CCSI-Info juillet 2014
bulletin d’infos | juillet 2014 (pdf à télécharger)
Édito | Marianne Halle
Quand on travaille dans le domaine de la défense des droits des personnes migrantes, on a l’habitude d’être minoritaire. Cela fait bien longtemps que le climat autour de ces questions n’est pas positif. Mais ces dernières années, on en vient presque parfois à craindre d’être seul au monde à penser que la dignité des personnes ne devrait pas être liée à la couleur de leur passeport ou de leur permis de séjour.
C’est pour cela que des nouvelles comme celle-ci font particulièrement chaud au cœur : en moins de deux semaines et avec des moyens dérisoires, la pétition « ma Genève » a récolté plus de 2000 signatures. Vous ne voyez pas de quoi je parle ? Il s’agit d’une pétition lancée par la Coordination contre l’exclusion et la xénophobie – Stopexclusion, dont le CCSI est membre actif. La campagne est centrée sur une revendication simple, qui devrait à notre sens aller de soi : les personnes qui signent la pétition demandent que Genève demeure un lieu où on promeut la dignité humaine et les droits de l’Homme, et non qu’elle devienne un « hub d’expulsion » qui tolère sur son territoire des cellules prévues pour l’incarcération de familles.
Afin de vous permettre de prendre connaissance de cette campagne, mais aussi de la partager avec d’autres, nous avons encarté dans ce numéro une carte postale qui contient toutes les informations et liens utiles. Nous comptons sur vous pour signer la pétition en ligne, mais aussi pour diffuser l’information autour de vous et faire parler du sujet.
Le contexte actuel peut donner l’impression qu’une partie de la population n’a pas de limite à ce qu’elle considère comme acceptable en matière de détérioration des conditions de vie des migrant-e-s. Les pourcentages par lesquels parlementaires, sondé-e-s ou votant-e-s s’expriment en faveur de durcissements successifs dans le domaine du droit d’asile et des étrangers sont souvent décou-rageants pour celles et ceux qui, comme nous, se battent au quotidien pour préserver les droits acquis et en conquérir de nouveaux. Des campagnes telles que celle-ci viennent heureusement nous rappeler que non, nous ne sommes pas seuls au monde. Minoritaires oui, mais seuls non. Alors merci d’avance pour votre soutien et bel été à toutes et tous !
Note: Des circonstances exceptionnelles nous ont contraints à abandonner le numéro de mai 2014 du CCSI-info. Nous nous en excusons et remercions notre fidèle lectorat de sa compréhension.
Victimes de violences conjugales : un parcours semé d’embûches | Eva Kiss
Madame B. est une femme de nationalité kosovare. Suite à son mariage avec un compatriote titulaire d’un permis C, Mme B. arrive à Genève en mai 2009 et y obtient un permis de séjour. Très rapidement, son époux devient violent avec elle. Après des mois marqués par des actes de violence, elle réussit à quitter le domicile conjugal fin 2010 avec sa petite fille de 10 mois, et se réfugie dans un foyer. Depuis lors, elle est aidée par l’Hospice général.
En 2012, elle obtient, après une longue procédure menée avec l’aide du CCSI, le renouvellement de son autorisation de séjour sur la base des preuves des violences conjugales subies, bien que l’union conjugale ait duré moins de trois ans (article 50, al. 2 de la Loi sur les étrangers). L’Office fédéral des migrations (ODM) indique toutefois dans la lettre donnant son approbation que lors du prochain renouvellement, Mme B. s’expose à un potentiel refus et à un renvoi de Suisse si elle émarge toujours à l’assistance publique.
Pourtant, il n’existe aucune condition d’intégration pour le renouvellement des autorisations de séjour des victimes de violences conjugales. Le CCSI l’a signalé à l’ODM, en indiquant également que l’envoi d’une telle lettre à une femme victime d’actes de violences conjugales durant une longue période et qui a attendu le renouvellement de son permis de séjour pendant des mois dans l’incertitude est particulièrement inadéquat, et témoigne d’une méconnaissance certaine des conséquences de la violence conjugale.
