CCSI-Info novembre 2012
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bulletin d’infos
novembre 2012
Édito
Les incessants débats autour de la politique migratoire en Suisse finiront-ils enfin par donner naissance à des discussions un peu moins stérile que ce à quoi nous sommes habitués ? Possible… De fait, la crise tend à pousser les systèmes (économiques, sociaux, migratoires…) dans leurs retranchements et interroge les politiques mises en place. Actuellement, on semble être arrivé aux limites dans de nombreux domaines. Par exemple, les systèmes de sécurité sociale à l’européenne ne parviennent pas à faire face aux défis que leur pose la crise économique, et laissent sur le carreau un nombre croissant de citoyen-ne-s dans de nombreux pays. Plus près de nous, les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes ne suffisent clairement plus à limiter les effets négatifs de cette dernière sur la population. Et la faiblesse de ces mesures d’accompagnement mène à la création d’amalgames malheureux : les problèmes de logement, d’infrastructures, de transports publics bondés, et d’exiguïté du territoire helvétique tendent de plus en plus à être imputés à la libre circulation, alors que cette dernière n’en est que très marginalement responsable. Mais le succès de l’initiative d’Ecopop (visant à réduire la croissance de la population à 0.2% par an… en réduisant essentiellement la migration, puisque la population suisse ne serait sans cela pas en croissance), tant sur le plan des signatures récoltées que sur celui des discussions « sérieuses » qu’elle suscite, montre bien que nous sommes en train de parvenir à une limite.
Dans le domaine de la politique migratoire également, les organisations de défense des migrant-e-s dénoncent depuis de nombreuses années les limites du système « à deux cercles ». Elles constatent en effet que cette politique – basée sur une grande ouverture aux citoyen-ne-s de l’Union européenne (UE), grâce à la libre circulation, et une fermeture presque totale aux citoyen-ne-s du reste du monde – ne correspond ni aux besoins de l’économie suisse, ni à la réalité des flux migratoires au niveau mondial. Et les conséquences de cette politique sont de plus en plus visibles par tout un chacun : ne pouvant immigrer en Suisse de manière légale pour y travailler, les migrant-e-s extra-européen-ne-s viennent soit grossir les rangs des personnes sans statut légal, coincées dans une zone de non-droit, sans possibilité de régulariser leur statut, soit surcharger les structures dédiées aux requérant-e-s d’asile. Pour sortir de cette impasse, la Conseillère nationale socialiste Cesla Amarelle1 a fait récemment des propositions qui méritent d’être examinées : en suggérant d’ouvrir, du moins partiellement, le marché du travail suisse à des personnes peu qualifiées en provenance de pays non-européens, elles remettent en question de manière fondamentale ce système inique. Si le matraquage dont font l’objet les droits d’asile et des étrangers depuis des années pouvait donner lieu à d’autres propositions constructives et novatrices de ce type, alors tout n’aura pas été perdu.
Marianne Halle
Asile, le référendum est lancé
C’est après de longues discussions et de nombreuses hésitations que le référendum contre les mesures urgentes dans le domaine du droit d’asile a finalement été lancé le 10 octobre dernier. Sur le fond, les organisations actives sur le front de la défense du droit d’asile sont unanimes : les mesures urgentes adoptées par le parlement constituent une attaque inacceptable contre le droit d’asile, et auront des conséquences dramatiques sur les personnes concernées (voir notamment le CCSI-info de juillet 2012). Les débats autour de l’opportunité de lancer ou non le référendum étaient donc centrés sur des questions de stratégie politique : sachant les faibles chances d’un tel référendum devant le peuple, fallait-il tout de même le lancer, par principe ? Dans leur majorité, les organisations actives dans le domaine ont répondu positivement à cette interrogation, tout en étant conscientes des limites de la voie référendaire et en souhaitant également combattre les incessants durcissements du droit d’asile par d’autres biais. Plusieurs d’entre elles se sont d’ailleurs déjà réunies pour discuter du lancement d’une initiative populaire dans le domaine de la migration, afin de ne pas se trouver sans cesse dans la réaction face aux attaques lancées par leurs adversaires.
Par ailleurs, Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, deux organisations qui n’ont quant à elles pas soutenu le référendum, viennent de présenter leurs « neuf propositions pour une procédure d’asile équitable et crédible »2. Souhaitant briser le cercle vicieux des révisions successives et des référendums lancés pour les contrer, ces deux organisations visent un véritable changement de paradigme dans la politique d’asile. Elles entendent dès lors promouvoir non seulement des procédures d’asile rapides et transparentes, offrant de fortes garanties de protection juridiques aux requérant-e-s, mais également une meilleure intégration des requérant-e-s, des conditions de logement dignes, et un soutien plus conséquent pour les personnes qui doivent quitter la Suisse.
