CCSI-Info septembre 2017
Bulletin d’infos | septembre 2017 (PDF)
Édito| Marianne Halle
Une étude[1] de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne qui vient de paraître révèle l’étendue des discriminations dont sont victimes les personnes musulmanes en Europe. Selon cette étude, deux personnes musulmanes sur cinq (39%) se sont senties discriminées dans un domaine de la vie quotidienne (travail, logement, santé, accès aux services, etc.) en raison de leur appartenance ethnique ou de leur couleur de peau au cours des cinq dernières années. Comme si cela n’était pas suffisant, les personnes qui se sont senties discriminées ont répondu que cela leur arrivait en moyenne cinq fois par année.
Quand on apprend par ailleurs que plus de la moitié des répondant-e-s de cette étude sont citoyen-ne-s des pays membres de l’Union dans lesquels ils/elles résident, on mesure à quel point ces résultats sont préoccupants pour la cohésion sociale au sein de l’Union européenne.
À noter que malgré le fait que ces discriminations soient largement répandues, les personnes musulmanes interrogées ressentent dans leur très grande majorité (76%) un fort attachement à leur pays de résidence, et font preuve d’un niveau de confiance envers les institutions plus élevé que la moyenne de la population.
Évidemment, la Suisse ne fait pas partie des pays ayant participé à l’étude, mais rien ne laisse à penser que les résultats y seraient très différents. Et parmi les éléments qui contribuent à créer un climat permettant à ces discriminations de proliférer, les médias jouent certainement un rôle important.
Lors d’un récent colloque de la Commission fédérale contre le racisme portant sur l’hostilité envers les musulmans en Suisse, un chercheur travaillant sur la représentation des musulman-e-s dans les médias helvétiques venait confirmer ce que la lecture quotidienne de la presse nous avait appris de manière empirique : la plupart des articles qui parlent des musulman-e-s portent sur des thématiques en lien avec le terrorisme ou l’extrémisme religieux. Les articles présentant simplement des musulman-e-s dans des situations de la vie quotidienne – bref, comme des personnes normales, sont en revanche quasi inexistants dans les médias.
Fort heureusement, la recherche montre que presque tous les articles centrés sur ces thématiques négatives comportent des formes de mise en garde contre les généralisations excessives (p.ex. “Tous les musulmans ne sont pas des extrémistes…”, “Les musulmans sont les premières victimes du terrorisme…”, etc.). Mais cela ne fait clairement pas le poids. Les résultats de l’étude européenne n’ont que peu évolué depuis le premier pointage il y a dix ans. Gageons qu’à moins d’un changement significatif au niveau de la représentation des musulman-e-s dans les médias, il en ira de même pour la troisième édition.
[1] 1 Le rapport (en anglais), intitulé « Second European Union Minorities and Discrimination Survey (EU-MIDIS II): Muslims – Selected findings » peut être consulté à l’adresse suivante : http://fra.europa.eu/en/publication/2017/eumidis-ii-muslims-selected-findings
Notre site internet fait peau neuve
Le CCSI a mis en ligne son nouveau site internet (réalisé grâce au généreux soutien de la Ville de Genève et de la Loterie romande) le 19 septembre dernier. Pourquoi ce nouveau site ? Parce qu’il est aujourd’hui essentiel de maintenir nos outils de communication au goût du jour. Mais aussi et surtout pour mieux répondre aux besoins des différents utilisateurs de notre site.
Le premier travail que nous avons effectué a donc été d’identifier quel usage les internautes faisaient de notre site, afin de décider ce qu’il valait la peine de conserver ou non. Le second a été de réfléchir aux contenus qui manquaient jusqu’à présent, et de les développer. Cette nouvelle version de notre site contient donc des pages préexistantes, qui ont simplement été agencées différemment, mais également de nombreuses pages au contenu inédit.
Des nouveautés pour les migrant-e-s
L’une des principales nouveautés de ce site est la section destinée aux personnes migrantes. Avec la généralisation de l’usage des smartphones, il était devenu urgent de pouvoir s’appuyer également sur ce type de support pour transmettre des informations à nos usagers-ères. S’appuyant sur l’expérience de notre permanence d’accueil et d’information, mais aussi des consultations d’aide individuelle, le CCSI a mené une importante réflexion à l’interne pour définir les informations et conseils dont nos usagers-ères avaient le plus besoin. Nous avons fait le choix, pour chaque thématique, d’aller à l’essentiel : fournir suffisamment de renseignements pour que les personnes trouvent réponse à leurs interrogations, sans toutefois les noyer sous un flot d’informations.
Une fois ce contenu produit, le CCSI a traduit l’ensemble des pages destinées aux personnes migrantes dans les trois langues les plus couramment parlées par nos usagers-ères : l’espagnol, le portugais et l’anglais. Nous espérons ainsi avoir produit un outil utile, accessible et facile d’usage non seulement pour les personnes qui fréquentent le CCSI mais bien au-delà.
Valoriser notre expertise
La nouvelle version de notre site permet également de mieux mettre en valeur l’expertise du CCSI. Nos publications et nos prises de position sont mieux organisées et dès lors plus visibles. À terme, nous souhaitons aussi utiliser les réseaux sociaux pour attirer un public plus large vers notre site.
