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CCSI-Info septembre 2013

Publié le 11 octobre, 2013 dans

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bulletin d’infos

septembre 2013

Édito

 

Que de sujets à évoquer pour ce numéro !  Tout d’abord, vous l’aurez constaté, le CCSI-Info fait peau neuve. Une mue certes modeste  – à la mesure de nos moyens. Votre bulletin est toujours tiré sur photocopieuse, mais grâce au geste de la Fondation Sesam et de l’entreprise Devillard, qui ont permis l’achat d’une nouvelle machine,  la couleur est de mise. Voilà donc le journal assorti au rapport d’activités. Une police spécifique, avec deux colonnes au lieu d’une, devrait faciliter la lecture de nos textes, plutôt denses. Pour le reste, le CCSI-Info garde un format léger. Mieux vaut un bulletin sur lequel on a vite fait de jeter un coup d’œil, qu’une version plus étoffée qu’on se promet de lire dès qu’on aura le temps, avant de la reléguer aux oubliettes…

Autre changement, qui dépasse cette fois le formel, l’Assemblée Générale extraordinaire vient de nommer deux nouvelles co-présidentes : Sophie de Weck et Viviane Gonik. Le CCSI s’en réjouit et vous invite à faire plus ample connaissance  avec elles en pages 2 et 3.

Sur le plan politique, la Loi sur la Nationalité poursuit son parcours aux chambres fédérales. Par le biais d’une lettre ouverte, le CCSI a invité le Conseil des États à corriger les durcissements votés en mars au Conseil National. Les points sensibles sont loin d’être anodins. Demandera-t-on aux candidat-e-s de pouvoir communiquer oralement, ou ira-t-on jusqu’à exiger la maîtrise écrite d’une langue nationale ? Au bout de combien d’années en Suisse pourra-t-on déposer une demande ? Le séjour entre l’âge de 10 et 20 ans continuera-t-il à compter double ? Les années passées au titre d’une admission provisoire seront-elles prises en compte ? Quelle marge d’appréciation pour les cantons ? Compte tenu des divergences entre les chambres fédérales, l’affaire reste à suivre.

Pour terminer, une brèche dans la muraille législative en matière migratoire.  Le Tribunal Fédéral vient de s’appuyer sur la Cour européenne des Droits de l’Homme pour justifier une dérogation à la Loi sur les Étrangers (ATF 2C_983/2012 du 5 septembre 2013). Pour autant qu’ils vivent en ménage commun, disposent d’un logement approprié et ne dépendent pas de l’aide sociale, les conjoints et enfants d’étrangers titulaires d’une autorisation de séjour ont désormais droit au  regroupement familial (auparavant la possibilité était ouverte mais dépendait du bon vouloir des autorités).  Des conditions encore très strictes, mais un pas dans la bonne direction.

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J’ai été impressionnée devant le récent redressement du Costa Concordia, échoué depuis des mois au large de l’île de Giglio. Renflouer une épave pour la retirer de la côte où elle est enfoncée telle une épine dans le pied, tenter de circonscrire le danger de pollution, démanteler le paquebot sinistré – en un mot, conjurer le naufrage : il y a là un désir universel, je suppose. Au chantier des luttes contre l’injustice, chacun-e d’entre nous peut reprendre à son compte l’injonction désormais célèbre : VADA A BORDO !

Marie Houriet (Responsable ad interim du CCSI-Info).

 

Questions de convictions

Viviane Gonik

 

Le 12 septembre dernier, le Centre de Contact s’est doté de deux nouvelles co-présidentes, Sophie de Weck et Viviane Gonik. D’un commun accord, nous avons choisi d’inscrire leur présentation dans le cadre de la rubrique « Questions de convictions ».  Quelles sont leurs convictions en matière de migration, d’engagement ? D’une manière générale, d’où viennent leurs convictions ? Ont-elles changé au cours des années, un peu, beaucoup ? Qu’est-ce qui les a raffermies, ébranlées ? De quelles étapes se souviennent-elles, de quelles victoires, de quelles défaites ? Pourquoi avoir dit oui à la présidence du CCSI, ont-elles des vœux pour l’association ?

