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CCSI-Info mai 2012

Publié le 18 mai, 2012 dans

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bulletin d’infos

mai 2012

 

Édito

 

Ainsi donc, le Conseil fédéral a décidé d’activer la clause de sauvegarde, une clause qui lui permet de déroger à la règle de la libre-circulation des personnes, découlant des accords entre la Suisse et l’Union européenne. Les ressortissant-e-s de huit pays européens (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie) ne pourront plus venir travailler en Suisse à moins d’avoir obtenu l’un des quelque 2000 permis de travail contenus dans le contingent prévu par Berne. L’annonce de cette mesure a eu pour effet immédiat de susciter des réactions plus que courroucées de la part des instances européennes. Cela en valait-il la peine ? De fait, ce ne sont que 4000 permis en moins par rapport à ces dernières années, en tout cas pas de quoi résoudre les problèmes auxquels la mesure prétend s’attaquer : chômage, dumping salarial, pénurie de logements, infrastructures surchargées, etc. On peut donc légitimement se demander pourquoi le Conseil fédéral a jugé pertinent de prend le risque de fâcher l’Union européenne, pourtant partenaire économique et politique crucial pour la Suisse, avec une mesure aussi futile. Candide, le gouvernement répond ouvertement qu’il s’agissait surtout de rassurer celles et ceux qui fustigent « l’immigration massive » et les prétendus « diktats de Bruxelles » à tout bout de champ. S’il n’était pas aussi inquiétant de voir la facilité avec laquelle ces mouvements populistes sont capables de détourner le Conseil fédéral de son cap, on pourrait presque s’amuser du manque de subtilité de la manœuvre. Malheureusement, il serait naïf de penser que ceux que l’on espérait ainsi apaiser se contenteront d’une réduction aussi minime du solde migratoire helvétique, et l’on peut d’ores et déjà craindre d’autres concessions aux injonctions haineuses et/ou farfelues de l’extrême droite, ou des simplificateurs de tous bords.

 

Cette crainte grandit encore quand la gauche se met elle aussi à vouloir donner des gages à un électorat tenté par les sirènes du repli nationaliste et identitaire. Dans un document qui promet d’aborder « sans tabou » la problématique, le parti socialiste reprend à son compte une vision qui fait de la migration un problème, dont il s’agit d’atténuer les « effets négatifs ». Pour ce faire, le parti socialiste fait 150 propositions, parfois tout à fait valables. Néanmoins, le ton général du texte – qui évacue en quelques paragraphes la dimension humaine, culturelle, et sociale du phénomène migratoire pour l’envisager presque exclusivement sous l’angle économique – sous-entend un lien de cause à effet entre l’immigration et les problèmes que rencontre la population au quotidien. En présentant les choses de cette manière, il encourage lui aussi les amalgames que le CCSI combat depuis toujours.

 

Cette stratégie s’avérera-t-elle payante ? Un coup d’œil de l’autre côté de la frontière pourrait nous en faire douter. En mauvaise posture à l’issue du premier tour, Nicolas Sarkozy est allé racoler de manière obscène sur les terres du Front National, tentant à coup de propos xénophobes et nationalistes de récupérer une part des 19% des voix bleu marine. Cela n’a pas suffi. Or s’il est possible qu’une partie de nos voisins aient été séduits par cette rhétorique musclée, d’autres ont certainement sanctionné cette approche en votant pour son adversaire, ou simplement en restant chez eux le jour du scrutin. Nos politicien-ne-s feraient bien de retenir la leçon.

Marianne Halle

 


Femme exilée, femme engagée

 

Silvia Marino-Mamani, que nous connaissons de longue date au CCSI puisqu’elle a pris part, à nos côtés, à de nombreuses luttes en faveur des droits des personnes sans statut légal, a reçu cette année le prix « Femme exilée, femme engagée ». Avec les deux autres lauréates – Patricia Marin et Fatmira Ahmetaj –, elle a choisi de faire de ce discours d’acceptation un moment politique, sortant des sentiers battus et des remerciements consensuels souvent de mise dans ces occasions. Nous publions ici des extraits de son discours, en remerciant une fois encore Silvia pour son engagement et en la félicitant pour cette récompense.

