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CCSI-Info février 2020

Publié le 14 février, 2020 dans ,

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Édito| Anne-Marie Barone et Emma Perneger

“On vous demande pas la lune, juste une vie digne” : c’est sous ce slogan que le collectif Lutte des mineurs non accompagnés (MNA) a organisé l’occupation de la maison du Grütli pendant une dizaine de jours en janvier dernier. Cette action a permis d’attirer l’attention sur la situation de ces jeunes, majoritairement originaires de pays du Maghreb, qui ont quitté leur famille et leur pays pour des raisons diverses, et ont affronté un parcours migratoire long et éprouvant. N’ayant pas déposé de demande d’asile, ils sont dépourvus de statut légal. Selon les mois, ils seraient plus ou moins d’une centaine à Genève, dont une grande partie n’est ni logée ni encadrée par les services de protection de l’enfance, se retrouvant ainsi à la rue, sans accès à la formation et sans moyens d’existence. Même lorsque ces jeunes bénéficient d’une prise en charge, celle-ci s’arrête abruptement lorsqu’ils atteignent 18 ans, et ils deviennent alors immédiatement “expulsables”, faute de statut légal.

En été 2019 déjà, des MNA s’étaient mobilisés, avec le soutien d’associations locales, et avaient adressé une lettre ouverte à Anne Emery-Torracinta, présidente du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP), pour demander que le canton offre des conditions d’hébergement adéquates ainsi qu’un accès à la formation à ces mineurs et jeunes adultes.

Sans réponse à leurs revendications, un groupe de MNA et leurs soutiens ont décidé d’occuper le Grütli le 13 janvier dernier. L’occupation a été levée une dizaine de jours plus tard, suite à la décision du Conseil d’État de prendre en charge les 15 mineurs concernés, en les logeant dans des foyers pour trois d’entre eux, et dans un hôtel spécialisé dans le logement social pour les autres. Cela constitue certes un premier pas, mais bien des problèmes restent en suspens. D’une part, le logement à l’hôtel n’est pas adapté aux besoins de ces jeunes : ces hôtels privés sont gérés par des personnes qui n’ont pas été formées à la prise en charge des jeunes, qui adoptent parfois des comportements racistes, ou les mettent à la porte sans qu’ils aient de solution de relogement.

D’autre part, le problème crucial de leur scolarisation ou formation n’est pas résolu. Rappelons que jusqu’à 18 ans, les MNA ont droit, comme tous les mineurs, à bénéficier d’une formation. Or, la plupart des MNA ne sont pas scolarisés, alors même que Genève se vante d’être le premier canton à avoir rendu obligatoire la formation jusqu’à 18 ans. Par ailleurs, les jeunes majeurs (entre 18 et 25 ans) devraient pouvoir bénéficier d’un suivi socio-éducatif jusqu’à la fin de leur formation, sur le modèle des “contrats jeunes majeurs” qui s’appliquent aux jeunes résidents en Suisse.

Le CCSI a, depuis sa création, défendu le point de vue qu’un enfant était avant tout un enfant, indépendamment de sa nationalité, de son statut ou de son absence de statut. La lutte des MNA est donc légitime et mérite notre soutien.


Allocation de rentrée scolaire : bientôt pour toutes les familles sans discrimination ?

Particularité de la Ville de Genève, les familles aux revenus modestes peuvent bénéficier d’une allo-cation de rentrée scolaire : 130.- par enfant, 180.- pour les élèves du secondaire. Un “coup de pouce” censé permettre à tou∙te∙s les élèves de la commune de reprendre le chemin de l’école avec le matériel adéquat, sans grever le budget des familles.

Au CCSI, nous rencontrons au quotidien des familles dont le budget ne permet pas la moindre marge, et pour lesquelles acheter les fournitures indispensables pour l’école signifie renoncer à une autre dépense indispensable – par exemple rogner sur un budget nourriture déjà très serré. Acheter un cartable, des pantoufles, un tablier, des chaussures de sport, des stylos pour faire les devoirs, cela peut paraître anodin, mais lorsqu’on doit faire tourner une famille à Genève avec 1000, 2000 ou même 3000.- de revenus par mois, toute dépense supplémentaire s’avère compliquée. Des arbitrages d’autant plus cornéliens que ces parents consentent souvent à de multiples sacrifices en espérant offrir un meilleur avenir à leurs enfants.