Renforcer nos liens avec les donateurs
Enfin, nous inaugurons à l’occasion de la refonte du site une section consacrée aux donateurs du CCSI, qu’ils soient privés ou institutionnels. Ces pages nous permettent notamment de mettre en valeur les différents projets que nous menons actuellement. Autre nouveauté, la possibilité pour tout un chacun de faire des dons en ligne, grâce à une interface rapide et simple d’utilisation.
Nous vous encourageons donc à découvrir notre site : www.ccsi.ch, et n’hésitez pas à nous faire part de vos remarques et suggestions !
Opération Papyrus: premier permis obtenu!
Immense satisfaction pour le CCSI : nous avons reçu fin août la première décision accordant à l’une de nos usagères un permis dans le cadre de l’opération Papyrus. Il s’agit d’un succès remarquable à plus d’un titre. D’abord, parce que ce permis est accordé à une personne célibataire sans enfants – l’une des catégories presque systématiquement exclue des possibilités de régularisation avant le lancement de l’opération Papyrus.
Et ensuite, parce qu’il démontre que le processus tel que nous l’avions imaginé dans les travaux préparatoires du projet (auxquels le CCSI a participé activement) fonctionne. Pour ce dossier, tout s’est effectivement déroulé comme prévu. Grâce à l’établissement de critères objectifs et d’une procédure optimisée, seuls quelque mois se sont écoulés entre la préparation du dossier et son dépôt, puis son examen par les autorités, et enfin la décision rendue – alors que les procédures pour cas de rigueur durent habituellement plusieurs années. Espérons donc qu’il s’agisse du premier d’une longue série !
Nous avons pu échanger quelques mots avec Lucia (prénom fictif), la bénéficiaire de cette première décision positive, lorsqu’elle est venue dans nos locaux chercher la lettre que les autorités fédérales lui avaient adressée.
CCSI-Info : Lucia, on vous sent très soulagée d’avoir reçu cette réponse !
Lucia : Oui, je n’arrive pas encore à y croire ! Je n’ai pas dormi de la nuit avant de venir ici, j’étais tellement contente et anxieuse à la fois de tenir enfin ce papier dans les mains !
Cela fait longtemps que vous attendiez ce moment, n’est-ce pas ?
Oui, 14 ans ! Je suis arrivée ici de Bolivie en 2004, sur les conseils d’une amie. J’ai assez rapidement trouvé du travail, et je n’ai pas arrêté depuis. J’ai souvent été déclarée aux assurances sociales, mais comme je travaille dans l’économie domestique, je n’ai évidemment jamais pu prétendre à une autorisation de séjour.
Et qu’avez-vous pensé lorsque vous avez entendu parler de l’opération Papyrus ?
J’ai pensé « ça y est, cette fois c’est ma chance » ! Au fil des années, j’ai vu de nombreuses personnes tenter d’obtenir leur régularisation, mais les seuls qui ont réussi étaient des familles avec enfants. Les célibataires comme moi n’avaient aucune chance. Alors quand les critères pour Papyrus ont été annoncés, je me suis dit que je pourrais enfin essayer moi aussi d’accéder à un statut légal.
Comment avez-vous vécu la procédure ? Avez-vous eu peur de déposer votre demande ?
Oui bien sûr, un peu. C’était quand même une prise de risque pour moi. Mais j’étais confiante, les critères étaient clairs et je savais que je remplissais toutes les conditions. Au final, le processus a été assez simple.
Et maintenant, qu’allez-vous faire ?
Aller voir mes parents ! Cela fait tellement longtemps que je ne les ai pas vus. Je peux maintenant voyager librement, et ils m’attendent impatiemment.
Bainvegni Fugitivs Marsch
Sous ce nom un peu barbare se cache en fait une initiative pas barbare du tout : celle d’organiser une marche pour les droits et la dignité de tous les êtres humains et pour une politique migratoire plus humaine. C’est ce qu’ont décidé de faire une poignée de personnes et d’organisations révoltées par les durcissements successifs dans le domaine de l’asile et par l’attitude toujours plus restrictive de la Suisse face aux phénomènes migratoires.
Soutenue par de nombreuses organisations de terrain proches des personnes réfugiées, cette marche solidaire se propose de “traverser la Suisse à pied et en portant la voix des refoulés et des réfugiés dans les villages et les villes suisses. Nous allons marcher avec eux pour construire des ponts et démontrer qu’il existe une Suisse solidaire, ouverte et prête à s’activer pour revendiquer ces droits fondamentaux qui leur sont niés : droit au travail, au regroupement familial, à la citoyenneté, à la dignité humaine. La barque n’est pas pleine, il suffit de faire un peu de place et chacun trouverait la sienne.”
Ce programme vous inspire ? Nous vous encourageons à prendre connaissance du manifeste autour duquel cette marche est organisée, mais aussi et surtout des différentes étapes de ce tour de Suisse[1]. Les marcheurs prévoient de quitter Bellinzona le 14 octobre, et de faire halte à Genève entre le 21 et le 23 novembre prochain. Divers événements auront lieu pendant ces quelques jours. N’hésitez pas à participer !
La marche en quelques étapes clef :
- 14.10 : départ de Bellinzona
- 16.10 : San Bernardino
- 25.10 : Saint-Gall
- 29-31.10 : Zurich
- 07.11 : Moutier
- 10-12.11 : Berne
- 17-18.11 : Lausanne
- 21-23.11 : Genève
- 01-02.12 : Sierre
- 07.12 : Airolo
- 10.12 : retour à Bellinzona
[1] Vous retrouverez toutes ces informations sur le site de la marche : http://bainvegnifugitivsmarsch.ch