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CCSI-Info janvier 2014

Publié le 17 janvier, 2014 dans

bulletin d’infos | janvier 2014

Édito | Marianne Halle
Une nouvelle année commence, et pourtant, les votations se suivent et se ressemblent… Une fois encore, le peuple suisse est appelé à se prononcer sur une initiative xénophobe, et une fois de plus certains profitent de l’espace médiatique qui leur est ainsi offert pour déverser leur fiel sur les migrant-e-s. Toutefois,  une remise en cause de la libre circulation cette votation diffère un peu des précédentes en ce que les autres grands partis, et en particulier ceux qui sont proches de la droite économique, ne donnent pas cette fois-ci dans la surenchère.

Craignant les effets délétères d’une acceptation de l’initiative sur l’économie et les relations commerciales de la Suisse, ces milieux semblent s’être soudainement souvenus que l’immigration avait – au moins parfois, selon eux – également du bon. S’il est rafraichissant, voire carrément cocasse selon les cas, d’entendre ces personnes dire tout le bien qu’elles pensent de l’immigration, force est de constater que les bienfaits de l’ouverture – toute relative – des frontières ne sont reconnus que sur le plan économique. À vrai dire, c’est presque exclusivement sur cet aspect de la problématique migratoire que se joue la campagne, du moins dans les médias.

Or pour le CCSI, l’enjeu de cette votation est ailleurs. Le véritable objectif de l’initiative n’est pas de freiner l’immigration (car tant qu’il y aura du travail à prendre, ou des conflits à fuir, les migrant-e-s continueront d’arriver, quel que soit le cadre légal en vigueur), mais bien de priver l’immigration de ses droits. De fait, c’est principalement là que les conséquences d’une acceptation de ce texte se feront sentir : pas de droit au séjour stable et durable, restriction du regroupement familial, accès limité aux assurances sociales. La situation des migrant-e-s  en Suisse, déjà difficile aujourd’hui à bien des égards, s’en trouvera davantage précarisée.

C’est pour faire entendre ce message que le CCSI a décidé de s’engager à nouveau au sein de la Coordination contre l’exclusion et la xénophobie – Stopexclusion pour mener campagne en faveur du NON à cette initiative. Plusieurs des composantes de Stopexclusion sont également présentes dans d’autres campagnes unitaires, mais toutes se rejoignent sur ce point : il était crucial de rappeler que l’économie ne serait pas la seule à pâtir d’un oui le 9 février prochain. Vous trouverez donc dans ce numéro, outre un article de fond sur l’initiative, l’argumentaire de la Coordination. Nous vous invitons à le lire, et à vous rendre sur le site internet www.stopexclusion.ch pour d’autres informations sur cette campagne.

L’année qui commence s’annonce chargée pour le CCSI : en plus des votations (la présente, mais aussi celles à venir comme l’initiative dite Ecopop), le Centre fête cette année ses 40 ans ! L’occasion pour nous, entre autres, de jeter un regard vers le passé et de se remémorer l’un de nos premiers combats : celui contre l’indigne statut des saisonniers. Au vu des luttes à venir, les parallèles avec l’histoire sont parfois saisissants. Bonne année à toutes et tous et merci de votre soutien !

Initiative « contre l’immigration de masse »: un grave recul pour les droits des migrant-e-s | Anne-Marie Barone
(Cet article a également été publié dans Le Monde du Travail de janvier 2014.)

Le 9 février prochain, nous serons appelés à voter sur l’initiative de l’UDC « contre l’immigration de masse ». Une initiative trompeuse, tant dans son intitulé que dans les mesures qu’elle propose, et qui ranime le vieux slogan xénophobe « la barque est pleine ».

Cette initiative de l’UDC s’inscrit dans la longue série des initiatives xénophobes qui se sont succédé depuis les années 1960. Bien qu’ayant le plus souvent échoué en votation populaire (parfois de justesse, comme la célèbre « initiative Schwarzenbach » rejetée en 1970 par 54% seulement des votants), ces initiatives et les courants politiques qui les promeuvent ont cependant profondément influencé la politique migratoire des autorités. Depuis la fin de la première guerre mondiale en effet, et plus particulièrement depuis les années 1930, l’épouvantail de la « surpopulation étrangère » a été au centre de la politique suisse en matière d’immigration.