Pour ces familles, ce “coup de pouce” de rentrée serait évidemment bienvenu. Pourtant, nombre d’entre elles n’y ont actuellement pas droit. Le règlement des aides financières de la Ville de Genève prévoit en effet que les bénéficiaires doivent pouvoir non seulement prouver leur “condition modeste” au moyen d’une attestation de subside d’assurance-maladie, mais aussi présenter un permis de séjour en cours de validité. Ainsi, les enfants sans statut légal sont exclus d’une aide dont ils auraient pourtant bien besoin, pour le seul motif qu’ils n’ont pas de permis de séjour.

Cette discrimination est d’autant plus problématique que la précarité du statut va souvent de pair avec la précarité des conditions de vie, tant elle est synonyme de travail dans des secteurs à bas salaires, voire d’exploitation éhontée.

Récemment, le CCSI a été auditionné par la Commission de la cohésion sociale et de la jeunesse du Conseil municipal sur cette question. L’occasion de sensibiliser les élu∙e∙s aux réalités vécues par les familles sans statut légal à Genève, et de réaffirmer qu’une telle allocation devrait être accordée à toutes les familles qui en ont besoin, sans distinction de statut migratoire.

L’année scolaire 2019-2020 a été placée à Genève sous le signe des 30 ans des droits de l’enfant. À nos yeux, le droit à l’éducation, tel qu’il est garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant, ne se limite pas à celui de s’asseoir en classe, mais suppose également l’accès à d’autres éléments de base, comme un vrai repas à midi ou un matériel adéquat. Difficile en effet d’entrer dans les apprentissages sans cela, sans compter la stigmatisation à laquelle est exposé un enfant qui n’a pas le “kit” minimum de l’écolier∙ère.

C’est justement sur la base du même raisonnement que le CCSI collabore de longue date avec le Service social de la Ville de Genève – et de nombreuses autres communes d’ailleurs – pour faciliter l’accès aux restaurants scolaires. Nous espérons que cette collaboration, fluide et bien établie, puisse inciter les politicien∙ne∙s à revenir sur les restrictions d’accès à l’allocation de rentrée, pour qu’elle puisse réellement bénéficier à tou∙te∙s les élèves qui en ont besoin. Les jalons sont en place, corriger cette discrimination n’est plus qu’une question de volonté politique. C’est à ce prix que l’allocation de rentrée scolaire pourra remplir son rôle d’atténuer les inégalités entre l’ensemble des élèves de la commune.

Camille Grandjean-Jornod


Des changements au CCSI!

L’année 2019 a été mouvementée pour le CCSI*, et nous débutons la nouvelle décennie sous le signe du changement. Depuis plusieurs années maintenant, l’activité du CCSI connaît une forte croissance : les sollicitations qui parviennent à la permanence d’accueil et information ont plus que triplé en dix ans, pour dépasser les 10’000 sollicitations (appels et visites) en 2018. Le nombre de dossiers suivis est lui aussi en augmentation, connaissant une hausse de +25% depuis 2013. À noter que cette croissance se vérifie même sans la hausse conjoncturelle liée à l’opération Papyrus.

Le CCSI a dû consentir à d’importants efforts pour s’adapter à cette demande, notamment dans le domaine de la recherche de fonds. Mais le travail a porté ses fruits, et l’équipe s’est peu à peu étoffée, permettant au CCSI de répondre à cette augmentation sans porter atteinte au bon fonctionnement du Centre.

Mais qui dit croissance de l’équipe dit aussi besoin de place. Les locaux que nous occupions depuis plus de 20 ans (au 3e étage du 25 route des Acacias) étaient devenus inadaptés : ils ne nous permettaient plus de recevoir les personnes dans un cadre correct – notamment en termes de confidentialité des échanges – ni d’offrir à l’équipe un environnement de travail adéquat. Alors que d’autres locataires de l’immeuble quittaient leurs locaux, le CCSI a saisi l’occasion de changer d’étage.

Nouvelle année, nouveaux locaux !

Après des mois de travaux relativement pénibles, pendant lesquels le CCSI et son nombreux public ont dû se contenter d’un espace très réduit, nous avons pu rouvrir le Centre en janvier 2020 dans des locaux flambant neufs grâce à la générosité de la Loterie romande, ainsi que d’une grande fondation genevoise. Nous occupons désormais la quasi-totalité du 4e étage, où nous disposons de deux espaces d’accueil distincts (permettant de mieux gérer les flux entre les personnes qui ont rendez-vous et celles qui viennent pour de la primo-information), d’un espace d’attente pour les enfants, de bureaux individuels pour chacun∙e des permanent∙e∙s qui reçoit des usagers∙ères pour des entretiens, ainsi que d’une belle salle de réunion, d’une salle de pause pour l’équipe, et de toilettes (enfin !) équipées d’une table à langer pour les nombreux enfants en bas âge qui fréquentent nos locaux. Nous vous rappelons que vous êtes cordialement invité∙e∙s à l’inauguration de cet espace le 24 février à 18h30.