En 2013, Mme B. quitte le foyer et s’installe dans une commune genevoise, où elle inscrit son enfant sur la liste d’attente de l’unique jardin d’enfants. Sans solution de garde, elle ne peut pas envisager d’assumer un emploi, ni reprendre des cours de français (elle en suivait pendant son séjour au foyer, où elle pouvait laisser sa fille à la crèche). Dans ces conditions et toujours avec l’aide du CCSI, Madame dépose une nouvelle demande de renouvellement de permis en octobre 2013. Suite à une décision positive du canton, le dossier de Mme B. est transmis à l’ODM pour accord. En février 2014, celui-ci se prononce favorablement, mais, en raison de la péjoration de la situation financière de l’intéressée et du fait qu’elle n’a pas suivi de cours de français, l’Office limite la durée du permis à une année et conditionne le renouvellement à la signature d’un « contrat d’intégration » avec l’ État de Genève. Ces contrats ont selon l’ODM pour effet « d’engager les migrants à atteindre des objectifs individuels, comme un certain niveau de langue. » Sauf que si l’instrument est relativement répandu en Suisse alémanique, il n’existe pas à Genève.
Tout en soulignant cette contradiction dans sa réponse, le CCSI rétorque qu’il est particulièrement déplacé d’exiger de la part d’une femme victime de graves violences conjugales de suivre des cours de langue alors qu’elle assume seule la prise en charge de sa fille en bas âge, qui plus est dans un canton qui connaît une grave pénurie de places en crèche. En outre, il rappelle qu’elle a droit au renouvellement de son permis également sur la base de sa relation avec sa fille, titulaire d’un permis C, car cette relation est protégée par la Convention européenne des droits de l’homme (art.8), applicable en Suisse.
Dans sa lettre du 8 avril 2014, l’ODM maintient sa position, soulignant le fait que Mme B. est assistée par l’Hospice général depuis 2011, et arguant qu’il est temps qu’elle entreprenne « des démarches concrètes en vue de favoriser son intégration linguistique, sociale, culturelle et à terme professionnelle et financière en Suisse.» En outre, l’Office rappelle que selon la loi, le droit d’une victime de violences conjugales au renouvellement de son permis s’éteint si elle dépend de l’aide sociale. En guise de « solution » aux problèmes de garde que connaît Madame, l’ODM suggère simplement que le père de la fille de Mme B., qui entretient une relation avec cette dernière, la prenne en charge lorsque Mme B. suit des cours de français…
Entre-temps, après avoir trouvé une solution de garde privée, Mme B. commence par sa propre initiative à suivre des cours intensifs de français en mars 2014. Bien que les documents attestant le suivi de ces cours aient été dûment transmis aux autorités, le permis de séjour de Mme B. n’a toujours pas été renouvelé. Fin mai 2014, le CCSI a écrit une nouvelle fois à l’ODM en leur priant de bien vouloir accepter le renouvellement de l’autorisation de Mme B. sans demander d’autres documents, ou, à défaut, de rendre une décision négative en indiquant les voies de recours. Car en raison de la longueur de cette procédure, Mme B. est à ce jour de facto sans permis de séjour depuis plus de huit mois, avec toutes les conséquences négatives que cela implique pour elle.
Ce dossier pose à notre sens de nombreuses questions : quand ont connaît la difficulté qu’ont les personnes qui ont subi des violences conjugales à se reconstruire physiquement, émotionnellement et mentalement, comment peut-on humainement exiger de cette femme – qui de surcroît élève seule une enfant en bas âge – qu’elle fasse preuve d’une intégration exemplaire, alors même que la jurisprudence ne mentionne pas ce critère pour le renouvellement d’autorisations de victimes de violences conjugales ? L’ODM peut-il réellement imposer au canton de Genève la signature d’une convention d’intégration alors même que le canton a choisi de ne pas faire usage de ce type d’instrument ? Dans tous les cas, ce dossier illustre à quel point les victimes de violences conjugales doivent encore mener de véritables «parcours du combattant », et ce malgré le changement de loi intervenu en 2013.