Le titre même de l’initiative soumise au vote le 9 février prochain est révélateur : «contre l’immigration de masse ». Cette expression est destinée à susciter, plus ou moins inconsciemment, l’idée d’un « envahissement étranger », ce qui nous rappelle le fameux slogan des années 30 «la barque est pleine» ! Ce titre fait donc appel à des sentiments de peur irrationnels, d’autant plus faciles à exploiter en période de crise économique. Les chiffres, eux, relativisent grandement ce phantasme de « l’envahissement étranger » : le pourcentage d’étrangers dans  la population totale de la Suisse n’a augmenté que faiblement au cours de ces dernières années, passant de 20,9% en 2000 à 22,7% en 2012. De plus, 65,7% des étrangers résidant en Suisse sont au bénéfice d’un permis d’établissement, de sorte qu’ils sont durablement intégrés.

Le retour des quotas d’immigration ?
L’initiative de l’UDC propose de limiter par des plafonds et des contingents annuels le nombre d’autorisations de séjour délivrées à des étrangers, « en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale ». Elle permettrait de limiter le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales, et s’appliquerait également au domaine de l’asile et aux frontaliers.

La politique des contingents (ou quotas) en matière d’immigration n’est pas nouvelle, puisqu’elle a été appliquée en Suisse à partir de 1970, et qu’elle l’est encore de nos jours pour ce qui est de l’immigration extra-européenne. Le Conseil fédéral a par ailleurs lui-même réintroduit le contingentement, pour une durée d’une année, en activant la «clause de sauvegarde» à l’égard des ressortissants des pays d’Europe de l’est en 2012, et de l’ensemble des ressortissants de l’UE à partir du 1er juin 2013.

Une remise en cause de la libre circulation
Ce qui est nouveau dans la proposition de l’UDC, ce n’est donc pas l’idée de contingentement en tant que telle, mais c’est la volonté de l’appliquer à toutes les catégories d’immigrés, y compris les ressortissants européens, les demandeurs d’asile, les frontaliers, et les personnes admises au titre du regroupement familial !En tant qu’elle vise les migrants en provenance des pays de l’Union européenne (UE) l’initiative de l’UDC s’en prend directement à l’accord de libre circulation (ALCP), entré en vigueur le 1er juin 2002, qui permet aux ressortissants suisses comme à ceux de l’UE et de l’AELE de choisir librement leur lieu de résidence et d’exercice d’une activité professionnelle sur le territoire des Etats membres. Cette remise en cause de l’ALCP explique que tant le Conseil fédéral que les milieux patronaux (economiesuisse) rejettent clairement l’initiative de l’UDC, considérant que la libre circulation des travailleuses/eurs est favorable aux besoins de l’économie. Si les arguments à la gloire de l’ALCP peuvent légitimement susciter quelques réserves, eu égard notamment au phénomène de sous-enchère salariale qui a été constaté dans certaines branches (en particulier la construction), il existe bien d’autres arguments pour dire NON à l’initiative de l’UDC.

Une régression intolérable
Il est en effet absurde et inacceptable de vouloir appliquer des quotas non seulement au domaine de l’immigration, mais également à celui de l’asile ! Par définition, l’asile répond à des critères humanitaires de protection contre les persécutions, ce qui est totalement incompatible avec la notion même de quotas. Il en va de même pour le regroupement familial, que l’initiative voudrait également soumettre au contingentement ! Le droit au regroupement familial est l’application d’un droit humain fondamental  (le droit de vivre avec sa famille) qui est garanti par différents traités internationaux que la Suisse a ratifiés .

Revenir sur ce droit serait une grave régression, un retour à l’époque du statut de saisonnier, qui empêchait les travailleurs saisonniers de faire venir leur famille pendant quatre ans. Comme le dit le Conseil fédéral  lui-même dans son message  du 7 décembre 2012: «Il ne serait pas concevable de refuser à un Suisse de faire venir son conjoint étranger en Suisse, au motif que le contingent annuel d’autorisations est épuisé». On ne saurait mieux dire…

Une autre régression inacceptable prévue par l’initiative de l’UDC est la possibilité de « limiter le droit aux prestations sociales », par exemple aux indemnités de chômage. On reviendrait ainsi à la situation qui prévalait avant les années 1980, lorsque l’immigration servait «d’amortisseur conjoncturel». On se souviendra que lors de la crise pétrolière de 1973-74, près de 245’000 travailleurs étrangers ont  perdu leur emploi et ont dû rentrer dans leur pays faute de pouvoir obtenir le renouvellement de leur permis de séjour, ce qui a permis à la Suisse «d’exporter son chômage».

