CCSI-Info janvier 2018
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Édito| Marianne Halle
Lundi 8 janvier 2018, c’est la rentrée au CCSI. Après une séance d’équipe le matin, les portes sont sur le point de s’ouvrir au public. Une demi-heure avant l’ouverture de la permanence d’accueil et information, plus d’une quinzaine de personnes patientent déjà dans le hall. Tout au long de l’après-midi, la salle d’attente ne désemplira pas.
On y croise cette famille, arrivée il y a quelques jours d’Espagne, qui cherche désespérément un logement et qui peine à comprendre, malgré les explications patientes de l’équipe de l’accueil, comment quelque chose d’aussi basique peut s’avérer aussi difficile à trouver.
On y croise aussi cette mère de famille brésilienne, qui vient pour la cinquième année de suite effectuer les démarches liées au subside d’assurance maladie pour ses enfants. Comme les nombreux·euses autres habitué·e·s rencontré·e·s ce jour-là, elle sourit, on la sent à l’aise, en terrain connu.
On y croise également cette femme bolivienne, arrivée à Genève il y a dix ans. Son épais dossier sous le bras, elle attendait impatiemment le mois de janvier pour pouvoir entamer les démarches de régularisation grâce à l’opération Papyrus.
On y croise encore cette famille de Mongolie, deux parents aux mines fatiguées, un garçon de 3 ans qui papote en français avec une petite péruvienne autour de la table à dessin, et un nouveau-né qui dort paisiblement dans les bras de son père. Ils viennent dans l’espoir que nous puissions les soutenir dans leur recherche d’une solution de garde.
Ce 8 janvier, l’équipe du CCSI était présente, au grand complet, prête à retrousser ses manches et à se remettre au travail, prête à défendre inlassablement les droits de toutes les personnes qui s’adressent à nous, pour construire avec elles (et avec vous !) une Suisse plus ouverte et plus solidaire. Bonne année et bonne lecture à vous !
Genève, ville d’accueil !
Les associations qui, comme le CCSI, sont actives auprès des personnes migrantes à Genève souffrent (presque) toutes d’un manque de moyens pour accomplir leurs tâches. Une initiative municipale, déposée par le Parti socialiste, demande aux autorités municipales d’instaurer un soutien financier pérenne pour des programmes d’accueil et d’intégration des migrant·e·s. Les communes sont un échelon crucial dans les politiques d’intégration, et un soutien vital pour des associations comme la nôtre.
Nous encourageons les électeurs·trices en Ville de Genève (de nationalité suisse ou étrangère) à signer cette initiative, que vous trouverez sur cette page.
Séances d’information collectives au CCSI
Depuis le mois d’octobre 2017, grâce au soutien du BIE, la permanence d’accueil et information du CCSI développe un projet visant à renforcer notre action dans le domaine de l’information, notamment en organisant des séances d’information collectives à l’intention de nos usagers et usagères. Pourquoi ces séances collectives ? D’une part parce que nous cherchions un moyen efficace de transmettre des informations générales à nos usagers·ères, et ce sans surcharger davantage les consultations consacrées aux dé-marches individuelles pour lesquelles les personnes se rendent au CCSI. De l’autre, bien sûr, pour briser l’isolement des personnes et leur faire prendre conscience que les problématiques auxquelles ils et elles sont confronté·e·s sont des enjeux collectifs.
Le CCSI avait déjà tenté l’expérience par le passé – avec des degrés de succès variables. Afin de viser juste et de connaître les besoins de notre public, nous avons souhaité donner la parole à toutes les personnes qui venaient à la réception du CCSI. Nous avons donc créé un questionnaire, traduit en cinq langues (français, espagnol, portugais, anglais et mongole) et l’avons distribué pendant trois mois afin de déterminer notamment si la mise en place de séances d’information collectives pourrait favoriser l’accès de nos usagers·ères à l’information dont ils et elles avaient besoin.