 

« Cependant, nos premiers remerciements vont à tous ces migrants qui ont partagé avec nous un peu de leur temps, un moment de leur vie. J’aimerais tout particulièrement remercier mes camarades de lutte du « Collectif de Travailleurs/euses Sans Statut Légal ». Ce sont ces instants partagés avec eux qui, jour après jour, nous ont apporté la force de poursuivre nos engagements et nous ont fourni l’engrais nécessaire à cultiver une nouvelle Suisse, une Suisse ouverte, fière de ses racines multiculturelles, une Suisse sans mur.

 

[…] Alors, ce prix, est-ce pour nous l’occasion de défendre l’image des migrants ? En profitant de cette tribune inespérée pour plaider une nouvelle fois leur cause ? Mais les arguments sont connus de vous tous !? Répéter encore et toujours que les réfugiés politiques ne sont ni des menteurs ni des délinquants, que les travailleurs sans statut légal ne sont pas plus des profiteurs ou des criminels, ou encore qu’il est urgent de reconnaître que le travail du migrant est une nécessité pour l’économie en général. Non, ces choses-là, vous les savez déjà ! Il n’est pas nécessaire de les répéte
r. […]

 

Quand nous voyons de quoi l’on accuse aujourd’hui les exilés, les migrants, et ce n’est pas la compagne présidentielle de nos voisins qui nous contredira, alors oui, évidemment, nous sommes en colère. Oui nous sommes en colère quand nous entendons dire qu’il faut rendre la Suisse moins attrayante pour freiner l’immigration. Cette proposition est une véritable injure faite à tous ceux qui ont connu la guerre, la persécution, qui savent ce que c’est que d’aller se coucher le ventre vide. Pour eux, leur présence en Suisse, malgré les stigmatisations et le climat actuel, a un tout autre sens ! Faut-il donc que la Suisse, ancienne terre d’émigration, se rappelle à nouveau que c’est parce que ses enfants avaient faim qu’ils partaient tenter leur unique chance à l’étranger ? Faut-il donc que la Suisse redevienne pauvre pour comprendre que les murs n’ont jamais été une solution, que quand on quitte une terre, une patrie, une famille, ce n’est pas parce qu’ailleurs il y a bon à manger, mais c’est parce que chez nous il n’y a pas à manger !

 

Partagées face à ce prix, « Femme exilée, femme engagée », nous l’étions encore parce que, justement, nous sommes des femmes exilées et nous sommes des femmes engagées. Recevoir un prix, entendre dire que c’est bien ce que nous faisons, être récompensées qui pour aider les Albanais à trouver leur âme, qui pour donner la parole aux migrants dans un journal télévisé et qui pour apporter un peu de lumière aux sans-papier qui se terrent dans la nuit, alors que dans le même temps à ces mêmes migrants, ces mêmes sans-papier, on leur ferme les portes du pays et celle du cœur sous prétexte qu’ils sont la cause de tous les maux ; cette contradiction ne peut pas nous échapper. Être récompensées pour notre engagement et dans le même temps voir nos engagements être bafoués, cela nous confronte profondément. Cela nous blesse. Qui ne verrait pas de l’ironie à voir sa tâche récompensée quand il s’aperçoit que pendant qu’il s’épuise à démolir un mur, un autre plus grand et plus solide se met en place ?

 

[…] notre récompense, notre véritable récompense, notre seule récompense, c’est notre propre engagement. C’est lui qui nous nourrit. Et cette nourriture-là, il n’est pas nécessaire de la protéger. Au contraire nous sommes contentes et n’avons pas peur de la partager. Lorsqu’on se bat pour les valeurs nobles, on ne construit pas de murs. C’est de cela que, nous, femmes exilées, femmes engagées, nous voulons aujourd’hui, témoigner. »

 


Revenus des rentiers AI : et les migrant-e-s?

