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Initiative « autodétermination » : la campagne pour le non s’organise au niveau romand

Publié le 14 septembre, 2018 dans ,

Un comité romand large pour la défense de nos droits

Dès le printemps 2018, à l’initiative de Stopexclusion, un comité romand a commencé à s’organiser en vue de la campagne de votation du 25 novembre prochain sur l’initiative de l’UDC « le droit suisse au lieu de juges étrangers », dite aussi « initiative pour l’autodétermination ». Dans la mesure où cette initiative s’attaque directement à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : CEDH), et à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg  chargée de la mettre en œuvre, il est essentiel que tous les groupements et associations concernés par la défense des droits fondamentaux de différentes catégories de la population s’unissent et fassent front commun contre cette initiative.

Après plusieurs mois de travail, le comité romand regroupe aujourd’hui environ 25 organisations, parmi lesquelles des sections syndicales et de partis de gauche et du centre, des associations de juristes, de défense des droits de l’homme, des organisations de jeunes, des milieux LGBT, de défense des réfugié·e·s et des migrant·e·s, etc. Des contacts sont en cours pour continuer à élargir ce comité.

Sur la base du constat que l’initiative de l’UDC, sous prétexte « d’autodétermination », vise en réalité à s’attaquer à la CEDH, le comité romand a choisi de faire campagne sous le mot d’ordre « Non à l’initiative anti-droits humains ».

Le CCSI : un membre actif du comité romand

Depuis le début, en tant que membre de Stopexclusion, le CCSI a été partie prenante de la mise en place du comité romand, et participera activement dans ce cadre à la campagne pour le Non à l’initiative. Pour notre association, la défense des droits fondamentaux des personnes migrantes est la base de notre travail quotidien. Il est donc évident pour nous que le droit international (dont fait partie la CEDH), en tant qu’il contribue à renforcer la protection des droits humains, doit être défendu.

Concrètement, le CCSI s’attache notamment, depuis sa création, à défendre les droits des enfants sans statut légal, les droits des femmes migrantes, ou encore le droit au regroupement familial. La défense de ces droits ne s’appuie pas uniquement sur l’application de la législation suisse, mais également sur le droit international, par exemple la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant, la Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et bien sûr la CEDH (voir les exemples ci-contre). La particularité de la CEDH est de permettre à tout individu qui estime avoir été lésé dans ses droits fondamentaux de s’adresser à la Cour européenne, dont les décisions ont un effet contraignant à l’égard des États.

Il s’agit donc d’un ultime recours contre le risque d’arbitraire dans les décisions judiciaires étatiques. Contrairement à ce que prétendent les initiants, il ne s’agit nullement d’une ingérence dans la souveraineté de la Suisse, puisque celle-ci a librement décidé de ratifier, en 1974, la CEDH et a ainsi accepté la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme. Rappelons également que la Cour est composée de juges représentant les 47 États membres du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait évidemment partie.

Quelques exemples de décisions de la Cour européenne des droits de l’homme

Depuis la ratification de la CEDH par la Suisse en 1974, environ 6000 plaintes ont été déposées contre la Suisse devant la Cour européenne. Toutefois, ce n’est que dans moins d’une centaine de cas (soit un pourcentage de 1,6%) que la Cour a condamné la Suisse pour violation de la CEDH.

Dans le domaine du droit des étrangers, la Cour a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur des décisions prises par les autorités suisses. Nous citerons ci-dessous quelques arrêts, rendus sous l’angle de la protection de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).

  • Dans un arrêt (H. c/ Suisse) du 11 juin 2013, la Cour a considéré que le refus d’une demande de regroupement familial formée par une ressortissante de Bosnie-Herzégovine (qui avait séjourné en Suisse depuis plus de 20 ans), au motif des dettes du couple et de sa dépendance à l’aide sociale, était disproportionné et violait l’art. 8 CEDH.
  • Dans l’affaire P. c/ Suisse, la Cour a rendu un arrêt le 30 juillet 2013, concernant une ressortissante des Philippines, mère d’un enfant né en 2001 dont le père avait la nationalité suisse. En 2002, elle fut renvoyée de Suisse et retourna aux Philippines avec l’enfant. En 2004, à l’occasion de son droit de visite, le père garda l’enfant auprès de lui. En 2010, la mère obtint un droit de visite sur son enfant, à exercer en Suisse, alors qu’elle n’avait pas le droit d’y séjourner. Le refus des autorités suisses de lui accorder une autorisation de séjour a été attaqué avec succès devant la Cour, qui a jugé que ce refus violait le droit au respect de la vie familiale.
  • Dans une autre affaire (M.P.E.V et autres c/ Suisse), la Cour a rendu un arrêt le 8 juillet 2014. Il s’agissait d’un couple de ressortissants équatoriens, dont la demande d’asile avait été rejetée par la Suisse. Une des filles du couple avait grandi en Suisse depuis l’âge de 2 ans. Pour cette raison, l’enfant et sa mère ont été mises au bénéfice d’une admission provisoire, alors que le père était expulsé. La Cour a annulé cette décision d’expulsion, sur la base du droit à la vie familiale.
  • Dans un arrêt rendu le 8 novembre 2016 (E.G c/ Suisse), la Cour a estimé qu’en refusant la demande de regroupement familial présentée par un père de nationalité suisse et égyptienne pour son fils de 15 ans se trouvant en Egypte, les autorités suisses avaient violé le droit au respect de la vie familiale, et également la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, en ne prenant pas suffisamment en compte le bien-être de l’enfant.

On le voit, la CEDH joue un rôle important dans la défense des droits des personnes migrantes, particulièrement dans le contexte d’une politique migratoire de plus en plus restrictive. C’est pourquoi le CCSI appelle résolument à voter non à cette initiative.

Anne-Marie Barone