CCSI-Info mars 2013
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bulletin d’infos
mars 2013
Édito
Le contraste était saisissant. Le mercredi 13 mars dernier, à quelques mètres les unes des autres, deux visions diamétralement opposées de la société, deux manières d’envisager l’immigration et sa place parmi nous se sont exprimées. Le jour même où, sur la place Fédérale, une large coalition d’organisations lançait sa campagne visant à améliorer le sort des travailleuses domestiques – souvent migrantes et sans statut légal – dans notre pays (voir plus bas), le Conseil national décidait de durcir fortement les conditions d’accès à la nationalité helvétique (voir plus bas). Aux côtés des premiers, le CCSI se bat pour que toutes les personnes qui contribuent à notre société soient reconnues à leur juste valeur, et aient accès aux même droits, d’où qu’elles viennent.
Quant aux seconds, ils défendent un tout autre point de vue. Bien sûr, en tant que défenseurs des personnes migrantes en Suisse, nous avons l’habitude d’être minorisés, et de ramer à contre-courant. Mais nous nous étions rarement sentis aussi éloignés des positions défendues par certains que lors des récents débats autour des naturalisations. De fait, les sentiments de méfiance généralisée, voire de mépris, envers les personnes migrantes qui semblent avoir guidé les parlementaires dans ce débat législatif sont à l’opposé de la philosophie qui guide l’action du CCSI depuis près de 40 ans.
À entendre certaines déclarations de député-e-s, on mesure le fossé qui nous sépare : alors même qu’ils-elles prétendent vouloir faire de la naturalisation le couronnement du processus d’intégration, ils semblent n’avoir qu’une obsession – celle d’en limiter l’accès le plus possible, à la fois quantitativement et qualitativement. En rehaussant une fois encore les barrières sur le chemin menant au passeport rouge à croix blanche (alors que la Suisse figure déjà parmi les pays les plus stricts en la matière), on cherche non seulement à limiter le nombre de personnes susceptibles de l’obtenir, mais également à opérer un choix drastique parmi les candidat-e-s potentiel-le-s. Ne sont désormais plus admissibles que les personnes exemplaires sous tous rapports, au niveau de formation élevé, n’ayant jamais commis le moindre écart, ni connu le moindre accident de parcours. Dans leur optique, celles et ceux qui ne se conformeraient pas à ce modèle constituent une menace pour la Suisse et pour sa population – un corps que l’on voudrait homogène, pur, et dénué de toute tare.
Cela étant, cette Suisse-là n’existe que dans les fantasmes de certains, et ne correspond pas à une quelconque réalité. À notre sens, les forces qui s’appuient sur cette illusion pour traduire dans nos lois (le projet de loi sur l’intégration suit en partie la même logique, voir page 4) leur vision rétrograde de la société et de l’immigration en particulier courent donc forcément à l’échec. Mais dans l’intervalle, elles causent un tort considérable à la cohésion sociale dans ce pays, et mettent en péril la capacité à vivre ensemble des générations à venir.
Marianne Halle
Naturalisations : durcissements en vue
Lors de sa session de printemps, le Conseil national s’est penché sur la révision totale de la Loi sur la nationalité (LNat). Quelques semaines auparavant, la Commission des institutions politiques (CIP) avait examiné le projet, et proposé plusieurs durcissements par rapport au projet du Conseil fédéral – un projet lui-même déjà plus restrictif que la loi actuelle. Ainsi, l’un des principaux changements concerne l’obligation faite aux candidat-e-s à la naturalisation d’être titulaires d’une autorisation d’établissement (permis C). Cette modification pénalise gravement plusieurs catégories de personnes, dont les personnes admises à titre provisoire (permis F), et les membres de famille des titulaires de cartes de légitimation (fonctionnaires internationaux). Pour ces personnes, les délais pour pouvoir déposer une demande de naturalisation s’allongent au point de devenir presque absurdes.