 

Une récente étude sur le niveau des revenus des personnes au bénéfice d’une rente de l’assurance invalidité – mandatée par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) – montre que le revenu de ces dernières est souvent plus bas que celui de la population en général. C’est particulièrement le cas des rentiers-ères en situation de monoparentalité, même si les couples de rentiers avec enfants sont également plus nombreux dans la catégorie des personnes à faible revenus que les autres familles. L’étude montre également que la situation économique des personnes à faible ou très faible revenu s’améliore un peu lors de l’octroi de la rente AI.

 

Par contre, cette étude n’a pas analysé les éventuelles différences de revenu entre les rentiers en fonction de leurs origines nationales. Or dans la permanence Assurances sociales du CCSI, qui offre aide et conseils aux migrants invalides, nous constatons que les revenus des rentiers-ères AI suivis dans la permanence sont faibles. Il existe selon nous plusieurs raisons pour lesquelles les revenus des rentiers AI migrants sont potentiellement plus bas que les revenus des rentiers suisses ou résidents de longue date. Dans les situations analysées par la recherche, tous les revenus des rentiers ont été pris en compte, à savoir les rentes de l’assurance invalidité, les rentes du deuxième pilier (LPP et/ou LAA), les revenus de l’activité lucrative des rentiers partiels, ainsi que les salaires éventuels des conjoint-es et bien sûr les prestations complémentaires. Or pour les migrants rencontrés dans la permanence, les différentes composantes du revenu des invalides sont généralement d’un niveau plus bas que celles des Suisses, quand elles ne leur sont pas inaccessibles.

 

Prenons la rente de l’assurance invalidité: celle-ci sera en règle générale d’un montant inférieur à celle d’une personne suisse ou ayant commencé à travailler en Suisse à l’âge de 20 ans. En effet, plus que les bas salaires, ce sont les lacunes de cotisations qui ont une influence décisive sur le montant de la rente, car celle-ci est calculée en fonction du nombre d’années de cotisations. Par exemple, une personne devenant invalide à 45 ans devrait avoir cotisé au moins 25 ans pour obtenir une rente complète, sans quoi sa rente sera réduite en fonction des années manquantes. Les personnes migrantes arrivées en cours de vie professionnelle en Suisse ont donc souvent une rente réduite en raison du nombre d’années de cotisation manquantes. Cette rente ne permettant pas à elle seule de garantir un minimum vital, il faut généralement lui ajouter l’apport de la rente du deuxième pilier – elle aussi souvent basse ou inexistante – ainsi que bien souvent des prestations complémentaires fédérales et cantonales pour que la personne ou le groupe familial puisse vivre décemment. Toutefois, pour l’octroi des prestations complémentaires, les personnes ressortissantes d’un pays non membre de l’Union européenne doivent pouvoir attester d’une durée minimale de séjour à Genève de dix ans. De nombreux-euses migrant-e-s issu-e-s de pays tiers en sont donc exclus.

 

En raison de le double discrimination qu’elles subissent sur le marché du travail – en tant que femmes et en tant que migrantes – les femmes migrantes sont souvent cantonnées à exerce
r une activité professionnelle peu qualifiée, quelles que soient leurs qualifications antérieures. Ainsi, ces dernières ont souvent des rentes encore plus basses que les hommes, surtout si elles ont travaillé à temps partiel et consacré le reste de leur temps aux tâches ménagères et à l’éducation de leurs enfants, car leur degré d’invalidité sera calculé proportionnellement en fonction de ces deux activités. La valeur du travail domestique étant considérée comme moindre, le degré d’invalidité risque fortement d’être réduit. De plus, en cas d’activité à temps partiel, elles n’auront que peu ou pas du tout cotisé à un fonds de prévoyance professionnelle et ne pourront percevoir de rente de cette branche d’assurance.

 

Notre expérience, tirée des cas rencontrés dans le cadre de la permanence, nous permet donc d’affirmer qu’en plus d’avoir des revenus souvent plus bas que la moyenne des personnes valides, les invalides migrants ont également des revenus plus bas que les rentiers suisses. Enfin, l’accès aux prestations complémentaires leur est plus difficile, a fortiori s’ils sont ressortissants d’un pays non membre de l’Union européenne.