Les résultats du questionnaire nous ont permis de confirmer non seulement qu’il existait effectivement un intérêt pour ces séances d’information, mais également de définir des thématiques prioritaires. Ainsi, en fonction des 148 réponses reçues, nous avons commencé à travailler sur un projet pilote de séances en espagnol (il ressort clairement de notre sondage que c’est la langue principale de compréhension de nos usagers·ères, les lusophones étant généralement aptes à suivre une séance d’information dans cette langue), ouvertes à toute personne arrivant à Genève ou ayant des questions en lien avec la migration. Les thèmes plus sollicités ont été l’emploi dans l’économie domestique, l’obtention d’un permis de séjour pour les personnes issues de pays tiers (hors UE), l’accès au logement, à la santé et à l’éducation, ainsi les questions liées à la retraite et aux allocations familiales.
Au début du mois d’octobre, en collaboration avec l’ASLOCA, nous avons organisé une séance sur les droits et obligations des personnes en location ou sous-location. Cette première expérience a été suivie d’une séance en collaboration avec CARITAS sur le fonctionnement de l’assurance-maladie, à la fin du mois de novembre. La collaboration avec des partenaires du réseau permet aux participant·e·s non seulement de recevoir des informations de haute qualité mais aussi d’entrer en contact avec d’autres acteurs clés du réseau.
Évidemment, il est inutile d’organiser des séances d’information si le public visé ne sait pas où et quand elles ont lieu. Toujours grâce à notre enquête, nous avons identifié que le SMS était le moyen de communication très largement favorisé par nos usagers·ères. C’est pourquoi nous avons mis en place un service d’alerte SMS, avec des informations relatives au déroulement des séances. Pour ce faire, nous avons pu nous appuyer sur la base de données que nous utilisons pour enregistrer les informations de nos usagers·ères tels que leur numéro de téléphone. Actuellement dans le réseau, le CCSI est la seule association à pouvoir offrir un tel service. De plus, facilement transmissibles, ces SMS nous permettent de toucher un grand nombre de personnes concernées de manière rapide et directe. Par ailleurs, ce service peut également être utilisé pour rappeler à nos usagers·ères leur prochain rendez-vous, un effet collatéral bienvenu.
Ces deux premières séances ont connu un succès très différent – l’une ayant attiré près d’une cinquantaine de personnes, l’autre beaucoup moins – sans que nous ne puissions dire avec certitude pourquoi. L’année 2018 sera donc consacrée à améliorer le dispositif, afin de proposer les séances d’information collectives les plus adaptées aux besoins de nos usagers et usagères.
Premier test, nous allons cette année mettre en place un cycle de séances concernant l’éducation (trois séances consacrées à l’école obligatoire, à l’école post-obligatoire et au péri-scolaire). La séance initiale de ce cycle aura lieu le 7 mars 2018 dans nos locaux, en collaboration avec une enseignante de l’école primaire du DIP, et sera consacrée au fonctionnement du système scolaire au niveau obligatoire.
Sandra Garlejo
Droits politiques pour les étrangers·ères résident·e·s à Genève : l’impasse
L’association DGPE (Droits Politiques pour les résident-e-s à Genève) a eu la bonne idée d’organiser une table ronde le 16 novembre 2017 avec les personnalités qui avaient lancé les initiatives populaires cantonales « J’y vis j’y vote », dont l’une a abouti, en 2005, à l’octroi du droit de vote municipal pour les étrangers résidents à Genève. Le public a ainsi pu entendre Antonio Hodgers, Sandrine Salerno (qui à l’époque représentait le CCSI dans le comité d’initiative), Olivier Fiumelli, Carmelo Lagana, évoquer leurs souvenirs et l’expérience tirée de ce combat. (Parmi les initiants de l’époque, Pierre Maudet s’est fait excuser pour cette table-ronde, étant retenu ailleurs pour d’autres obligations).
Au-delà de l’intérêt et de la sympathie suscités par les propos des intervenant-e-s, la soirée a laissé une partie du public sur sa faim. Force est en effet de constater que depuis l’échec de l’élargissement des droits politiques pour les étrangers dans le cadre des travaux de la Constituante en 2012, cette question ne semble plus figurer à l’agenda politique d’aucun des partis politiques à Genève. Notre canton fait ainsi figure de « lanterne rouge » parmi les cantons romands, puisque quatre cantons connaissent le droit de vote ET d’éligibilité des étrangers au niveau communal (NE, JU, VD, FR), et que deux cantons ont même introduit le droit de vote des étrangers au niveau cantonal (NE, JU). Genève, en tant que « ville internationale », qui se targue de son ouverture, n’a en revanche pas avancé d’un iota depuis 2005, date de l’adoption de l’initiative « J’y vis j’y vote » prévoyant le seul droit de vote des étrangers au plan municipal.