Des migrant-e-s boucs émissaires
Dans les mois et années à venir, après le vote du 9 février, le peuple aura à se prononcer sur d’autres questions liées à l’immigration : l’élargissement des accords de libre circulation à la Croatie d’une part, l’initiative dite ECOPOP d’autre part. C’est dire à quel point nous devons garder à l’esprit et répéter sans relâche que les migrant-e-s ne doivent pas devenir les boucs émissaires des problèmes – bien réels- dont souffre la population résidente en Suisse :  manque de place dans les écoles, les hôpitaux, surcharge des transports publics, crise du logement , chômage, tous ces problèmes structurels ne peuvent être imputés à la présence des migrant-e-s, sans lesquels des pans entiers de notre société et de notre économie ne pourraient fonctionner. Par ailleurs, les mesures de contingentement prônées par l’UDC auraient pour effet de renforcer les filières de migration irrégulière, et ainsi d’augmenter le nombre de « sans-papiers », en réduisant les migrant-e-s à la précarité et en les confinant à une zone de non droit. Autant de raisons de mettre un NON dans l’urne le 9 février.

Subvention du CCSI : l’incertitude demeure
Nous vous en parlions dans un précédent numéro (voir le CCSI-info de septembre 2013), la situation financière du CCSI demeure précaire, notamment en raison de l’incertitude qui pèse sur l’avenir de notre subventionnement. Le CCSI est lié au Bureau de l’Intégration des Étrangers (BIE) par un contrat de prestations, qui constitue la base légale pour la subvention que l’État verse au Centre pour ses activités. La durée prévue du contrat de prestations était en principe de quatre ans. Seulement voilà, la Commission des finances du Grand Conseil en a décidé autrement. À la suite de l’examen du projet de loi y relatif, celle-ci a proposé de réduire la durée de notre contrat, et nous avons donc dû signer un contrat ne portant que sur les années  2012-2013 (Le rapport – édifiant – de la Commission des finances sur notre projet de loi est disponibles au public à l’adresse suivante : http://www.ge.ch/grandconseil/data/texte/PL10983A.pdf). Dans la foulée, nous avons dû en urgence « renégocier » un contrat pour les années 2014-2017.

Mais la saga n’est pas encore terminée, puisque notre contrat amputé de deux ans n’a toujours pas été approuvé de manière définitive ! Ainsi, au moment de mettre sous presse ce numéro, le BIE avait versé au CCSI (qui a donc dépensé) l’entièreté de la subvention liée à ce contrat 2012-2013, sans jamais avoir eu de base légale pour le faire. Quant au projet de loi lié à la subvention pour 2014-2017 – subvention que nous avons déjà commencé à dépenser –, il n’a même pas commencé à être traité par le Grand Conseil. Sans nous prononcer sur les véritables intentions des député-e-s concerné-e-s à l’égard d’associations comme la nôtre, nous ne pouvons que souligner à quel point il est difficile de travailler dans ces conditions. Et rappeler que ces péripéties nous détournent, bien malgré nous, de notre mission première : la défense des migrant-e-s.

À noter dans vos agendas
22 janvier 2014: Dans le cadre de sa campagne contre l’initiative « contre l’immigration de masse », Stopexclusion a l’honneur de recevoir François Crépeau, Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme des migrants. Il donnera une conférence sur le thème «Les droits souvent oubliés des migrants», le mercredi 22 janvier à l’Espace Fusterie, à 18h30. Entrée libre. Venez nombreuses et nombreux !

1er février 2014 : Toujours dans le cadre de la campagne, plusieurs organisations ont décidé d’or-ganiser une fête pour conjurer l’atmosphère morose de division sociale que fait régner l’initiative «contre l’immigration de masse». Cette fête aura lieu le 1er février prochain, à la Maison des Associations, dès 17h. Entrée libre !

27 mars 2014 : Le CCSI vous invite à participer à son Assemblée générale annuelle. Une conférence aura lieu le même soir, en marge de l’Assemblée générale statutaire. Plus de précisions dans la convocation officielle (qui vous parviendra ultérieurement) ainsi que sur notre site internet : www.ccsi.ch

Cotisations 2014
Vous l’aurez constaté en parcourant ce numéro, le CCSI a plus que jamais besoin du soutien de ses membres. Nous vous serions donc très reconnaissants de verser votre cotisation 2014 sans attendre de rappel (60.- pour les membres individuels, 150.- pour les membres collectifs). Un immense merci pour votre fidélité !