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Sans-papiers: respectons leurs droits!

Publié le 8 février, 2018 dans ,

Le CCSI est membre actif de la Plateforme nationale pour les sans-papiers*. Il s’associe ainsi pleinement à la prise de position publiée par la Plateforme le 8 février dernier, au sujet d’une motion déposée par la Commission santé et sécurité sociale du Conseil national. Pour une version PDF de la prise de position, c’est ici.

Prise de position de la Plateforme pour les sans-papiers concernant la motion intitulée « Pour une législation cohérente sur les sans-papiers »

La Plateforme nationale pour les sans-papiers prend acte avec consternation de la motion déposée le 26 janvier dernier par la Commission santé et sécurité sociale du Conseil national intitulée « Pour une législation cohérente sur les sans-papiers », adoptée par 17 voix contre 8.

Le droit à la sécurité sociale, l’accès à l’éducation et aux soins sont des droits fondamentaux ancrés dans la Constitution suisse. Ils s’appliquent à toute personne vivant en Suisse, qu’elle bénéficie ou non d’un statut légal. L’universalité de ces droits ne saurait être remise en question. Il n’existe dès lors aucune contradiction qui nécessite d’être résolue, tant il est évident que dans un État de droit, les droits fondamentaux ont davantage d’importance qu’une quelconque infraction à la Loi sur les étrangers.

Le fait d’exclure les travailleuses et travailleurs sans statut légal des assurances sociales est un non-sens qui contrevient à l’intérêt public de la protection des travailleurs·euses en repoussant les sans-papiers plus loin dans l’illégalité et en favorisant le développement du travail au noir. Avec cette proposition, les auteur·e·s de la motion remettent en question un pilier fondamental de nos assurances sociales – à savoir que toute personne qui travaille en Suisse a l’obligation de participer au bon fonctionnement des assurances sociales par le biais des cotisations – et risquent de nuire au bon fonctionnement de la sécurité sociale helvétique.

La proposition de mettre sur pied une médecine parallèle pour les sans-papiers n’est ni souhaitable, ni faisable dans la pratique. Les sans-papiers ne consulteraient pas un fournisseur de soins qui les livre à la police des étrangers. Un chantage du type « accès aux soins contre annonce aux autorités ou pas d’accès aux soins du tout » est en opposition totale avec l’objectif de rendre les soins accessibles à toutes et tous, et pourrait avoir de graves conséquences en matière de santé publique. En outre, en l’absence d’une assurance-maladie, la prise en charge financière de pathologies – souvent devenues graves en raison d’un recours aux soins tardif – finirait par échoir aux cantons, pour un coût au final bien supérieur.

L’encouragement à l’échange de données ne mène en aucun cas à une législation cohérente, mais repousse au contraire les sans-papiers dans l’illégalité. Ainsi, cela ne fera pas diminuer le nombre de personnes sans statut légal, mais bien grossir le nombre de personnes qui n’ont pas accès aux droits fondamentaux garantis par la Constitution. De même, cela ouvrira la voie au développement de multiples formes de criminalité liées à l’absence de statut (traite des êtres humains, travail au noir, chantage, exploitation).

La proposition d’étendre l’échange des données au domaine de la scolarité est particulièrement choquante. La Suisse ne respecterait alors plus ses obligations en matière de protection des droits de l’enfant, dont la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (signée et ratifiée par la Suisse) qui stipule clairement non seulement que le droit à l’éducation s’applique à tout enfant quelle que soit sa nationalité ou son statut de séjour, mais aussi que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer dans toutes les décisions qui le/la concernent. Si cette proposition venait à être mise en œuvre, il est évident qu’elle constituerait un important et regrettable recul en matière de droits humains pour la Suisse, et mènerait à la déscolarisation de nombreux enfants.

Afin de « considérer la situation dans son ensemble », comme le proposent les auteur·e·s de la motion, il conviendrait de rappeler que les sans-papiers font partie de la société suisse et de les reconnaître en tant que travailleuses et travailleurs. Cette reconnaissance devrait à son tour mener à une régularisation collective ou au moins à la mise sur pied de solutions de régularisation pragmatiques, à l’image du projet pilote prometteur développé par le canton de Genève (opération Papyrus). Dans l’attente d’une telle solution sur le plan national, il est crucial de promouvoir le respect des droits fondamentaux pour toute personne vivant en Suisse. Dans la mesure où elle est une attaque contre ces droits non négociables, cette motion doit être clairement rejetée.

 

* La Plateforme nationale pour les sans-papiers est composée de : parlementaires fédéraux – Conférence des évêques suisses – Fédération des églises protestantes de Suisse – Union syndicale suisse USS – Syndicat Unia – Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs SIT – Travail.suisse – Caritas – Solildarité sans frontières – Centres sociaux protestants – CCSI Genève, CCSI Fribourg, CSI Valais – EPER – OSAR – FIZ – Les Verts – Les jeunes Verts – Parti socialiste – Stiftung Gertrud Kurz – Réseaux de solidarité Bâle et Berne – Permanences pour les sans-papiers d’Argovie, Bâle, Berne, Genève, Jura, la Côte, Lucerne, Vaud et Zurich. Elle est actuellement co-présidée par les Conseillères nationales Ada Marra et Mattea Meyer.