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CCSI-Info juillet 2013

Publié le 19 juillet, 2013 dans

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bulletin d’infos

juillet 2013

Édito

 

RTS-La Première, Journal du Matin, 26 juin 2013, propos d’Helmut Schmidt (ancien chancelier allemand, actuel co-directeur de l’hebdomadaire Die Zeit) : En ce qui concerne l’Italie ou la Grèce, il n’y a pas de problème (…) Le problème est dû à l’immigration issue de cultures étrangères, par exemple de cultures marquées par l’islam (…) Les cultures de la partie orientale de la Méditerranée sont beaucoup plus éloignées, par exemple la culture syrienne, égyptienne. La libre-circulation au sein de l’Europe n’est pas dangereuse ; ce qui est dangereux, c’est le mélange avec des cultures étrangères et avec des traditions de civilisations étrangères.

Comment peut-on aborder les défis du vivre ensemble à travers des prismes aussi sommaires (nationalité, appartenance à telle ou telle religion – en général, le genre ou la couleur de peau ne sont pas loin) ? Notre société mondialisée a beau être abreuvée d’informations, les perceptions ne suivent pas : nos têtes sont pleines d’images toutes faites qui nous imprègnent en profondeur.

Un souvenir à ce sujet. Automne 2002, dernier jour d’un splendide séjour en Turquie, aéroport d’Istanbul. Je m’étais rendue à la porte d’embarquement indiquée et j’avais pris place dans l’espace d’attente. Malheureusement, aucun panneau n’affichait la destination. Et s’il y avait eu un changement de dernière minute ? L’avion de l’autre côté de la baie vitrée allait-il bien à Genève ? Je regardai les autres gens dans la file : ils avaient tous l’air turc. Chevelure noire, regards foncés, peau mate (c’est connu, il ne doit pas exister de Turcs aux cheveux et yeux clairs). À deux doigts de l’heure du départ, j’ai paniqué. Je m’attendais à être entourée de touristes, j’avais dû me tromper, j’étais certainement sur le point d’embarquer pour un vol intérieur et j’allais me retrouver à Izmir ou Antalya. En entrant dans l’appareil, j’ai interrogé un steward. Geneva ? Yes, Madam. Durant le voyage, j’ai scruté passagères et passagers. Il y avait donc tant de ressortissant-e-s de Turquie à se rendre en Suisse ? Un congrès, peut-être ? Au bout de deux heures, l’Airbus s’est posé à Cointrin, une nouvelle file s’est formée devant les douanes. J’ai regardé à nouveau mes compagnons de vol. Sur sol helvétique, si je n’avais su leur provenance, je les aurais pris pour des Espagnols, Italiennes, Latino-américaines, Indiens. Je ne m’étais jamais rendu compte qu’il y avait autant d’hommes et des femmes turques à Genève parce qu’ils se fondaient dans le paysage suisse. Contrairement, de toute évidence, à ma représentation inconsciente. Flagrant délit d’imbécillité.

Personne n’est à l’abri de la bêtise ou des stéréotypes, mais une parole publique appelle le sens des responsabilités. Qualifier de danger le mélange avec des cultures étrangères rappelle le pire conflit que l’Europe ait traversé (et propagé dans le monde entier) au siècle dernier.

Vous dire alors Helmut que vos propos me choquent non seulement politiquement, mais existentiellement. Et que ce sont les résistant-e-s immobiles sur la place Taksim d’Istanbul qui me redonnent confiance dans le genre humain.

Marie Houriet

(Responsable du CCSI-Info durant le congé maternité de Marianne Halle)

Questions de convictions

Dans le sillage du numéro de mai, le CCSI-Info vous propose de poursuivre sa réflexion autour de l’engagement. Après les permanentes du Centre de Contact, voici le tour de Lucine Miserez, assistante sociale au secteur réfugiés du Centre Social Protestant. Portrait.

