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Intégration : un prétexte pour de nouveaux durcissements de la LEtr

Publié le 12 janvier, 2017 dans

Alors que tout le monde (ou presque) se félicitait du fait que les Chambres fédérales aient trouvé une manière de mettre en œuvre l’initiative « contre l’immigration de masse » sans mettre en péril les bilatérales, le Parlement a également adopté en catimini une révision de la Loi sur les étrangers portant sur l’intégration. Le projet avait été renvoyé au Conseil fédéral suite au vote du 9 février 2014, mais les travaux ont repris l’automne dernier après que le Conseil fédéral a intégré au projet initial une poignée d’initiatives parlementaires en lien avec l’intégration.

Le grand principe qui fonde cette réforme est basé sur le concept alémanique de « fördern und fordern », que l’on pourrait traduire par « encourager et exiger »[1]. En théorie, l’idée est la suivante : la Confédération met en place une série d’éléments visant à « encourager » les étrangers-ères à s’intégrer. En contrepartie, elle attend d’eux/elles qu’ils/elles se conforment aux exigences en matière d’intégration. Ainsi, l’intégration devient un critère clé, examiné à chaque étape du parcours des personnes étrangères : octroi du permis, renouvellement, demande de regroupement familial, révocation de permis, etc. Celles et ceux qui ne remplissent pas ces exigences sont sanctionné-e-s. Les critères selon lesquels l’intégration est examinée sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics ; le respect des valeurs de la Constitution ; les compétences linguistiques ; et la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation.

En se penchant sur le texte adopté par les Chambres, on se rend rapidement compte que sous couvert d’une Loi sur l’intégration, c’est plutôt un énième durcissement de la Loi sur les étrangers – et en particulier des conditions du regroupement familial – que les député-e-s ont voté. De fait, il ne reste pas grand-chose en matière d’encouragement à l’intégration. En suivant la logique du projet, on aurait pu imaginer que les étrangers-ères qui remplissent toutes les exigences fixées par la nouvelle loi obtiennent un droit à un permis plus stable, ou du moins un droit au renouvellement de leur permis actuel. Or il n’en est rien. Il n’y a pas non plus de mesures contraignantes envers les employeurs pour que ces derniers (pourtant grands bénéficiaires de l’immigration) favorisent l’intégration de leurs employé-e-s : les Chambres ont biffé une disposition allant dans ce sens, au motif que « les grandes entreprises le font déjà, et les petites n’en ont pas les moyens ».

Les durcissements, eux, sont nombreux. L’examen de l’intégration à chaque étape liée au permis fragilise tous les statuts : pour peu qu’elles jugent la personne « mal intégrée », les autorités auront de très nombreuses occasions de ne pas renouveler, révoquer ou rétrograder son permis. Les permis relevant du regroupement familial seront quant à eux réservés (du moins pour les adultes) aux personnes qui sauront communiquer dans la langue de leur lieu de domicile. La personne étrangère à l’origine de la demande de regroupement familial, quel que soit le permis dont elle est titulaire, ne pourra en outre pas percevoir de prestations complémentaires fédérales (qui sont de plus en plus assimilées à l’aide sociale, alors que leur rôle est autre). Enfin, le démantèlement du permis C se poursuit : même après plus de 15 ans de séjour, l’autorité pourra révoquer l’autorisation d’établissement et la remplacer par une autorisation de séjour (permis B) si elle juge que l’étranger-ère n’est pas bien intégré-e.

Le délai référendaire court jusqu’au 7 avril, mais aucun parti n’ayant l’intention de faire référendum, l’entrée en vigueur de cette révision ne fait pas de  doute. C’est donc une vision punitive de l’intégration, aux antipodes de celle que défend le CCSI, qui s’impose dans la loi. Alors que l’on sait que la stabilité juridique et la possibilité de vivre en famille sont les meilleurs vecteurs de l’intégration, cette loi est un véritable non-sens.

[1] Pour une critique du projet de loi initial, voir la position de Stopexclusion (co-rédigée par le CCSI) intitulée Quand « encourager et exiger » devient « surveiller et punir », sur le site www.stopexclusion.ch