Mais pour l’heure, l’actualité concerne bel et bien le référendum. Pour rappel, les principales mesures concernent l’élimination de la désertion comme motif d’asile, la fin de la possibilité de déposer une demande d’asile auprès d’une ambassade, ou encore la création de centres de rétention fermés pour les requérants dits « récalcitrants ». Ces mesures, adoptées en urgence par les chambres, sont entrées en vigueur dès la fin de la session parlementaire, fin septembre. En les combattant aujourd’hui, les organisations concernées espèrent également donner un signal aux parlemen
taires qui s’attaqueront, dès la prochaine session, à la suite des réformes dans le domaine du droit d’asile (avec notamment le retour de la question épineuse de l’aide d’urgence).
Le CCSI, sans être en première ligne de ces combats, soutient le référendum contre les mesures urgentes et invite tou-te-s ses membres à le signer. C’est pourquoi nous avons choisi de l’encarter dans ce numéro. Nous vous rendons toutefois attentifs-ves aux règles suivantes, afin d’éviter que des feuilles ne soient invalidées : seules les personnes ayant le droit de vote en Suisse peuvent signer, en écrivant lisiblement et en n’utilisant qu’une seule feuille par commune électorale. Les feuilles de signatures, même partiellement remplies, doivent être renvoyées le plus rapidement possible à l’adresse figurant au bas de la feuille, les délais référendaires étant très courts. Enfin, les personnes qui le souhaitent peuvent se joindre à l’effort unitaire de récolte en contactant la Coordination contre l’exclusion et la xénophobie ou en se rendant sur son site internet (www.stopexclusion.ch), où se trouvent tous les renseignements nécessaires, ainsi que des argumentaires.
Permis de (très) courte durée !
La bureaucratie peut parfois donner lieu à des situations absurdes. En novembre 2011, Madame X, une consultante du CCSI au bénéfice d’un permis B annuel arrivant à échéance prochainement, dépose dans les délais prescrits une demande de renouvellement de celui-ci auprès de l’Office cantonal de la population (OCP). En avril 2012, n’ayant reçu aucune réponse à sa demande, et désormais sans permis valable, elle se présente à l’OCP pour obtenir une attestation de domicile. À sa grande surprise, on informe alors Madame X qu’il n’existe aucune trace de sa demande à l’OCP. Elle réunit alors une nouvelle fois les pièces nécessaires et dépose le tout le 26 avril 2012.
Après avoir dû vivre près de huit mois sans autorisation de séjour valable, ce n’est que le 31 octobre que son permis renouvelé parvient enfin à sa mandataire. Malheureusement, la validité de cette autorisation ne court que jusqu’au… 21 février 2013 ! Ainsi, Madame X a reçu un permis qui n’était plus valable qu’environ quatre mois, et ce sans aucune faute de sa part, puisqu’elle a déposé sa demande dans les temps. Plus étonnant encore, au moment où son permis renouvelé parvenait au CCSI, Madame X recevait l’avis d’échéance de ce dernier, comprenant l’annonce qu’elle pouvait d’ores et déjà lancer la procédure de renouvellement, ainsi que la facture d’une centaine de francs relative à cette dernière. Le CCSI est intervenu auprès de l’OCP pour demander une prolongation de la validité du permis de Madame X. A l’heure de publier ce numéro, nous restons dans l’attente d’une réponse à cette requête. Cela étant, cette affaire semble démontrer qu’à l’OCP, on admet des retards sur certaines choses, alors que d’autres continuent d’arriver pile à l’heure…
Femmes migrantes victimes de violences
La loi va-t-elle enfin protéger les femmes migrantes victimes de violences conjugales ? On peut désormais l’espérer. Le parlement a en effet adopté une loi visant à lutter contre les mariages forcés. Quel rapport avec les femmes victimes de violences conjugales ? C’est que la définition de ce qui constitue un mariage forcé ne se limite pas aux circonstances dans lesquelles cette union s’est formée, mais comprend également les mariages dans lesquels une personne se voit contrainte de rester pour diverses raisons. Depuis des années, le groupe de travail « femmes migrantes et violences conjugales », créé sur impulsion du CCSI, dénonce la situation des femmes migrantes qui ne peuvent quitter un mari violent par crainte de perdre leur autorisation de séjour. Plusieurs comités onusiens avaient d’ailleurs soutenu les revendications du groupe ces dernières années. La jurisprudence, elle, avait d’ailleurs déjà évolué dans la bonne direction direction, mais le changement de loi se faisait attendre.
