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CCSI-Info novembre 2017

Publié le 20 novembre, 2017 dans ,

Bulletin d’infos | novembre 2017 (PDF)

Édito| Marianne Halle

Lors d’une récente soirée d’information sur l’opération Papyrus, destinée aux personnes potentiellement concernées par cette régularisation et organisée par les associations actives dans le domaine (dont le CCSI), nous avons présenté une nouvelle fois les critères à remplir pour déposer une demande de régularisation et la procédure pour y parvenir. Parmi les exigences figure celle de présenter un extrait de casier judiciaire vierge. Au moment des questions de la salle, une jeune femme se lève et pose une question qui paraît de prime abord incongrue. Elle explique qu’il y a quelques années, lorsqu’elle était victime de violences conjugales, elle a porté plainte contre son agresseur. Elle se demande si elle pourra déposer une demande de permis dans le cadre de l’opération Papyrus malgré les traces judiciaires laissées par cette affaire.

Un peu interloquée, je lui demande depuis la scène si j’ai bien compris sa question, tout en lui précisant qu’elle peut aussi venir me trouver à l’issue de la séance si elle ne souhaite pas discuter de sa situation devant toute l’assemblée. Elle me répond calmement : « Je n’ai pas de problème à parler de cela, j’estime que je n’ai rien fait de mal et que je n’ai pas à avoir honte. J’aimerais juste savoir si cela risque de me mettre en difficulté si je dépose une demande de permis. » Je salue son courage, lui confirme qu’elle n’a rien à craindre dans le cadre d’une demande de permis du fait d’avoir déposé une plainte pénale en tant que victime, et lui propose de venir dans l’une de nos permanences dans les jours à venir pour que nous passions en revue l’ensemble de son dossier. Satisfaite, elle se rassied sous les applaudissements de l’assemblée.

Cet épisode illustre bien les réalités que vivent les personnes sans statut légal. La question de cette femme évoque certes les vulnérabilités multiples auxquelles elles sont exposées – notamment en raison des craintes qu’elles nourrissent vis-à-vis des autorités, comme dans l’exemple ci-dessus, ou dans l’accès aux prestations de santé (voir ci-dessous). Mais sa deuxième intervention démontre aussi la force et la volonté de s’en sortir dont font preuve ces personnes au quotidien face à des situations difficiles.

Au CCSI, c’est ce qui nous inspire à pour-suivre notre action, et à chercher inlassable-ment de nouvelles pistes pour permettre à chacune et à chacun d’accéder à ses droits. La régularisation est l’une de ces pistes. Il y en a bien d’autres, et nous continuerons à travailler pour les rendre praticables pour toutes et tous. Belle fin d’année à vous et bonne lecture !


Quel accès aux prestations de santé pour les populations précarisées?

Lors de la dernière assemblée générale du CCSI, le Comité a présenté aux membres le projet de travailler sur des thématiques qui affectent les droits des personnes migrantes, et qui émergent dans l’ensemble de nos consultations (d’où l’appellation de « thématiques transversales »). La première thématique que nous avons identifiée et sur laquelle nous avons décidé de travailler en 2017-2018 est celle de la santé, en particulier les discriminations dans l’accès aux soins et aux prestations.

La santé : un bien commun ?

La santé devrait être un « bien commun » fondamental, et les soins accessibles à toute personne résidant en Suisse, indépendamment de ses revenus, de son âge, de son sexe, de sa nationalité ou de son statut de séjour. Dans la pratique, nous constatons toutefois que tel est loin d’être le cas, et que les personnes les plus précaires, parmi lesquelles les personnes migrantes sans statut légal, se heurtent à de nombreuses discriminations dans l’accès aux soins et aux prestations de santé.

Un système d’assurance-maladie insoutenable et injuste

Parmi les nombreux obstacles à l’égalité des droits en matière d’accès aux prestations et aux soins de santé, il faut mentionner le système d’assurance-maladie absurde et inique que nous connaissons en Suisse : avec ses primes qui ne tiennent aucun compte des revenus des assuré-e-s, qui augmentent chaque année, et que de nombreux ménages ne parviennent plus à payer, le système d’assurance-maladie est un facteur important de discrimination dans l’accès aux soins.

Le coût de l’assurance-maladie étant souvent inabordable pour les personnes les plus précaires, dont les migrant-e-s sans statut légal, il n’est guère surprenant que la majorité de ces derniers, bien qu’ayant le droit de s’assurer, soient contraints d’y renoncer faute de pouvoir payer les primes.

Une nouvelle initiative pour réformer le système d’assurance-maladie

Plusieurs tentatives pour réformer le système d’assurance-maladie ont échoué en votation populaire. Des associations (parmi lesquelles la Fédération romande des consommateurs et le Mouvement populaire des familles) ainsi que des personnalités politiques ont cependant décidé de lancer une nouvelle initiative « pour une liberté d’organisation des cantons ». Celle-ci vise à permettre aux cantons qui le souhaitent de créer une institution (sur le modèle des caisses de compensation) chargée notamment de fixer et d’encaisser les primes cantonales. Les primes seraient fixées en fonction des coûts effectifs, et non pas des « bons ou mauvais risques » comme actuellement. De ce fait, il n’y aurait plus qu’une seule prime pour tous les assurés d’une région, en fonction du modèle d’assurance et de franchise choisi.