La table-ronde organisée par DGPE aura permis de tirer ce constat d’échec, mais malheureusement guère de dessiner des pistes pour sortir de l’impasse. Le débat a même très vite dérivé sur des questions liées à la nationalité, à « l’identité », à la politique de naturalisation, alors que la revendication des droits politiques pour les étrangers au niveau local se fonde précisément sur une conception de la « citoyenneté locale » dissociée de la nationalité. Il reste bien du chemin à faire sur cette question…
Anne-Marie Barone
Lois révisées, permis fragilisés
L’année 2018 voit l’entrée en vigueur de plusieurs modifications législatives importantes. D’une part, dès le 1er janvier, la nouvelle Loi sur la naturalisation entre en force. Pour rappel, cette dernière restreint l’accès à la naturalisation aux seules personnes détentrices du permis C. D’autres exigences s’ajoutent à celle-ci, parmi lesquelles on peut citer la nécessité d’atteindre un certain niveau en français à l’oral (B1) comme à l’écrit (A2), et ne pas avoir bénéficié de l’aide sociale dans les trois ans précédant la demande. L’abaissement de 12 à 10 ans du nombre d’années de résidence exigé n’est qu’une maigre consolation face à ces nombreux durcissements.
D’autres modifications de la Loi sur les étrangers entreront en vigueur cet été. Ces nouvelles dispositions prévoient notamment d’importantes restrictions sur le regroupement familial (soumis désormais à des exigences linguistiques, et refusé aux personnes qui perçoivent des prestations complémentaires fédérales). Mais il y a aussi et surtout un changement qui concerne toutes les autorisations de séjour et d’établissement : lors de chaque prolongation, l’intégration de la personne doit en principe être examinée, et ce n’est que si cette dernière est jugée satisfaisante que la prolongation sera octroyée.
La bonne intégration de la personne concernée est évaluée selon quatre critères principaux : le respect de la sécurité et de l’ordre publics ; le respect des valeurs de la Constitution ; les compétences linguistiques ; et la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation. Si les deux premiers critères figuraient déjà dans la Loi sur les étrangers auparavant (de même que – dans une certaine mesure – celui sur la participation à la vie économique, puisque le fait de dépendre de l’aide sociale constituait déjà un motif de révocation), les exigences linguistiques sont quant à elles nouvelles.
Un autre élément, et non des moindres, vient lui aussi fragiliser l’autorisation d’établissement (permis C). Jusqu’à présent, une personne au bénéfice d’un permis C depuis plus de 15 ans ne pouvait voir son permis révoqué que pour certains motifs très sérieux (atteinte grave à l’ordre et à la sécurité publics, ou condamnation à une longue peine privative de liberté). C’est ce qui faisait dire à certain·e·s que le permis C était un « passeport suisse sans le droit de vote ». Or dès cet été, même après 20 ou 30 ans de permis C, ce dernier pourra être révoqué et remplacé par un permis B, par exemple si le/la titulaire dépend de l’aide sociale. Le signal, pour les étrangers·ères qui ont travaillé et vécu ici parfois toute une vie, est sans équivoque : aux yeux de la Suisse, ils et elles restent des citoyen·ne·s de seconde classe à vie.
Cette modification devrait également servir d’incitation supplémentaire – aussi désagréable soit-elle – à se lancer dans une procédure de naturalisation, puisque seule l’acquisition de la nationalité peut désormais permettre aux personnes étrangères de se projeter avec sérénité dans un avenir en Suisse sur le long terme. Celles et ceux qui en remplissent aujourd’hui les conditions seraient bien inspiré·e·s de le faire… avant la prochaine vague de durcissements.
Rappel : journée de réflexion
Le CCSI organise une journée de réflexion sur l’accès à la santé pour les personnes migrantes en situation précaire le 10 mars prochain à la Maison des Associations. Programme et informations détaillées parviendront à nos membres par courrier dans les semaines à venir. Nous nous réjouissons beaucoup de vous y retrouver !