Sous le feu des questions, c’est Viviane Gonik qui se jette à l’eau.  « Les humains n’ont pas de racines, mais des pieds : ils se sont toujours déplacés et se déplaceront toujours. Plus que de mondialisation, je parlerais de mondialité : on enrichit le monde et le monde nous enrichit ». Si Viviane, comme Sophie, insiste sur le fait qu’elle n’est pas spécialiste des questions migratoires, cette conviction-là est ancrée depuis toujours. L’engagement a une forme d’évidence, il dépasse de très loin le raisonnement. Sans doute trouve-t-il une genèse dans le parcours de ses parents, immigrés polonais des années trente en Tchécoslovaquie puis en Italie, où la guerre les rattrape. À l’issue du conflit, devenus apatrides, les voilà en France puis en Suisse. Viviane a dix ans, elle se souvient de l’épopée des autorisations de séjour, des procédures administratives sans fin qui donnent la sensation de n’être que de passage en Suisse. Comment s’intégrer, alors ? Les premiers liens se nouent, logiquement, avec d’autres étrangers. Ce n’est qu’à l’âge adulte que la situation se stabilise, avec un passeport italien puis rouge à croix blanche. Parallèlement, c’est mai 68, avec la découverte à l’université de la militance et d’une autre Suisse : « J’ai trouvé un sol sous mes pieds ». Viviane y côtoie des opposant-e-s aux dictatures d’Espagne, du Portugal, du Brésil, du Chili… « La dimension internationale a tout de suite été là. On y croyait, on pensait vraiment que les choses pouvaient changer. D’ailleurs des avancées, on en voyait, que ce soit le vote des femmes, la promotion d’espaces verts en ville, le droit pour les filles de porter des pantalons. Une sorte de cercle vertueux du changement, qui donnait de l’élan pour revendiquer. Aujourd’hui, je n’ai plus la même vision. Je ne crois plus aux lendemains qui chantent, mais aux cartes qu’on redistribue.  Bien sûr il peut y avoir des ilots de moments privilégiés, mais les dynamiques évoluent, avec des tensions, des ruptures. Il y aura toujours des rapports de force, je ne crois plus qu’il y aura un moment où on serait enfin à bon port (en termes d’égalité femmes/hommes, de rapports sociaux en général, de préservation de l’environnement). D’où l’intérêt de se battre. Je suis inquiète face à la configuration actuelle, je trouve que certaines choses sentent très mauvais ! Il me serait impossible de rester en retrait, l’injustice déclenche une sorte de nécessité de s’engager ».

Avec Viviane Gonik et Sophie de Weck, le CCSI connaît sa première coprésidence.  La suite d’une longue collaboration,  puisqu’elles ont mené ensemble des médiations durant une dizaine d’années. « Outre le fait de décharger nos agenda, nous apprécions l’idée du pouvoir partagé, de la construction en commun.  Notre souhait pour le Centre de Contact ?Qu’il continue à disposer des moyens pour réaliser son travail, essentiel non seulement pour les consultant-e-s mais pour Genève. Car que serait Genève sans les immigré-e-s ?

 

Questions de convictions
Sophie de Weck

Injustice : le mot est lancé. Pour Sophie de Weck également, elle est au cœur de l’action. Ainsi en est-il du jour où sa mère vote pour la première fois, qui lui fait réaliser la mise à l’écart des femmes : un événement qui pourrait bien être la source de son engagement féministe ultérieur.  « Il y a quelque chose d’intime dans l’engagement », analyse-t-elle en évoquant une enfance à Zurich, où sa famille a déménagé. Même sans connaître les angoisses liées au droit de séjour, elle grandit en se sentant étrangère dans une ville dont elle maîtrise mal la langue (elle suit l’école française). Ne pas savoir, ne pas être informée : la sensation de vivre un peu à l’écart construira une sensibilité particulière envers les personnes aux prises avec les mêmes difficultés. Autour d’elle les critiques envers les migrant-e-s sont légion, elle ne les partage pas. Lorsqu’arrivent les initiatives Schwarzenbach, Sophie les reçoit comme une injustice.  À l’école française où elle est en contact avec d’autres communautés, la diversité l’attire. Les années septante sont celles de la rencontre avec les mouvements issus de 68. Le père de sa fille a fui le Chili de Pinochet et Sophie vit de l’intérieur la réalité de cet exil, avec un projet de société progressiste dans les valises.

Beaucoup de migrant-e-s qu’elle rencontre l’impressionnent par leur profondeur, leur recul par rapport à la souffrance traversée. « Sagesse, capacité de faire des projets, courage, ouverture, don de soi, forte générosité : ces personnes nous apportaient espoir et énergie. Au-delà d’un vécu purement individuel, elles étaient déterminées, pleines de ressources, avec un grand sens des responsabilités. Elles ne se contentaient pas de subir mais prenaient leur vie en main. Des caractéristiques que j’ai retrouvées par la suite chez les femmes qui venaient à F-Information, où je travaillais. Souvent le même public que celui des permanences du Centre de Contact ». Si Sophie a étudié le droit, ce n’est pas un hasard : il s’agit d’être outillée pour mieux défendre ! Mais certaines décisions se prennent au niveau politique, d’où un engagement d’une dizaine d’années comme élue  à Meyrin puis en Ville de Genève.  « Au CCSI, je reprends une fonction associative, en soutien d’engagements de terrain. Je ne crois plus au rêve d’une société différente, mais aux efforts de fourmi, aux petites actions qui ont de grands effets, au maintien d’une énergie, d’un flux vers une progression. »

