation de la situation nous a amenés à considérer que vu les circonstances, nous n’avions pas d’autre choix que de signer le nouveau contrat de prestation 2012-2015, aux conditions imposées par l’État.
Les conséquences de cette situation sont préoccupantes, même si la survie à court terme du CCSI n’est pas menacée. A moyen terme, il ne sera pas possible de continuer à répondre aux demandes plus nombreuses et surtout plus compliquées, vu la précarité croissante de la situation de bon nombre de nos consultant-e-s, sans ressources supplémentaires. Dans l’immédiat, nous avons déjà dû, à partir de 2012, supprimer un 25% de poste de travail, ce qui nous amènera à réduire quelque peu l’horaire de l’ouverture au public de l’accueil. Les années à venir s’annoncent donc difficiles, et le soutien de tous nos membres et ami-e-s en sera d’autant plus précieux.
Anne-Marie Barone, Présidente
Mendicité: une pétition nécessaire
Le 8 décembre dernier, plusieurs associations (dont Caritas, Mesemrom, la Ligue des droits de l’homme, Stopexclusion, etc.) ont lancé une pétition visant à décriminaliser la mendicité. Depuis 2008 en effet, suite à une décision du Grand Conseil, la mendicité est considérée comme une infraction pénale à Genève. Par conséquent, les mendiants – et plus particulièrement les Roms, déjà extrêmement vulnérables – sont désormais pourchassés par la police, amendés, délestés de leurs maigres biens, et expulsés sans ménagement de leurs abris de fortune. L’expérience a montré que cette criminalisation de la misère était non seulement inhumaine et discriminatoire (puisqu’elle s’applique quasi-exlusivement aux Roms), mais également coûteuse et inefficace. Le CCSI se joint donc à l’appel en faveur de l’abrogation de cet article inutile et odieux sur le plan humain, et vous invite à signer sans attendre (une pétition peut être signée par toutes et tous). La pétition doit être signée et renvoyée avant le 31 mars 2012 à la COTMEC, 16 bd du Pont d’Arve, 1205 Genève.
Constituante: une manœuvre inacceptable
L’Assemblée constituante gene- voise a rendu public le projet de Constitution issu de la première lecture. Afin de sortir de l’impasse dans laquelle étaient enlisés les débats autour de la question des droits politiques des étrangers-ères, la droite a sorti de son chapeau un tour de passe-passe sournois: en lieu et place d’avancées sur le plan de l’éligibilité des étrangers au niveau communal, sans même parler des droits politiques sur le plan cantonal, l’article constitutionnel s’en tient au statu quo, et renvoie aux dispositions transitoires la tenue d’un scrutin sur la question dans les deux ans suivant l’adoption de la nouvelle Con-stitution. Nous voilà donc pris entre le marteau et l’enclume: accepter la nouvelle constitution telle quelle, c’est avaler qu’il n’y aura aucune avancée en matière de droits politiques des étrangers, puisque le vote populaire est quasi voué à l’échec (comme le prouvent malheureusement les expériences récentes dans d’autres cantons). La refuser, c’est non seulement en rester au statu quo, mais aussi se résoudre à voir le sujet disparaître de l’actualité, du moins pour les années à venir. Il ne reste que peu d’espoir de voir des avancées émerger de la deuxième lecture, qui débute ces jours. Si ces espoirs devaient être une nouvelle fois déçus, le CCSI et toutes les associations de défense des migrant-e-s à Genève appelleront au rejet de ce texte le 14 octobre prochain.
Exposition à voir
Vous pourrez découvrir « Impasses et espoirs », l’exposition créée par le CCSI à l’occasion des 20 ans du droit à l’éducation, lors du festival « La solidarité dans tous ses états », à l’espace Vélodrome de Plan-les-Ouates, les 24 et 25 février 2012.
Journée de réflexionLe 25 février prochain, le CCSI organise une journée de réflexion autour du thème de l’essentialisation. De quoi s’agit-il exactement? On parle d’essentialisation quand un rôle, une attitude, un comportement est systématiquement attribué à une personne en raison de son « essence », à savoir de caractéristiques sur laquelle la personne n’a aucune influence (origine nationale, ethnique, sexe, etc.). Les dangers de cette vision réductrice sont de plus en plus visibles, et particulièrement en ce qui concerne la migration: une fois placé-e dans une catégories il est très difficile d’en sortir. Trois intervenantes viendront explorer différentes facettes de la thématique: la philosophe Marie-Claire Caloz-Tschopp, la politologue Lorena Parini, et l’ethnologue Iulia Hasdeu. Les conférences seront suivies d’un repas, et d’une après-midi de discussions internes.
Uni-Mail, samedi 25 février. Pour le programme complet et l’inscription, veuillez vous rendre sur notre site internet: www.ccsi.ch
Assemblée générale
L’assemblée générale du Centre de Contact Suisses-Immigrés se tiendra le 29 mars 2012. D’autres informations suivront dans le prochain numéro de ce bulletin, ainsi que sur notre site internet, mais la date peut d’ores et déjà être réservée.