Subvention du CCSI : contrat enfin signé !
Le CCSI est lié depuis 2008 à l’État de Genève par un contrat de prestations, qui règle en principe sur quatre ans le montant de la subvention accordée et les prestations fournies en contrepartie par le CCSI. Après une longue saga, dont nous vous avons relaté les précédents épisodes dans ce journal, les projets de lois sur les contrats de prestations pour les années 2012-2013 et 2014-2017 ont finalement été acceptés par le Grand Conseil.
Le CCSI est bien sûr soulagé de savoir que sa subvention, bien que soumise au vote annuel du budget, est désormais garantie pour les quelques prochaines années. Cela étant, ce processus a mis en lumière une nouvelle fois la précarité intrinsèque des associations soumises à ce régime de subventionnement, mais aussi l’importance cruciale de trouver d’autres sources de financement, qu’elles soient publiques ou privées.
En bref
- L’une des revendications de la campagne « Aucune employée de maison n’est illégale », à laquelle le CCSI participe activement, a abouti : la Suisse va ratifier la Convention n° 189 de l’OIT (Un travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques). La ratification n’en-traînera pas de changements législatifs, mais constitue néanmoins une reconnaissance officielle de ce secteur et des problématiques qui lui sont propres.
- La révision totale de la Loi sur la nationalité a été sauvée in extremis au Parlement. Le projet de loi sur lequel les deux Chambres sont finalement tombées d’accord prévoit que la naturalisation sera désormais réservée aux seul-e-s titulaires d’un permis C, dont la « bonne intégration » et la capacité de communiquer à l’oral et à l’écrit dans une langue nationale aura été établie. Les années passées en Suisse entre les âges de huit et 18 ans compteront double, mais seule la moitié des années vécues sous le régime de l’admission provisoire sera prise en compte dans le calcul de la durée du séjour. La petite amélioration – naturalisation possible après dix ans de séjour, contre 12 aujourd’hui – ne pèse pas lourd en regard de ces durcissements. Le délai référendaire court jusqu’au 9 octobre prochain.
- Le Contrat d’accueil, dont nous vous parlions dans le précédent numéro, est entré en vigueur le 19 mai dernier. Sur la forme, le document n’a pratiquement pas changé depuis la version soumise à consultation, sur laquelle le CCSI avait émis un avis critique. Cependant, une modification de taille est à souligner : le Contrat d’accueil est envoyé avec les nouveaux permis obtenus (avec une injonction à le renvoyer signé), et non joint à la demande de permis comme initialement prévu. Plusieurs associations – dont le CCSI – avaient souligné que cette procédure aurait été discriminatoire, puisqu’elle ne pouvait être appliquée qu’aux ressortissant-e-s d’Etats tiers, et non à celles et ceux de l’Union européenne. Si nous sommes soulagés de ce changement, les critiques que nous avions émises lors de la consultation restent d’actualité, tant sur le document lui-même que sur l’absence de dialogue entre les associations de terrain et le Département autour de sa mise en œuvre. Et nous resterons très attentifs à l’utilisation qui sera faite des signatures récoltées – ou non – par les autorités tant cantonales que fédérales, notamment dans le cadre de demandes de renouvellement de permis.
Stagiaire pour le CCSI
La réalité des migrant-e-s à Genève vous intéresse ? Vous souhaitez une expérience de travail variée au sein d’une petite équipe de profes-sionnelles ? Le CCSI est à la recherche d’un-e :
Stagiaire pour un pré-stage pour la HETS (général ou spécifique)
Stage non rémunéré
Taux de travail 80%
Début novembre 2014 ou à convenir
Maîtrise orale de l’espagnol et/ou du portugais indispensable
Contactez-nous:
Centre de Contact Suisses-Immigrés, 25 rte des Acacias, 1227 Les Acacias
Tél. 022 304 48 60, admin@ccsi.ch