 

Catherine Lack

 

 

Accès à l’apprentissage

 

 

Nous vous en parlions dans le numéro du mois de mars, le Conseil fédéral a soumis à consultation la solution qu’il préconise pour mettre en œuvre la motion Barthassat, et permettre ainsi aux jeunes sans statut légal de faire un apprentissage. Pour répondre à cette consultation, le CCSI s’est associé au Collectif de soutien aux sans-papiers et à la Coordination asile de Genève, deux faîtières qui regroupent les principales associations concernées. Nous avons bien sûr décidé de soutenir la proposition du Conseil fédéral, tant il nous semble crucial d’aller de l’avant dans ce dossier et de permettre aux jeunes concerné-e-s d’effectuer une formation professionnelle. Il nous a cependant semblé important de faire des propositions sur quelques points qui pourraient s’avérer problématiques: afin de diminuer les inégalités de traitement entre les cantons, nous demandons des formulations positives dans le texte de l’ordonnance (p. ex. « une autorisation est accordée » si certains critères sont respectés, plutôt que « peut être accordée ») ; nous faisons également des propositions visant à protéger au mieux la vie familiale pendant toute la durée de la formation ; et enfin, nous souhaitons une formulation plus souple des exigences en matière de durée de la scolarité et de délai pour le dépôt de la demande. En tous les cas, nous resterons attentifs à la suite du processus, et demanderons à rencontrer les autorités cantonales pour discuter des modalités et des procédures relatives à cette nouvelle possibilité.

 

Deux rapports à lire

 

Un nouveau rapport, élaboré par les trois Observatoires helvétiques du droit d’asile et des étrangers, qui porte sur la question brûlante « Le regroupement familial et les limitations au droit à la vie familiale » vient de paraître. Cas à l’appui, le rapport illustre l’impact humain des obstacles rencontrés par les migrant-e-s et les Suisse-sse-s, lorsqu’ils souhaitent faire venir en Suisse les membres étrangers de leur famille. Les cas documentés par les Observatoires font état d’inégalités et de difficultés majeures dans l’accès au regroupement familial. Alors que certaines d’entre elles découlent directement de la loi, d’autres s’inscrivent dans une application particulièrement restrictive, voire abusive du droit existant.

 

Par ailleurs, l’ODAE-romand a également réédité le rapport sur les femmes migrantes victimes de violences conjugales. Le CCSI, par le biais du groupe de travail qu’il avait impulsé sur ce thème, a collaboré tant au premier rapport, publié en 2011, qu’à sa version actualisée. Depuis l’année dernière, les dispositifs juridiques ont en effet passablement évolué, et il était important de mettre à jour le rapport, ainsi que de présenter de nouveaux cas. Les deux rapports peuvent être consultés et téléchargés sur notre site internet (www.ccsi.ch).

 

Exposition

Le CCSI a créé, à l’occasion des 20 ans du droit à l’éducation, une exposition intitulée « Impasses et espoirs », qui re-trace le passé, le présent et l’avenir des luttes en faveur du droit à l’éducation et à la formation professionnelle des jeunes sans statut légal. Elle est actuellement présentée dans plu-sieurs établissements scolaires du canton. Le CCSI souhaite faire connaître cette exposition le plus largement possible. Ainsi, n’hé-sitez pas à nous contacter si vous connaissez un lieu public susceptible de l’accueillir (Mai-son de quartier, salle communale, centre commercial, etc.).

(aschroeder@ccsi.ch)

 


Manifestation

Le CCSI invite tout-e-s ses membres à se joindre à la manifestation nationale contre les durcissements successifs dans le domaine du droit d’asile et des étrangers. Selon le mot d’ordre « Halte à une politique migra-toire qui viole les droits humains », les organisateurs appellent au rassemblement à la Schützenmatte à Berne, le samedi 23 juin, dès 14h30. Nous vous prions de consulter le site internet du CCSI (www.ccsi.ch)