Racines précoces

Née en 1966, Lucine Miserez tombe toute petite dans la marmite de l’engagement. Avec des parents membres du Mouvement Populaire des Familles et de l’Action Catholique Ouvrière, actualité et politique ont une place de choix dans la famille. D’autant plus que le monde extérieur leur fait écho : une copine fille d’un ex-saisonnier qui n’a aucun droit, voilà de quoi interroger… et motiver pour défendre l’initiative Être solidaire (initiative lancée pour améliorer la situation des immigré-e-s, notamment via l’abolition du statut de saisonnier). Le revers de 1981 (83.8% de non) signe la première « claque ». Heureusement, sur d’autres fronts, des résultats plus encourageants ont été engrangés. Quelques années plus tôt, dans le cadre de l’Action Catholique des Enfants (ACE), a été menée une campagne en faveur de l’égalité filles/garçons à l’école. Motif ? À la fin des années septante, les filles de l’école genevoise suivaient des cours de couture, tandis que les garçons avaient droit aux travaux manuels, plus variés. Les enfants interpellent des député-e-s, une motion est déposée et passe victorieusement la rampe du Grand Conseil. Au-delà de la fierté et d’une interview dans Le Courrier, l’expérience est fondatrice : en situation d’injustice, on peut faire quelque chose. Leit motiv bientôt décliné sur d’autres grands thèmes qui traversent les années quatre-vingts, comme le service civil. L’engagement se fait d’autant plus facilement qu’il est « fun », à l’instar des virées nocturnes d’affichage sauvage. La peur n’est pas de mise.

À ce socle s’est très vite superposée une dimension internationale. Dans le cadre scolaire toujours, des élèves réclament une meilleure prise en compte des relations Nord-Sud, notamment par le biais d’une pétition réclamant d’inclure dans les cours de français les auteur-e-s du Tiers-Monde. En 1978 déjà, Lucine Miserez participait avec l’ACE à un rassemblement dans une Espagne qui venait à peine de tourner la page du franquisme. Huit ans plus tard, elle est déléguée par la Jeunesse Étudiante Chrétienne à une rencontre internationale de l’association. Un moment charnière grâce à la rencontre des représentant-e-s d’Afrique du Sud, où la lutte anti-apartheid bat son plein. La cause est ramenée dans ses bagages

Travail et sphère privée, terrains d’engagement complémentaires

Dans ce paysage militant, la formation d’assistante sociale à l’IES ne détone pas. Mais pas question de n’être qu’une courroie de distribution d’aide financière : c’est à la Maison de Quartier des Acacias, lieu propice aux projets d’ordre communautaire, que s’écrit le premier chapitre professionnel. Suivront Solidarités-Femmes puis le Centre Social Protestant. Aide personnalisée et dimension collective sont indissociables : parallèlement à l’accompagnement et à la défense individuelle de demandeurs d’asile, Lucine Miserez préside la coordination asile.ge. Dédié à l’asile, le secteur réfugiés s’occupe d’un domaine très exposé, politiquement parlant. Comment tenir dans ce contexte (lors de la votation du 9 juin dernier, quatre Suisses sur cinq ont accepté les durcissements combattus par référendum) ? « Durant la campagne, des jeunes ont mis sur pied des flash mob, des opérations de tractage, avec un accent particulier sur l’aspect visuel. Voir émerger cette relève est ressourçant. Au quotidien, il y a la carapace liée à la fonction : ce n’est pas moi personnellement qui prends les coups, c’est la professionnelle. Mais le carburant, ce sont les consultant-e-s. Avec les gens, on a vite de petites victoires. C’est le défi de l’artisan, chercher des solutions. Même si on n’obtient presque rien, le fait d’essayer représente déjà beaucoup et les personnes, globalement, sont très reconnaissantes. Je crois qu’elles apprécient d’être considérées comme des personnes à part entière. En ce sens, mon rôle est valorisant – je suis celle qui peut faire quelque chose pour les autres. Et même dans les situations inextricables, on réussit à rire, les consultant-e-s et moi. Enfin, l’équipe professionnelle est très importante ».