Cette initiative a le mérite de relancer le débat public sur le mode de financement du système de santé. Si elle aboutit, elle aura pour effet de limiter le montant des primes d’assurance-maladie, ce qui bénéficiera aux assuré-e-s les plus modestes, et permettra aussi à une plus grande proportion de personnes sans statut légal de s’assurer et ainsi de pouvoir plus facilement recourir aux soins.

Le CCSI vous encourage donc à signer cette initiative, que vous trouverez (avec des explications plus détaillées) sur le site http://primesplusjustes.ch.

Signalons par ailleurs que les mêmes milieux lancent également une autre initiative fédérale « pour un parlement indépendant des caisses-maladie », qui vise à interdire aux parlementaires fédéraux de siéger dans les organes d’administration, de direction ou de surveillance des caisses-maladie, ou de percevoir des rémunérations de la part de ces assurances. Cette initiative est également à saluer, dans la mesure où elle vise à restreindre le pouvoir du lobby des assureurs au Parlement, qui est notoirement disproportionné par rapport à la représentation des intérêts des assuré-e-s.

À Genève aussi, les choses bougent…

Enfin, la presse s’est récemment fait l’écho du lancement à Genève, par les partis de gauche, d’une initiative cantonale visant à plafonner les primes d’assurance-maladie à 10% du revenu des ménages. La différence serait prise en charge par l’État, sous forme de subsides. Selon les initiants, cette initiative vise à soulager la classe moyenne, qui ne remplit pas à l’heure actuelle les conditions pour toucher des subsides de l’État.

D’autre part, de simples citoyennes ont lancé cet été un groupe Facebook de « lutte contre l’augmentation des primes d’assurance-maladie », et ont organisé une manifestation de rue à Genève le 18 novembre pour protester contre la hausse des primes qui a réuni plus de 500 personnes.

Toutes ces initiatives, au sens large du terme, même si elles ne représentent pas LA solution au problème, vont dans le sens d’une remise en cause nécessaire d’un système d’assurance-maladie dont le caractère insoutenable devient de plus en plus patent.

Le CCSI, confronté quotidiennement à la détresse de personnes et de familles qui sont de facto exclues du système d’assurance-maladie, ne peut que soutenir tous les efforts pour transformer ce système et faire en sorte qu’il bénéficie à tout le monde, y compris les plus précaires.

Anne-Marie Barone

À vos agendas !

Les problématiques abordées dans cet article vous interpellent ? Vous désirez en savoir plus ? Le samedi 10 mars 2018, le CCSI organisera une journée de débat et de réflexion, ouverte au public, sur la question des discriminations dans l’accès aux soins et aux prestations de santé qui touchent les populations les plus précaires, notamment les migrant-e-s sans statut légal.

Des renseignements plus détaillés sur le programme de cette journée seront communiqués ultérieurement, mais nous vous invitons d’ores et déjà à noter cette date dans vos agendas et nous réjouissons de vous retrouver à cette occasion.


Européen-ne-s en Suisse: droits entravés et pratiques dissuasives

En Suisse, les conditions de séjour des Européen-ne-s et de leurs familles sont régies par l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) et par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, reprise par nos tribunaux. Ces droits sont clairement définis, mais sur le terrain, tout n’est pas si simple. Nos partenaires, dont le CCSI, nous transmettent régulièrement des situations dans lesquelles les mandataires doivent batailler pour faire reconnaître un droit, parfois durant plusieurs années. En conséquence, des individus et des familles se retrouvent dans l’incertitude par rapport à leur permis de séjour et voient leur situation se précariser.

Ivana par exemple, ressortissante russe, est arrivée en Suisse suite à son mariage avec un ressortissant français avec qui elle a eu un enfant. Séparée de son mari, elle perd son autorisation de séjour, remplacée par un permis de courte durée sans autorisation de travailler et sa situation financière se dégrade. Après un recours au Tribunal cantonal, Ivana est à nouveau autorisée à travailler et retrouve son indépendance financière. Vu ses moyens financiers et la nationalité française de son fils, elle a droit à une autorisation de séjour, mais sa demande est refusée. Le CCSI porte l’affaire au Tribunal fédéral et obtient gain de cause. Il aura tout de même fallu presque cinq ans d’une procédure éprouvante pour que le droit d’Ivana soit reconnu.

Que se passe-t-il pour les personnes qui ne font pas appel à des associations comme le CCSI ? Certaines renoncent faute d’un suivi juridique et d’un soutien adéquat, tandis que d’autres s’endettent pour payer les frais d’avocat.

Fidèle à sa mission de rendre visible une réalité cachée, l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE romand) mène un projet de documentation sur l’application de l’ALCP en Suisse. Le but:  informer des droits qui existent et alimenter avec des exemples concrets un débat trop souvent éloigné du terrain et des êtres humains qui sont touchés directement par ces pratiques.

Mélissa Llorens, ODAE-Romand

Téléchargez le dépliant sur le regroupement familial selon l’ALCP, contenant plusieurs cas concrets et le témoignage d’Eva Kiss, permanente au CCSI : www.odae-romand.ch. Vous pouvez aider l’ODAE à réaliser ce projet par un don : CCP 10-747881-0 | IBAN CH46 0900 0000 1074 7881 0. Merci !