CCSI-Info février 2021
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Édito| Marianne Halle
Le CCSI a commencé l’année sur un rythme soutenu. En plus du rush habituel de début d’année – courriers accumulés pendant la fermeture, réunions qui reprennent, demandes de renouvellement de subside – le CCSI est l’une des associations mandatées par l’Etat pour traiter les demandes d’aide financière ponctuelle pour faire face aux difficultés économiques liées à la pandémie. Après que les associations confrontées à l’urgence sociale sur le terrain ont tiré la sonnette d’alarme fin novembre, le Grand Conseil a en effet voté en décembre dernier un crédit de 12 millions de francs pour des aides financières directes. Remise à six associations engagées auprès des populations précarisées, dont le CCSI, cette somme est actuellement en train de parvenir aux personnes et familles qui en ont le plus besoin.
Et les besoins sont là, indéniablement. Même si le nombre de personnes ayant perdu toutes leurs heures de travail d’un seul coup semble moindre par rapport à ce que nous avions constaté lors de la première vague, la situation est loin d’être revenue à la normale. Pour les employées de maison notamment, il reste très compliqué de trouver de nouvelles heures de travail. Dans la restauration, les licenciements se multiplient au gré des semaines de fermeture. Et même pour les personnes qui n’ont pas tout perdu, celles qui avaient réussi à pallier la baisse des revenus grâce à leurs maigres économies arrivent aujourd’hui au bout de leurs réserves.
Le 7 mars prochain, les électrices et électeurs du canton de Genève voteront sur la loi visant à accorder une indemnité aux travailleurs∙euses qui n’ont pas pu accéder aux autres aides existantes en raison de leurs emplois atypiques ou précaires. Adoptée par le Grand Conseil en juin 2020, la loi a été attaquée par un référendum honteux, qui n’a abouti que grâce à des méthodes de récolte de signatures déloyales.
Si l’objectif des deux lois est similaire (soutenir les populations précaires durement touchées par la crise), la logique diffère. La loi soumise au vote accorde aux travailleurs∙euses précaires – et ce quel que soit leur statut de séjour, une première – un droit à une indemnisation. Il s’agit d’une reconnaissance importante : ces personnes sont des travailleurs∙euses comme les autres, et doivent à ce titre elles aussi avoir le droit à être indemnisées pour les revenus perdus en raison des mesures sanitaires liées à la pandémie. Vous trouverez davantage d’informations dans ce dépliant.
L’égalité des droits est un principe central pour lequel le CCSI s’est toujours engagé avec conviction. C’est pourquoi nous vous appelons toutes et tous à voter OUI le 7 mars à la loi sur l’indemnisation!
”Interdiction de se dissimuler le visage”: que vise réellement cette initiative ?
Après les minarets, la burqa
Le 29 novembre 2009, nous avons été nombreux et nombreuses à apprendre avec effarement que 57% des votant·e·s en Suisse avaient approuvé l’initiative lancée par le Comité d’Egerkingen (composé de personnalités de l’UDC et de la droite dure) pour interdire la construction de minarets en Suisse. Pourtant, on ne comptait que quatre minarets dans tout le pays… À l’époque déjà, l’affiche de campagne des initiants affichait la couleur : on y voyait une femme portant une burqa, à côté d’un drapeau suisse transpercé par des minarets. Le ton était donné.
Aujourd’hui, le même Comité d’Egerkingen tente de rééditer son ”coup” de 2009 avec son initiative intitulée ”oui à l’interdiction de se dissimuler le visage” qui, on s’en doute, ne vise pas le port du masque chirurgical… mais celui de la burqa ou voile intégral.
Or, pas plus que les minarets, la burqa ne représente une réalité significative en Suisse. Le Conseil fédéral a estimé le nombre de femmes portant le voile intégral entre 95 et 130. La majorité sont d’ailleurs des touristes des pays du Golfe qui – avant la pandémie – venaient passer des vacances en Suisse, et pour qui la question de ”l’intégration” ne se pose évidemment pas.
Que cherchent les initiants ?
Une fois de plus, la droite populiste, avec cette initiative, utilise la même recette qui lui a si bien réussi avec l’initiative anti-minarets : stigmatiser une religion (l’Islam) et la population musulmane, au travers de l’image de la femme voilée.