Côté jardin, l’arrivée de trois enfants a réorienté durant quelques années l’engagement associatif autour de la famille, non sans une certaine nostalgie de « l’ailleurs ». C’est aussi le temps de l’implication dans le village où la famille a élu domicile, au pied du Salève. Pas toujours facile : « Souvent, seuls quelques habitants ont le souci de l’intérêt général, la plupart tendent à défendre tel ou tel intérêt particulier. J’ai préféré me retrouver sur des projets concrets. Après tout, l’organisation d’une fête de quartier est aussi basée sur des valeurs. Si on se donne la peine d’y réfléchir et de l’organiser, le covoiturage est très utile quand il n’y a pas de transports publics, par exemple ».  L’occasion de côtoyer des personnes de tous bords politiques. « Lorsque des gens ont des opinions très différentes des miennes, je ne cherche pas la confrontation si ce sont des personnes que j’aime bien. Je privilégie le lien, mais sans cacher ce que je fais. En ce sens, pouvoir vivre mon engagement dans mon cadre professionnel me permet de préserver d’autres espaces sociaux, y compris des branches de la famille dont les idées sont éloignées des nôtres ». Quid de la transmission des valeurs aux enfants, maintenant adolescent-e-s ? « J’aurais souhaité leur proposer un lieu d’engagement collectif comme ceux que j’ai connus, mais ils n’existent plus à Genève. Je me dis que s’ils ont la capacité de réfléchir et de se positionner dans leur vie, c’est peut-être un bon début ».

À propos de positionnement, y a-t-il eu des changements majeurs ? « Sur le fond, je ne crois pas. Mais je peux modifier mon avis sur des questions de stratégie. »

Femmes migrantes et violences conjugales

Le 1er juillet 2013 aurait dû être à marquer d’une pierre blanche, puisqu’il coïncide avec l’entrée en vigueur d’un changement législatif important pour les femmes migrantes victimes de violences conjugales.

Pour rappel, en cas de séparation avant trois ans de mariage, ces dernières risquent la perte de leur permis de séjour. Le Centre de Contact a été particulièrement actif face à cette situation, réunissant les partenaires du réseau, interpellant personnalités et élu-e-s, plaidant la cause auprès de différentes instances des Nations Unies. C’est finalement par un biais inattendu que la situation s’est débloquée. Dans le cadre de la lutte contre les mariages forcés, le parlement a en effet assimilé à cette problématique le cas des migrantes contraintes de ne pas divorcer par peur de perdre leur statut légal. Les exigences en vue d’obtenir un permis pour cas de rigueur selon l’art. 50 de la LEtr ont ainsi été assouplies. En principe, être reconnue comme victime de violence conjugale peut dorénavant suffire.

Cependant, l’application de la loi prend une tournure inquiétante. La circulaire ODM du 12 avril 2013 rappelle ainsi que selon la jurisprudence du Tribunal Fédéral, la violence conjugale (…) doit être intense au point que l’intégrité de la victime soit gravement compromise en cas de maintien de la communauté conjugale. D’après les partenaires et organisations actives dans le domaine, les allégations de la victime (même confirmées par la LAVI, une maison d’accueil ou des proches) sont jugées insuffisantes. Il arrive même que des rapports médicaux ne suffisent pas à prouver l’intensité de la violence subie.

L’ODM n’est jamais à court d’idées pour délivrer des permis au compte-gouttes. Le CCSI a bien l’intention de faire preuve de la même obstination pour renverser la vapeur.

Nouvelle présidence au CCSI

La rentrée sera synonyme de changement au Centre de Contact ! Après avoir assumé la présidence de l’association durant quatre ans et demi, Anne-Marie Barone a en effet souhaité passer le relais. Le Comité la remercie d’ores et déjà chaleureusement pour cet engagement précieux, et a le plaisir de présenter la candidature conjointe de Viviane Gonik et Sophie de Weck pour sa succession.

Nous reviendrons sur le sujet dans le prochain numéro.

Vous êtes donc cordialement invité-e à la prochaine

Assemblée Générale extraordinaire

Jeudi 12 septembre 2013

dans les locaux du CCSI

route des Acacias 25

dès 18h15

Au programme…
18h15   Élection des deux co-présidentes
19h15   Apéritif
19h45   Exposé sur l’initiative Pour un revenu de base inconditionnel, par Bernard Kundig (sociologue
et membre du Comité du B.I.E.N.-Suisse), discussion.