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CCSI-Info juillet 2012

Publié le 24 août, 2012 dans

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bulletin d’infos

juillet 2012

 

Édito

 

 

La peur et l’ignorance sont de très mauvaises conseillères. C’est vrai pour tous les sujets, mais leur effet néfaste est particulièrement visible dans le domaine des questions touchant à la migration. Ces derniers temps, ces éléments ont joué un rôle déterminant à deux reprises au moins. On l’a constaté par exemple dans le traitement politique et médiatique de la question des Roms. Leur présence dans la région genevoise confronte la population locale à une misère à laquelle elle est peu habituée, et provoque des réactions de rejet d’une violence inouïe. Sur cette population, pourtant réduite en nombre, on a lu et entendu des mots qui, s’ils devaient être employés au sujet de n’importe quelle autre minorité, susciteraient une condamnation unanime et scandalisée. Plus grave encore que les mots, les peurs irrationnelles et l’ignorance autour de cette population donnent naissance à des actes et à des politiques dont les conséquences ne font qu’empirer encore les conditions de vie déjà extrêmement précaires de cette population. La loi interdisant la mendicité, qui criminalise celles et ceux qui ne font que tendre la main, et les soumet à des amendes aussi coûteuses pour la collectivité qu’inutiles. Les campagnes répétées de démantèlements de camps, tout aussi inutiles, qui ne font qu’augmenter le dénuement des personnes concernées. Les velléités récentes de retirer toute subvention à Mesemrom, l’une des seules associations qui connaisse réellement cette population et tente de leur venir en aide. Ou encore l’opération policière visant un prétendu « réseau mafieux » exploitant les mendiants Roms, alors que tous ceux qui ont étudié le mode de vie de ces populations mettent fortement en doute l’existence d’un quelconque réseau, et la possibilité de générer de tels bénéfices par le biais de la mendicité…

 

On l’a vu également dans les débats parlementaires autour des révisions en cours dans le domaine de l’asile. La crainte, sans cesse alimentée par certains milieux, d’un afflux « massif » de migrant-e-s en provenance de diverses zones de conflit (alors que les chiffres actuels demeurent largement inférieurs à ceux que la Suisse avait pourtant accueillis pendant les années de guerre dans les Balkans) a poussé les Chambres à prendre des mesures drastiques pour « réduire l’attractivité » de la Suisse. L’ignorance – parfois feinte, mais souvent aussi réelle – quant à la situation dans certains pays de provenance de ces migrant-e-s a permis à des propositions qui vident le droit d’asile de son sens de passer la rampe (élimination de la désertion et du refus de servir comme motifs d’asile, par exemple). Si le CCSI n’est pas en première ligne dans le combat contre ces durcissements aux conséquences dramatiques, il le soutient néanmoins pleinement. C’est pourquoi nous avons choisi de laisser la parole à un spécialiste, Aldo Brina, dont vous trouverez dans ce numéro une analyse1 sur le sujet. Dans le climat actuel, il est de notre devoir de faire reculer l’ignorance et la peur dans la mesure de nos moyens, et d’informer nos lecteurs et lectrices de ces enjeux, afin qu’ils-elles puissent se faire leur propre opinion, en toute connaissance de cause.

Marianne Halle


Le droit d’asile pilonné par le Parlement fédéral

 

Exclure en législation urgente la désertion et le refus de servir comme motif d’asile pour ne plus reconnaître la qualité de réfugiés aujourd’hui aux Érythréens, et demain peut-être aux Syriens qui feront défaut à l’armée d’Al-Assad. Supprimer aussi la possibilité de demander l’asile à l’étranger via les ambassades suisses.

 

Encore ? Introduire un entretien préliminaire pouvant être délégué à un autre acteur que l’administration pour engager une procédure de renvoi du demandeur d’asile sans décision formelle. Mettre sur pied un examen médical dans les premiers jours pour exclure la possibilité d’invoquer tout problème de santé par la suite. Établir une liste de pays sûrs dans lesquels on peut a priori exécuter tous les renvois – aux personnes concernées d’amener la preuve du contraire.