Archives déposées

Dans le cadre du déménagement, le comité s’est aussi préoccupé des nombreux documents qui s’étaient accumulés dans les armoires du CCSI au fil des années. Bien que précieux – le CCSI est très régulièrement sollicité par des chercheurs∙euses qui souhaitent accéder à nos archives – ces documents ne nous étaient plus d’utilité suffisante pour justifier de les conserver dans leur entièreté dans nos nouveaux locaux. Après avoir mandaté un étudiant en gestion documentaire pour disposer d’un inventaire sommaire de ce que contenaient les différents lieux de stockage, le comité a décidé d’en verser une part importante aux Archives contestataires.

L’objectif de ce dépôt est double : d’une part il permet de conserver nos archives dans des conditions correctes, et de l’autre il devrait permettre de valoriser ces documents en les rendant accessibles aux chercheurs∙euses. À noter que le comité a souhaité verser le fonds du CCSI à une association spécialisée dans la valorisation des archives des mouvements sociaux de la deuxième moitié du XXe siècle, où il rejoindra d’autres documents issus de mouvements proches. Un événement public devrait être organisé pour marquer l’ouverture du fonds à la consultation, nous ne manquerons pas de vous en informer en temps voulu.

Changement à la coordination

Enfin, le CCSI n’a pas seulement changé d’étage, il a également accueilli une nouvelle coordinatrice ! En effet, Laure Faessler a quitté le CCSI pour de nouveaux horizons professionnels en octobre 2019. En plus de huit ans à ce poste, elle a contribué avec talent et engagement à faire du CCSI ce qu’il est aujourd’hui, en impulsant et en menant à bien de nombreux chantiers de modernisation. Elle laisse une association en mesure d’affronter l’avenir sur des bases solides – le comité et l’équipe la remercient vivement pour son travail et lui souhaitent bonne route !

Pour repourvoir le poste, nous avons la chance d’avoir pu engager Martine Baudin, qui a rejoint l’équipe en octobre de l’année dernière. Forte de plus de 30 ans d’expérience dans le domaine du social, dont les dix dernières années à la direction de l’association Première ligne, Martine a commencé son activité sur les chapeaux de roue ! Nous avons déjà pu constater à quel point son expérience, ses compétences et sa connaissance du réseau nous sont utiles pour ce poste qui a beaucoup évolué dernièrement. Nous sommes ravis de l’accueillir et lui souhaitons la plus cordiale bienvenue.

Marianne Halle

* En raison de la forte surcharge induite par les événements décrits dans cet article, le comité du CCSI a décidé de bousculer un  peu la fréquence de parution de ce journal. Ainsi, le numéro de novembre 2019 n’est pas paru, et ce numéro remplace les habituels numéros de janvier et mars 2020. Nous remercions nos fidèles lectrices et lecteurs pour leur compréhension ! 


Affiche Les ConquerantesLe CCSI a le plaisir de vous inviter à la projection du documentaire « Les conquérantes« , organisée par l’association MetroBoulotKino. Le film suit le parcours de femmes sans-papiers en France, alors qu’elles traversent la longue et difficile phase d’attente qui suit inévitablement une demande de permis. Elles racontent ici leurs espoirs, leurs angoisses, leur courage et leur détermination à se forger une place et se construire un avenir meilleur.

La projection aura lieu le mardi 25 février à 19h, à Fonction Cinéma (Maison des Arts du Grütli) et sera suivie d’une discussion avec Catherine Lack, permanente au CCSI, autour des conditions de vie et de travail que connaissent les femmes sans-papiers à Genève. Venez nombreux·ses!


Assemblée générale

Le CCSI invite cordialement tou·te·s ses membres à participer à son Assemblée générale annuelle. Celle-ci aura lieu le 26 mars 2020, dans nos nouveaux locaux au 4e étage. La convocation officielle ainsi que l’ordre du jour suivront prochainement par courrier. Nous nous réjouissons beaucoup de vous y retrouver !