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Votations du 28 février 2016: NON à l’initiative ‘de mise en œuvre’

Publié le 3 janvier, 2016 dans ,

Le 28 février prochain, le peuple se prononcera sur l’initiative de l’UDC Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre ) [1]. Cette initiative ne fait pas que concrétiser – en les durcissant – les dispositions déjà adoptées par le peuple. Elle s’attaque directement au droit international (Convention européenne des droits de l’homme, Accord sur la libre circulation des personnes) et aux droits fondamentaux qui en découlent.

Une initiative contre le Parlement et la séparation des pouvoirs

Après l’adoption par le peuple en novembre 2010 de l’initiative de l’UDC Pour le renvoi des étrangers criminels, le Parlement a commencé ses travaux pour élaborer une loi d’application, qui respecte les principes juridiques fondamentaux, parmi lesquels le principe de proportionnalité. Insatisfaite des projets de mise en application de son texte, l’UDC a lancé en 2012 son initiative dite “de mise en œuvre”, avant même que les parlementaires aient achevé leurs travaux. En cherchant à imposer par les urnes sa propre vision, l’UDC a court-circuité le processus parlementaire, au mépris du principe démocratique de la séparation des pouvoirs.

Une initiative contre l’intégration et le principe de proportionnalité

L’initiative contient une première liste d’infractions devant mener automatiquement au renvoi de la personne étrangère, “quelle que soit la quotité de la peine qui a été prononcée”, et ajoute une seconde liste d’infractions, dont certaines de moindre importance, qui mèneront également automatiquement au renvoi, si l’auteur-e a déjà été condamné-e au cours des dix années précédentes à une peine pécuniaire ou privative de liberté, pour quelque délit que ce soit. En d’autres termes, des personnes étrangères, même nées en Suisse, pourront être renvoyées même pour des infractions telles que rixe, vol, faux témoignage, etc. sans que les Tribunaux puissent prendre en considération (au nom du principe de proportionnalité) les circonstances individuelles, le degré d’intégration, les attaches en Suisse, etc.

Une initiative contre le droit international et les droits humains

En déclarant que ses dispositions en matière d’expulsion “priment les normes de droit international qui ne sont pas impératives”, l’initiative ouvre volontairement une brèche dans le respect par la Suisse des traités internationaux, et en particulier de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Concrètement, cela aurait pour effet que le droit à la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH ne s’appliquerait plus en matière de renvoi des étrangers, ce qui implique que des familles pourront être séparées, même si le/la conjoint/e et les enfants sont suisses. De plus, l’initiative viole l’Accord de Libre Circulation des Personnes, qui pose des conditions plus restrictives à la possibilité de renvoi des ressortissant-e-s européen-ne-s. Par son initiative de mise en œuvre, l’UDC fait ainsi un premier pas dans son combat pour la “primauté du droit interne sur le droit international” ou “contre les juges étrangers”, qui fait l’objet d’une autre initiative pour laquelle la récolte de signatures bat son plein. Car au-delà de son combat anti-étrangers (hélas toujours porteur sur le plan électoral), le véritable but de l’UDC est de s’en prendre aux droits fondamentaux garantis par le droit international. Si elle parvenait à ses fins, la Suisse deviendrait, avec la Biélorussie, le seul pays européen dont les citoyen-ne-s ne pourraient plus invoquer les droits garantis par la CEDH !
Dire NON à l’initiative de mise en œuvre le 28 février, c’est dire OUI aux droits fondamentaux.

Anne-Marie Barone

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[1] En référence à la première initiative sur le même thème, acceptée en 2010 par 52.9 % des votants.