 

Encore ? Prévoir la possibilité de ne rendre les décisions qu’en allemand – tant pis pour les défenseurs des demandeurs d’asile qui sont francophones. Amender, selon leur intention dont il faudra juger, les demandeurs d’asile pour leurs activités politiques en Suisse. Restreindre, pour les réfugiés reconnus, les possibilités de regroupement familial ainsi que leur accès à une autorisation d’établissement. Étendre l’exclusion de l’aide sociale (aide d’urgence) à tous les demandeurs d’asile. Construire plus de centres de détention administrative, et aussi des centres spécifiques pour les demandeurs d’asile qui se comportent mal. Encore ? Oui, il y en a encore, des modifications de la loi sur l’asile qui ont été acceptées par le Conseil national lors de sa session de juin. Mais pour analyser le massacre c’est la place qui manque, et le temps : le Conseil des États traitera du sujet dès le mois de septembre, et une partie des mesures seront adoptées en législation urgente.

 

Comment en est-on arrivé là ? L’augmentation des demandes d’asile liée entre autres raisons aux conséquences du Printemps arabe, le désordre et la petite délinquance causés par une minorité de demandeurs d’asile, de même que les problèmes d’hébergement créés en partie par un démantèlement calculé des structures d’accueil ont été largement relayés par les médias, alémaniques en particulier. À ces causes conjoncturelles viennent s’en ajouter d’au
tres qui résultent de mouvements de fond : les victoires xénophobes de l’UDC qui menacent les autres partis, une crise mondiale et des angoisses latentes qui cherchent à s’exprimer.

 

Dans ce contexte, de plus en plus de parlementaires se sentent le devoir de durcir la loi, quand bien même ils savent que celle-ci a déjà fait l’objet d’innombrables révisions. Il est surtout devenu difficile de faire appel à la raison, et des mensonges peuvent se propager à vitesse grand V. Christoph Blocher, par exemple, fait gober au Parlement que la Suisse est le seul pays à reconnaître le statut de réfugiés aux Érythréens, alors que les principaux pays européens font de même. Pourtant, en amendant la définition du réfugié, ce n’est plus de traque aux abus qu’il s’agit, mais bien de chasse aux « vrais » réfugiés. Le message est clair : on entend désormais s’attaquer au cœur du droit d’asile.

 

Il est plus que jamais nécessaire de démonter une par une les inexactitudes voire les mensonges qui se répandent. Il faut aussi recadrer le débat sur l’asile, c’est-à-dire sur la nécessité d’offrir une protection aux personnes qui fuient des conflits et des dictatures, plutôt que de rabâcher la petite délinquance d’une minorité qu’on voudrait nous faire croire plus dangereuse que les crimes économiques qui mettent à terre des pays entiers. Il est également important de renvoyer les acteurs politiques du centre-droit face à leurs valeurs traditionnelles qu’ils tendent à délaisser : le libéralisme des droits de l’Homme et les valeurs chrétiennes.

 

Quant à nous, rassemblons-nous et discutons sérieusement du référendum, ou d’autres actions à entreprendre pour nous opposer à cette énième révision et pour défendre notre vision du droit d’asile.

Aldo Brina,

chargé d’information au secteur réfugiés du CSP Genève

 


Accès aux soins et absence de statut :

une réalité contrastée pour des enjeux fondamentaux

 

 

Pour les adultes sans autorisation de séjour, l’accès aux soins est diversifié. Les personnes en possession d’une assurance maladie, minoritaires, reçoivent des soins dans les structures habituelles. En effet, depuis décembre 2001, l’absence de statut, même pour les adultes, n’est plus un facteur rédhibitoire pour s’affilier à une caisse-maladie. Dans la pratique, le coût des primes demeure prohibitif, même si sous certaines conditions, un subside partiel est octroyé aux adultes2. Dans ces conditions, plus de 80% de personnes sans statut légal sur le canton de Genève n’ont pas d’assurance maladie.

 

Si des structures spécifiques, tels que la CAMSCO3 à Genève, permettent à toute personne n’ayant pas – ou plus – d’assurance maladie de consulter et de recevoir des soins, il n’en demeure pas moins qu’en cas de traitements lourds ou d’une affection chronique, une affiliation devient inévitable. Lors de ces situations, souvent tragiques, bien que des fonds soient généralement trouvés pour payer les premières mensualités, qu’advient-il ensuite? De surcroît, les travailleuses/eurs sans autorisation de séjour ne sont, en général, pas couvert-e-s par une assurance perte de gain. L’équation est claire : être malade équivaut à une perte importante de revenus, voire de travail. Dans ce contexte, il leur est d’autant plus difficile de s’acquitter de primes d’assurance maladie.