La loi sur les mariages forcés adoptée récemment prévoit une modification de l’art. 50 de la Loi sur les étrangers (LEtr) : les conditions donnant droit au renouvellement de l’autorisation de séjour en cas de dissolution du mariage avant trois ans de vie commune ne sont désormais plus cumulatives. Le fait d’avoir été forcé-e à conclure une union, ou de se trouver dans une situation dans laquelle la réintégration dans le pays d’origine est difficile, mais aussi les violences conjugales subies, sont autant d’éléments qui suffiront à eux seuls à garantir le renouvellement du permis, même lorsque le mariage aura duré moins de trois ans. De ce fait, l’une des revendications centrales du groupe de travail se trouve satisfaite. Le changement devrait entrer en vigueur l’année prochaine, et le groupe sera désormais attentif à sa mise en œuvre concrète.
Lorsque l’inhumain devient la règle
L’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE-romand) vient de publier son cinquième rapport annuel d’observation3. Comme chaque année, les constats qui y figurent sont étayés par de nombreux exemples de cas, tous parfaitement documentés. Le rapport met notamment l’accent sur les situations des adolescent-e-s sans statut légal qui, malgré de nombreuses années passées en Suisse, reçoivent des décisions négatives et sont menacé-e-s de renvoi vers des pays qu’ils-elles ne connaissent plus ; sur les conséquences de la très grande précarité dans laquelle vivent les requérant-e-s d’asile soumis-e-s au régime draconien de l’aide d’urgence ; sur le danger parfois mortel auquel sont exposées les personnes malades renvoyées – contre l’avis des médecins – dans un pays dans lesquels les soins essentiels font défaut ; ou encore sur les durcissements constatés dans le domaine du regroupement familial. De cette lecture, à laquelle nous vous encourageons vivement, il ressort une impression de malaise. Un malaise croissant face à une politique migratoire formatée pour donner des gages aux partis populistes,
et dont les conséquences sur le plan humain sont trop souvent ignorées non seulement du grand public, mais également des législateurs-trices eux-elles-mêmes.
Discriminations : les recommandations de la CFR
L’Université de Bâle a mené une étude pour évaluer les discriminations que subissent les migrant-e-s hautement qualifié-e-s sur le marché de l’emploi en Suisse. Il en ressort plusieurs conclusions intéressantes. D’abord, l’étude confirme que si les étrangers-ères peu qualifié-e-s sont surreprésenté-e-s en bas de l’échelle professionnelle, les étrangers-ères issues de l’UE/AELE et ayant une formation élevée sont également surreprésenté-e-s en haut de l’échelle professionnelle. Par contre, cette surreprésentation n’empêche pas un certain nombre de discriminations. Les parcours hors normes sont par exemple mal reconnus, et certaines nationalités (surtout pour les personnes de couleur) subissent plus que d’autres des discriminations à l’embauche et sur le plan salarial. La Commission fédérale contre le racisme (CFR) a tiré de cette étude un certain nombre de recommandations4 à l’égard des employeurs-euses, mais aussi des services étatiques : renforcer les protections légales contre les discriminations, améliorer les programmes de reconnaissance des diplômes, ou encore proposer des processus de recrutement anonymes sont autant de pistes à explorer selon la CFR.
Bénévolat
Le CCSI est à la recherche d’une personne bénévole pour appuyer l’association dans le domaine de la comptabilité.
Si vous avez un peu de temps à disposition, la possibilité de venir au CCSI quelques heures par mois, et que vous avez une expérience dans le secrétariat (ou du moins, que vous n’avez pas peur des chiffres!) n’hésitez pas à prendre contact avec nous par téléphone (022/ 304 48 60) ou par courriel à l’adresse suivante: (admin@ccsi.ch).
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1Voir notamment Le Matin, 9 novembre 2012.
2Vous pouvez consulter ce document sous www.amnesty.ch ou www.osar.ch
3Le rapport peut être téléchargé sur le site de l’ODAE (www.odae-romand.ch)
4Les recommandations de la CFR, ainsi qu’une synthèse de l’étude, peuvent être trouvées sur le site de la Commission à l’adresse http://www.ekr.admin.ch/aktuell/index.html?lang=fr