Par ailleurs, le Conseil national a choisi de suivre la CIP, notamment en acceptant que les années entre l’âge de dix et vingt ans ne comptent plus double (comme c’est le cas actuellement) dans le calcul des années de séjour nécessaires à l’obtention de la nationalité helvétique. Comme l’a souligné la Commission fédérale pour les questions de migrations (CFM, voir le communiqué de presse du 11 mars 2013), il s’agit là d’un signal extrêmement négatif à l’égard des jeunes étrangers-ères qui ont grandi en Suisse, et qui perdent ainsi l’un des seuls avantages que leur apportait le fait d’y avoir passé les années les plus importantes de leur existence. Enfin, le Conseil national a adopté un article précisant que les candidat-e-s à la naturalisation devront être aptes à « bien communiquer dans une langue nationale, à l’oral et à l’écrit » (nous soulignons). Cette mesure est discriminatoire envers les personnes bénéficiant d’un niveau de formation moins élevé, ou qui n’ont pas eu accès à une scolarité de base suffisante, par exemple parce qu’elles viennent de pays en guerre.
Le processus parlementaire n’est toutefois pas terminé. Reste donc à espérer que le Conseil des États, entre les mains duquel se trouve désormais la révision de la Lnat, fera preuve de plus de sagesse.
Aucune employée de maison n’est illégale!
La campagne nationale “Aucune employée de maison n’est illégale” a été lancée le 13 mars 2013. En Suisse, plus de 40’000 employées de maison sans autorisation de séjour, dont 90% sont des femmes, précarisées, sans sécurité sociale, travaillent dans le secteur de l’économie domestique (ménage, prise en charge d’enfants et de personnes âgées et/ou dépendantes dans les foyers privés). Leurs conditions de vie et de travail sont particulièrement précaires. Une réelle reconnaissance de la valeur et de l’utilité de ce travail, indispensable au fonctionnement de la société, est essentielle. L’attitude de la société, qui accepte et profite d’avoir recours à une main-d’œuvre sans statut légal pour effectuer ces tâches ménagères et de soins, tout en refusant d’accorder à ces travailleuses une autorisation de séjour, relève de la plus grande hypocrisie.
La campagne “Aucune employée de maison n’est illégale” revendique une amélioration des conditions de vie et de travail des employées de maison, notamment en demandant des autorisations de séjour, en particulier pour les personnes travaillant dans le secteur de l’économie domestique, de même qu’un accès garanti et sans risque de dénonciation à la protection sociale et au Tribunal des prud’hommes.
Différentes rencontres et moments d’échange sont prévus dès ce printemps à Genève. Le 23 mars prochain, par exemple – de 12h00 à 13h00 sur la plaine de Plainpalais – les organisatrices et les organisateurs des Cercles de silence se joignent au réseau genevois qui soutient la campagne nationale “Aucune employée de maison n’est illégale”. Ce sera l’occasion de revendiquer en silence davantage de droits pour les personnes sans statut légal travaillant dans le secteur de l’économie domestique. Des témoignages et un moment d’échange sont prévus, dès 10 heures, dans les locaux du CUP, 1 avenue du Mail. Réservez-déjà cette date!
Le CCSI est impliqué dans cette campagne depuis les premiers stades des son élaboration et la soutient pleinement. Nous vous tiendrons donc informé-e-s des développements et événements à venir. Dans un premier temps, nous avons choisi d’encarter dans ce bulletin la pétition, ainsi que le tract de la campagne (qui contient un bulletin de versement) afin de vous permettre vous aussi d’y participer, en lui apportant vos signatures et vos dons. Pour de plus amples informations, nous vous invitons à consulter le site internet de la campagne (www.aemni.ch et www.khii.ch) ainsi que celui du CCSI (www.ccsi.ch).
Loi sur l’intégration : peu d’améliorations
Au début du mois de mars, le Conseil fédéral a publié la version définitive de son projet de loi sur l’intégration, ainsi que le message qui l’accompagne (pour voir les documents, cliquez ici). Cette nouvelle mouture fait suite au processus usuel de consultation, auquel le CCSI avait participé l’an dernier par le biais d’une prise de position (voir le CCSI-Info de mars 2012) dans le cadre de la Coordination contre l’exclusion et la xénophobie – Stopexclusion. Depuis, le Conseil fédéral a modifié son projet sur un certain nombre de points. Signalons d’emblée que si la possibilité demeure pour les cantons qui le souhaitent, l’obligation faite aux cantons de conclure des conventions d’intégration avec certaines personnes présentant un “déficit d’intégration” est abandonnée. Le CCSI qui, à l’instar de l’ensemble des cantons romands, avait fortement critiqué cette mesure, ne peut que s’en réjouir. Autre point positif, les personnes qui remplissent les critères fixés par la loi (dont l’intégration est l’un des éléments) auront désormais un droit au permis C après dix ans, alors qu’il s’agit aujourd’hui d’une possibilité, laissée à l’appréciation des autorités.