Chère Anne-Marie,
En endossant la fonction de présidente en 2009, tu acceptais la tâche complexe de prendre la barre du Centre de Contact. À tes yeux pourtant, pas question d’être seule au gouvernail : il s’agit de faire route avec l’équipage ! Or au CCSI, pas de fleuve tranquille. Ouvrir de nouvelles voies, avancer à contre-courant, faire le pont entre les générations, affronter les gros temps financiers, atteindre quelquefois un port avant de reprendre la mer. Malgré les inévitables revers, le sillage derrière toi est prometteur. Le Centre de Contact maintient son cap dans la grande flotte de la solidarité, quelques phares sont apparus : l’apprentissage n’est plus hermétiquement fermé aux jeunes sans statut légal, les migrantes victimes de violence conjugale peuvent espérer conserver leur droit de séjour même en cas de divorce, la question de restreindre l’accès à l’aide alimentaire pour les Sans-Papiers n’est plus d’actualité. Nous n’oublierons pas l’intensité de tes convictions, prêtes à déborder jusque dans l’impatience… Avec courage, pugnacité et rigueur, grâce surtout à ton attachement indéfectible à la défense des personnes vulnérables, tu as porté le CCSI dans son travail. MERCI ANNE-MARIE ET BON VENT !

 

Contrat de prestations, contrat précaire ?

La précarité touche actuellement de larges couches de la population, et se traduit par l’incertitude, l’impossibilité de faire des projets, la peur du lendemain. Jusqu’ici, elle touchait un grand nombre de nos consultant-e-s. Va-t-elle désormais également être le lot d’associations telles que la nôtre ? La question mérite d’être posée, au vu des derniers développements concernant le renouvellement de notre contrat de prestations.

Après l’échéance de notre premier contrat de prestations (2008-2011), nous en avons signé un nouveau pour les  quatre années suivantes (2012-2015). Une fois ce contrat signé par nos soins, nous avons appris que l’administration souhaitait apporter (unilatéralement) une modification à un article. Le contrat ainsi modifié a donc dû être signé une nouvelle fois, ce qui a entraîné un retard de plusieurs mois. Le projet de loi relatif à notre subvention et celle de Camarada a ainsi été soumis tardivement à la Commission des finances. Celle-ci a consacré plusieurs séances (!) à l’examen de ce projet. Sans juger bon d’auditionner les associations concernées, cette Commission a finalement décidé de réduire à deux ans la durée du subventionnement, tout en déclarant qu’elle s’opposerait à l’avenir à  ce que des subventions soient versées tant que le projet de loi correspondant ne serait pas adopté ! Une fois de plus, nous avons été mis devant le fait accompli et n’avons pas eu d’autre alternative que de signer, au début de l’été, un contrat portant uniquement sur la période 2012-2013. À quelques mois de la fin de l’année nous avons donc dû, avec le BIE, préparer un nouveau contrat de prestations pour la période 2014-2017. Ce contrat vient d’être signé par le Conseil d’État, et le projet de loi y relatif va donc être soumis à nouveau… à la Commission des finances !

Compte tenu des circonstances (notamment des élections de cet automne), il est peu probable qu’il soit voté avant la fin 2013. Il en résulte que nous sommes dans l’incertitude quant à la situation qui sera la nôtre à partir de janvier 2014. Nous avons interpellé le Conseiller d’État Pierre Maudet  pour lui faire part de notre inquiétude quant à cette situation inédite. De plus, la réduction de la durée du contrat de prestations à deux ans au lieu de quatre entraîne une augmentation du travail administratif, tant pour nos associations que pour les partenaires concernés, ce qui est absurde du point de vue des principes d’économie prônés par la Commission des finances…

Il est temps que les parlementaires prennent conscience de cette situation ubuesque, et que le monde associatif se mobilise contre la « précarisation » des contrats de prestations que d’aucuns semblent vouloir imposer.

Anne-Marie Barone

 

Le Conseil Fédéral vient d’inviter le parlement à ratifier une Convention internationale qui accorderait enfin les mêmes droits aux travailleuses et travailleurs domestiques qu’aux autres – notamment en termes d’horaires, conditions de vie, rémunération, santé et sécurité. Un pas important pour la protection des quelque 100’000 personnes concernées !

Reste à l’étendre aux Sans-Papiers, comme le rappelle l’association  Reconnaître le travail domestique – régulariser les Sans-Papiers, dont fait partie le CCSI.  Vous pouvez soutenir cette cause en signant, si ce n’est déjà fait, la pétition lancée en mars : www.aemni.ch