CCSI-Info mai 2016
bulletin d’infos | mai 2016 (PDF)
Édito | Marianne Halle
Certaines questions laissent derrière elles un malaise persistant. C’est le cas, du moins pour nous, avec le référendum sur la réforme de l’asile sur laquelle nous votons le 5 juin prochain (voir pp. 2-3). Cette fois comme d’autres auparavant, on se prend à rêver d’autres issues, de la possibilité d’avoir recours à des échappatoires. De ne pas être contraints de faire un choix entre des alternatives toutes aussi insatisfaisantes les unes que les autres.
L’une des solutions, très concrète, consisterait à demander une réelle prise en compte du vote blanc. Aujourd’hui, il n’est comptabilisé que dans la quantification de la participation, et non comme l’expression d’une véritable position politique. Or face à des dilemmes tels que celui du 5 juin, on souhaiterait pouvoir faire entendre une autre voix dans le débat démocratique – pouvoir dire « ni peste, ni choléra », sans que cette voix ne soit assimilée à un manque d’intérêt pour la question.
Une autre piste, plus radicale, pourrait être de s’autoriser la liberté de penser en-dehors des cardes préétablis. Les politiques migratoires sont formatées par paradigmes qui semblent parfois indépassables – comme celui qui lie immigration et travail, par exemple – mais qu’il serait bon de pouvoir remettre en question.
Dans cette veine, citons notamment le projet du « think tank » Foraus, qui vient de mettre sur pied une plateforme participative de réflexion sur la migration. Intitulée « Crowd-thinking migration »[1], cette dernière cherche à faire émerger des idées et des concepts sur lesquels construire un jour, peut-être, une politique migratoire différente. Sans préjuger de son succès ou de ce qu’elle produira au final, l’initiative a au moins le mérite de proposer quelque chose de novateur. Une fraîcheur d’esprit bienvenue par les temps qui courent.
[1] À découvrir à l’adresse suivante https://foraus.crowdicity.com
Révision de la loi sur l’Asile: les raisons d’un malaise
La révision de la Loi sur l’asile soumise au peuple le 5 juin prochain suscite des réactions pour le moins contrastées. Analyse d’un malaise.
Peu d’améliorations pour de nombreux durcissements
La très grande majorité des acteurs de terrain dans le domaine de l’asile s’accordent à dire que la révision comporte de nombreux durcissements, reflets malheureux du rapport de forces politiques actuel sur le plan fédéral. Citons notamment le raccourcissement drastique des délais de recours – l’un des prix à payer pour l’accélération des procédures – et la création de grands centres fédéraux (souvent éloignés de la population et peu propices à l’intégration des demandeurs-euses d’asile) destinés à traiter rapidement un grand nombre de cas en vue du renvoi.
En contrepartie, le projet introduit une «protection juridique gratuite» en faveur des requérant-e-s. Cette mesure est certes positive, mais sa portée réelle doit être considérablement relativisée. D’une part, elle ne concerne que les cas traités en procédure accélérée, et non les cas complexes attribués aux cantons et traités selon la procédure dite «étendue». D’autre part, la réelle indépendance des futurs mandataires a été mise en doute par une expertise juridique, notamment au vu du système prévu pour leur rémunération (au forfait par cas), et de leur «proximité» avec les fonctionnaires fédéraux du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), puisqu’un des objectifs de la réforme est que tous les acteurs importants de la procédure soient regroupés dans les centres de procédure.
Une autre mesure positive est la prise en compte des besoins particuliers des mineurs non accompagnés, des familles avec enfants et des personnes particulièrement vulnérables ayant besoin d’un encadrement particulier.
Mais il importe également de rappeler que les mesures urgentes, unanimement décriées par les mouvements de défense du droit d’asile lors du référendum de 2013, seront définitivement inscrites dans la loi si le projet est accepté. Pour rappel, il s’agit de l’impossibilité de déposer une demande d’asile dans les ambassades, de la non-reconnaissance de la désertion comme motif d’asile, et de la création de centres spéciaux pour requérants «récalcitrants».
Ainsi, bien que l’accélération des procédures – au cœur de la réforme – soit souhaitable dans l’absolu (il n’est bénéfique pour personne que des requérant-e-s attendent des années avant d’être fixé-e-s sur leur sort), les différents tours de vis qui l’accompagnent dans le projet soumis au vote le 5 juin font plutôt pencher la balance vers un refus du projet sur le fond.
Des stratégies de vote différentes
Face à ce constat se pose toutefois une question de stratégie. En effet, il se trouve que cette réforme est soumise au vote populaire en raison de l’aboutissement d’un référendum lancé non par la gauche ou les défenseurs du droit d’asile pour les raisons précitées, mais bien par l’UDC, fortement opposée au principe de la protection juridique offerte aux requérant-e-s. Dès lors, on ne peut simplement évacuer ce paramètre et refuser de prendre en compte le contexte – quelle que soit la position qu’on choisisse de défendre au final.
En Suisse alémanique par exemple, où le climat politique autour des questions liées au droit d’asile est encore plus hostile qu’en Suisse romande, de nombreuses associations actives dans l’asile préconisent de voter oui. Elles expliquent leur soutien – bien que souvent critique – à la réforme par la nécessité de faire barrage à l’UDC coûte que coûte, et par une manière très pragmatique d’appréhender le rapport de forces politique : à l’heure actuelle, il est inutile d’espérer obtenir un texte plus favorable que celui-ci.
