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L’Europe indigne face à la tragédie

Publié le 3 mai, 2015 dans

Alors que les catastrophes se succèdent et que nous assistons impuissants au décompte macabre du nombre de victimes migrantes décédées en mer alors qu’elles cherchaient à atteindre les côtes de notre continent, les gouvernements européens se montrent incapables de proposer des solutions qui sortent du paradigme sécuritaire. La déclaration dont nous reproduisons un extrait ci-dessous, intitulée « Morts en Méditerranée : le déshonneur du Conseil européen » et publiée au lendemain de la séance du Conseil européen réuni d’urgence suite aux différents naufrages en Méditerranée, a été contresignée par de nombreuses organisations européennes de défense des droits humains.

« En ce mauvais jour du 23 avril 2015, le Conseil européen qui devait enfin « agir » sur une situation « dramatique » en Méditerranée, s’est contenté de tenter de mettre l’Union européenne et ses États membres à l’abri des migrants en renforçant la protection de ses frontières.

À ces milliers d’êtres humains, femmes, hommes et enfants qui risquent la mort, et souvent la trouvent, en tentant de rejoindre des lieux pour se reconstruire et vivre, les chefs de gouvernement européens, réunis à grand bruit, n’ont eu qu’un seul message à leur envoyer : « Sécurité ! ». Ils n’ont pas cherché à sortir d’une concurrence entre les États membres, essayant chacun de prendre le moins possible des migrants après avoir rejeté tous les autres. Quant au mot « accueil », il ne fait pas partie du vocabulaire des chefs de gouvernement.

Lutte contre l’émigration avec l’appui des pays tiers, reconduite à la frontière, refoulement, rétention dans les centres spécialisés, pénalisation de l’entrée… Voilà ce que vont connaître les survivants quand elles et ils auront fini de compter leurs morts. Le Conseil européen en prenant ces mesures honteuses considère que sa responsabilité n’est pas engagée. Il ajoute ainsi aux morts son propre déshonneur. […] »

Depuis lors, la Commission européenne a elle aussi donné son point de vue dans ce débat. Sans surprise, elle préconise elle aussi d’allouer plus de moyens au volet purement sécuritaire de la politique migratoire européenne, ainsi qu’une augmentation des renvois de personnes en situation irrégulière et des requérant-e-s débouté-e-s. Pour se donner meilleure conscience, elle suggère d’accueillir le chiffre dérisoire de 20’000 réfugié-e-s en provenance de Syrie, sur une durée de deux ans et pour l’ensemble de l’Union. À titre d’exemple, cela impliquerait pour un pays comme la France d’absorber… 2375 personnes. En outre, elle propose de mieux répartir les migrant-e-s qui ont atteint l’Europe entre les Etats membres, selon un système de quotas obligatoires fixés sur la base de critères tels que le PIB, la taille du pays, le taux de chômage, etc. L’idée a immédiatement soulevé un tollé, ainsi que les oppositions officielles de la Grande-Bretagne, de la France, et d’autres encore. Face à ce déferlement de lâcheté politique, et au refus de toute forme de responsabilité collective quant aux causes profondes de ces flux migratoires, notre seule consolation réside dans le fait que la crise actuelle démontre à l’évidence que le système de la forteresse Europe et des accords de Dublin a atteint ses limites, et qu’il doit être repensé de fond en comble. Notons enfin que les critiques ci-dessus s’appliquent tout aussi bien à la Suisse, dont l’attitude ne diffère guère de celle de ses homologues européens.