 

Pour les femmes sans statut légal enceintes, il existe un suivi de qualité. La participation au coût se fait en fonction de leur rémunération et de leur situation familiale. Néanmoins, il leur est demandé, de plus en plus fréquemment, de s’affilier à une caisse-maladie. Ce alors même que la naissance d’un-e enfant – qui rime, dans bien des cas, avec risque de perte de travail et de paupérisation – rend particulièrement difficile le paiement des primes.

 

À mon sens, mettre en exergue la dimension culturelle, qui existe par ailleurs dans certaines situations, pour expliquer les obstacles à l’accès aux soins, participe à l’occultation de véritables enjeux : la question d’un accès différencié, suivant le statut socio-économique. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire d’être sans statut légal pour en faire l’expérience. L’idée perverse de suspendre les remboursements de soins, en cas de non payement des primes durant les années 2006-2011, a eu des effets délétères sur la santé des personnes les plus vulnérables, documentées et dénoncées dès fin 20064. Dans l’un des pays les plus riches du monde, 15% de la population, pour le canton de Genève5, ne consulte pas, faute de moyens financiers.

 

Le panorama est également contrasté pour les migrant-e-s extra-européen-ne-s en provenance de l’Espagne – une migration actuellement en hausse – et qui ont accès à la sécurité sociale espagnole. En cas de pépin de santé, doivent-ils y retourner, au nom du principe de subsidiarité, bien qu’ils vivent parfois en Suisse depuis des années? Grave bémol supplémentaire, avec la crise économique qui sévit, l’Espagne a procédé à des coupes importantes, notamment dans le budget de la santé, réduisant l’accès aux soins d’urgence pour le
s personnes sans statut légal. Il s’agit là d’un dramatique retour en arrière, en termes d’égalité de traitement et de santé publique.

 

Il est temps de mettre sur pied un système de santé dont les coûts seraient répartis en fonction du revenu, un système qui fonctionne réellement pour toutes et tous, quel que soit le titre de séjour – ou son absence – et l’appartenance socio-économique… et de retirer aux caisses-maladies l’exorbitant pouvoir dont elles bénéficient.

Laetitia Carreras

1Une autre version de l’article d’Aldo Brina est parue dans Pages de Gauche.

  1. 2Cf. sur ce point notamment, le rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Heim (09.3484), Assurance-maladie et accès aux soins des sans-papiers.

3La consultation ambulatoire mobile de soins communautaires, anciennement UMSCO.

4C. Marti et H. Wolff, 2006, Inégalités sociales et accès aux soins : conséquences de la révision LAMal (article 64A), Revue Médicale Suisse, no 85.

5 H. Wolff, J.-M. Gaspoz et I. Guessous, Health care renunciation for economic reasons in Switzerland, Swiss Med Wkly, 2011, 141, w13165.

 

 

Le CCSI a besoin de vous !

Nous tenons à remercier chaleureuse-ment celles et ceux qui ont déjà versé leur cotisation annuelle pour 2012. Cependant, certain-e-s d’entre vous ne l’ont pas encore fait, et nous vous serions très reconnaissants d’y remédier (60.- pour les membres individuels et 150.- pour les membres collectifs) sans attendre une lettre de rappel, en vous servant du bulletin de versement encarté dans ce numéro.

 

Par ailleurs, nous vous l’avions appris dans le numéro de janvier, le contrat de prestations du CCSI a été renouvelé fin 2011, pour quatre ans. Cependant, malgré notre demande, il n’a bénéficié d’aucune augmentation. Notre subvention reste ainsi inchangée depuis 2004, et ne nous permet pas de faire face à la constante augmentation de la charge de travail. C’est pourquoi nous faisons appel une fois encore à la générosité de nos membres.

 

Chaque don compte, qu’il soit modeste ou conséquent, et nous vous remercions d’ores et déjà vivement de votre soutien!

 

Recherche de bénévoles

En raison de l’augmentation de sa charge de travail, le Centre de Contact Suisses-Immigrés cherche :

une personne bénévole pour soutenir l’équipe de l’accueil

Conditions :

  • être disponible au minimum une demi-journée par semaine ;

  • s’engager pour une période minimum de six mois ;

  • avoir de bonnes bases en espagnol ou en portugais.

 

    Cette fonction exige par ailleurs un intérêt pour les questions liées à la migration, une adhésion aux idées défendues par le CCSI, et une aptitude à travailler au sein d’une équipe ainsi que de manière autonome.

Les personnes intéressées peuvent s’adresser au CCSI en téléphonant au 022/304 48 60, ou par courriel à l’adresse admin@ccsi.ch.