Ces quelques améliorations sont évidemment les bienvenues. Cependant, force est de constater que la philosophie générale du projet (que l’on pourrait qualifier de coercitive), ses axes principaux (encourager, mais surtout exiger), et sa volonté de durcir une fois encore les lois en vigueur concernant les étrangers, demeurent. De fait, presque tous les octrois et prolongations d’autorisations de séjour ou d’établissement seront soumis à un examen de l’intégration des candidat-e-s, selon quatre critères principaux : respect de la sécurité et de l’ordre publics ; respect des valeurs de la Constitution ; compétences linguistiques ; et volonté de participer à la vie économique ou d’acquérir une formation. Le fait d’avoir commis des délits ou d’être dépendant de l’aide sociale constituant aujourd’hui déjà des motifs de non-renouvellement de permis, le véritable changement réside surtout dans l’ajout du critère de la langue.
L’une de nos principales inquiétudes concerne le regroupement familial. En effet, le projet prévoit de soumettre l’octroi du regroupement familial à des conditions linguistiques : les conjoint-e-s et enfants majeurs des titulaires d’autorisations de séjour devront être aptes à communiquer dans la langue du lieu de domicile, ou s’être inscrit-e-s à une mesure d’encouragement linguistique. Toutefois, l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) ne permettant pas à la Suisse d’introduire des restrictions au regroupement familial des citoyen-ne-s de l’Union européenne, ces derniers-ères ne sont pas touchés par ces durcissements. Et comme le Conseil fédéral n’a pas souhaité (dans ce cas de figure) pénaliser les citoyen-ne-s suisses par rapport aux européen-ne-s, ce sont principalement les personnes originaires des pays tiers qui auront – une fois de plus – à subir ce nouveau tour de vis. (Les autorités helvétiques s’accommodent pourtant sans mal de cette discrimination “à rebours” dans d’autres cas, comme nous l’avions relaté dans le CCSI-info du mois de janvier 2013.)
Un autre point soulève de vives préoccupations : selon le projet de loi, afin de permettre aux autorités concernées de constater que “le processus d’intégration évolue défavorablement” pour telle ou telle personne, il est prévu d’étendre à de nouvelles sphères l’obligation de communiquer certains éléments. Concrètement, cela signifie par exemple que le Conseil fédéral pourra exiger que des infractions routières commises par des étrangers-ères, ou encore un renvoi de l’école (!) – signes clairs, selon eux, d’une mauvaise intégration – soient signalés aux autorités migratoires…
Le projet de loi doit encore être examiné par le parlement, qui pourra y apporter d’autres modifications. Cependant, comme l’a montré l’épisode de la Loi sur la naturalisation, il semble peu probable que le projet de loi ne ressorte amélioré de ce processus.
Semaine contre le racisme
Du 18 au 23 mars a lieu la semaine contre le racisme. Dans ce cadre, le CCSI s’associe à la Maison de quartier de la Jonction pour donner au public l’occasion de (re)découvrir l’exposition « 20 ans du droit à l’éducation pour les enfants sans-papiers – Impasses et espoirs ». Lors du vernissage, qui aura lieu le mardi 19 mars à 19h, le CCSI fera une brève présentation en lien avec l’histoire du droit à l’éducation.
Par ailleurs, notez également que le Collectif de soutien aux sans-papiers y animera une soirée consacrée à l’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans-papiers, le vendredi 22 mars dès 20h30. N’hésitez pas à consulter le programme de la semaine sur le site de la Maison de quartier.
À Genève, de nombreux autres événements sont organisés dans le cadre de cette semaine d’actions et de réflexions autour de la lutte contre le racisme : expositions, concerts, conférences, projections de films, lectures, etc. Pour voir le programme complet de la semaine, cliquez ici!
Assemblée générale du CCSI
Le CCSI invite chaleureusement toutes et tous ses membres à prendre part à son Assemblée générale, le 21 mars 2013 dès 18h30, dans nos locaux au 25, route des Acacias (3e étage).
La partie statutaire de l’Assemblée générale se déroulera de 18h30 à 20h00. Après une petite verrée, nous entendrons dès 20h30 une présentation du projet d’initiative fédérale pour une meilleure protection contre la discrimination, donnée par Graziella de Coulon et Pauline Milani (Solidarités sans Frontières).
Nous nous réjouissons de vous y retrouver!