D’autres estiment, à l’instar du CSP Genève, que le texte doit être rejeté sur le fond, mais se refusent à appeler à voter non pour ne pas renforcer l’UDC. Car si le non l’emporte le 5 juin, il est vraisemblable que le non « de gauche » qui aura peut-être fait pencher la balance sera noyé dans l’analyse des résultats. Et au final, c’est armé d’une énième victoire devant le peuple que l’UDC exigera des tours de vis supplémentaires lorsque la loi retournera devant le parlement.
Enfin, certains préconisent de laisser de côté les considérations tactiques et de ne se prononcer que sur le fond – et appellent dès lors clairement à voter non le 5 juin. Réunis autour d’un « Appel pour la sauvegarde du droit d’asile », ils se montrent très critiques à l’encontre de la réforme, y compris par rapport aux quelques points que d’autres jugent positifs (qualifiant notamment l’aide juridique de « simulacre »). Ils soulignent également la nécessité de rester cohérents, en refusant d’inscrire de manière pérenne dans la loi les dispositions (mesures urgentes) combattues précédemment par référendum. À noter toutefois que si cette position rencontre un écho certain en Suisse romande, elle demeure quasi inconnue outre-Sarine.
Pas de bonne solution
Le CCSI est tout aussi partagé que ses homologues actifs dans le droit d’asile. Sur le fond, le projet comporte de trop nombreux points négatifs pour remporter notre soutien. Malgré la réalité des rapports de forces, appeler à voter oui reviendrait à notre sens à légitimer ces durcissements, ce que nous ne souhaitons évidemment pas. Mais le comité n’a pas tranché entre les deux options restantes : le vote blanc et le non. Les conséquences concrètes de l’une ou l’autre issue pour les requérant-e-s demeurent notre pré-occupation première. Serait-il pire de voter blanc (ce qui malheureusement revient presque à ne pas voter), et de laisser ainsi la révision entrer en vigueur avec la dégradation qu’elle entraîne ? Ou craint-on davantage de contribuer à renforcer les tenants d’une vision encore plus restrictive du droit d’asile ? Malgré le malaise que suscite une situation dans laquelle il n’y a pas de «bonne solution », le CCSI estime que les trois options peuvent se défendre. Et laisse à chacun-e le soin de faire son choix face à ce dilemme.
Marianne Halle
Austérité, coupes budgétaires : les associations durement touchées
Les finances du canton vont mal, la dette se creuse, et les rentrées fiscales n’alimenteront plus suffisamment les caisses publiques dans les années à venir. Voilà les principales raisons évoquées à chaque fois qu’on cherche à justifier les politiques d’austérité et les coupes budgétaires qui affectent les prestations sociales, les associations ou encore la culture. On prétend que de « petites » coupes linéaires (1, 2, ou 5%) sont relativement indolores, on assure que les associations peuvent recourir à des bénévoles si elles ont besoin de renforts, et on affirme que chacun-e doit participer à l’effort en se serrant la ceinture.
Sauf que. Sauf que les « petites » coupes viennent s’ajouter les unes aux autres (notamment pour des associations comme le CCSI qui reçoivent des subventions du canton et de la Ville). Et sauf qu’elles arrivent généralement après de nombreuses années de stagnation des subventions alors que les besoins et la charge de travail n’ont jamais cessé d’augmenter.
Coupes abstraites contre réalités de terrain
Au CCSI par exemple, notre subvention cantonale (la part la plus importante de notre budget, et de loin) n’a pas évolué depuis 2008. Pour pallier les manques, le CCSI a d’ores et déjà été contraint de réduire les plages d’ouverture de l’accueil, et de financer sur ses fonds propres les postes de travail nécessaires à assurer les prestations essentielles.
Il doit en outre désormais consacrer des ressources considérables à la recherche de fonds auprès de privés, ce qui implique d’autres difficultés. Citons notamment la mise en concurrence avec d’autres associations, obligées comme nous de faire appel à un nombre limité de donateurs privés, ou encore la nécessité de présenter aux bailleurs de fonds des demandes sous forme de projets, qui correspondent rarement à la réalité de notre travail.
Quant aux bénévoles, de nombreuses personnes apportent déjà un soutien précieux au Centre tout au long de l’année. Mais force est de constater que toutes les tâches ne peuvent pas être confiées à des bénévoles, pour diverses raisons : disponibilité et formation exigée, responsabilité institutionnelle, etc.
Tout le monde doit se serrer la ceinture … vraiment?
Enfin, l’effort prétendument demandé « à tout le monde » par ceux qui proposent ces coupes (dans un budget pourtant à l’équilibre !) n’est pas vraiment réparti de manière égale. Alors qu’ils estiment acceptable de priver les plus vulnérables d’un filet social de qualité – filet pourtant rendu d’autant plus nécessaire que les politiques d’austérité fragilisent des parts toujours croissantes de la société –, les mêmes jugent scandaleuses toutes les propositions visant à limiter les privilèges fiscaux accordés aux plus fortunés ces dernières années pour renflouer les caisses publiques. Pourtant, face à la pénurie, ne faudrait-il pas agir sur les recettes autant que sur les dépenses ?
Mobilisons-nous !
Le CCSI appelle donc non seulement à voter 2x NON le 5 juin aux coupes budgétaires en Ville de Genève (et rappelle au passage aux personnes étrangères résidant à Genève depuis plus de huit ans qu’elles peuvent voter !), mais également à participer nombreuses et nombreux à la manifestation contre l’austérité du 28 mai prochain (départ à 15h depuis la Place Neuve, pour plus d’informations rendez-vous ici).