Les femmes voilées, et par extension les femmes musulmanes dans leur ensemble, sont ainsi montrées du doigt, et réduites à des figures de victimes opprimées, soumises à leur ”communauté”, et incapables de décider par elles-mêmes de leur vie. Par la même occasion, les femmes occidentales (non voilées) sont présentées comme libres et émancipées. Ce discours occulte ainsi les multiples formes d’oppression (violences, harcèlement, inégalités salariales, etc.) dénoncées, en Suisse comme ailleurs, par les mouvements féministes depuis des décennies.
Non à l’instrumentalisation des droits des femmes à des fins xénophobes
Il est pour le moins choquant de voir l’UDC se faire le champion des ”droits des femmes” pour prétendre vouloir ”sauver” les femmes musulmanes de leurs pères et maris, alors que ce parti a toujours montré son hostilité aux luttes féministes en Suisse. Plus troublante est l’adhésion de certaines personnalités du PS à cette initiative, au nom de la liberté des femmes. Or, la question posée par la votation du 7 mars n’est pas de savoir si nous sommes favorables ou non au port de la burqa. La question est de savoir si la libération des femmes peut être obtenue par des mesures qui les stigmatisent et les excluent de l’espace public. Rappelons que si une femme est obligée par quelqu’un à porter un voile (de même que n’importe quel autre vêtement qu’elle ne souhaite pas porter), cet acte de contrainte est déjà réprimé par le Code pénal (art. 181). L’initiative n’apporte rien sur ce point.
Interdire la burqa ne libérera aucune femme. Bien au contraire : cette mesure est discriminatoire (seules les femmes sont visées) et xénophobe (seules les musulmanes sont visées). Le corps des femmes n’appartient à personne, pas plus à ceux qui veulent lui imposer le voile qu’à ceux qui veulent le lui retirer.
VOTONS NON LE 7 MARS A L’INITIATIVE ”ANTI-BURQA”
Anne-Marie Barone
Sans-papiers : un rapport très décevant
Juste avant Noël, le Conseil fédéral a discrètement publié un rapport sur la problématique des sans-papiers en Suisse et les solutions à envisager pour cette dernière. Alors que la crise liée à la pandémie de COVID-19 a mis crument en lumière la précarité dans laquelle vit une bonne partie de cette population, et quelque mois après que le canton de Genève a tiré un bilan positif de l’opération Papyrus, le Conseil fédéral préconise… de ne rien changer du tout à son approche de la question.
Ce rapport est en réalité la réponse du gouvernement à un postulat adopté en 2018 par le Conseil national. Le postulat lui-même découlait des débats parlementaires qui ont fait suite au lancement de l’opération Papyrus à Genève. Plutôt que de la bloquer immédiatement comme le demandait l’UDC, les député∙e∙s ont préféré laisser le projet pilote suivre son cours, tout en demandant au Conseil fédéral un rapport sur la situation globale des sans-papiers (réglementation du séjour, mais aussi accès à la santé, aux assurances sociales, à l’éducation, etc.) et des solutions ”en tenant compte des enseignements tirés de l’opération Papyrus”.
Ainsi, après deux ans de travaux sous la houlette du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), le Conseil fédéral arrive à une conclusion que les associations de défense des personnes migrantes comme le CCSI ne peuvent que déplorer : le système, bien qu’il ne soit pas parfait, fonctionne de manière satisfaisante et il n’y pas de raison d’en changer.
Méthodologie problématique
Derrière ce constat, il y a un problème de méthodologie : pour rédiger son rapport, le SEM s’est appuyé sur un groupe d’accompagnement composé de représentant∙e∙s de diverses administrations fédérales et cantonales, mais duquel la société civile était complètement absente. En réalité, les organisations en contact direct avec la population concernée (une population dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle n’est que peu en contact avec les autorités) n’ont pu partager leur expertise et donner leur point de vue qu’à l’occasion d’une seule journée, organisée par le SEM en 2019. Cela explique beaucoup : car s’il y a bien un groupe d’acteurs pour lequel le système actuel ne fonctionne pas de manière satisfaisante, c’est bien celui des sans-papiers et des organisations qui les soutiennent. Mais comme on ne leur demande (presque) pas leur avis…
Sans les voix du terrain, il n’y avait personne pour rappeler les inégalités majeures qui subsistent entre les cantons non seulement pour l’accès à la régularisation, mais aussi dans d’autres domaines (santé, éducation, assurances sociales, justice). Le rapport passe par exemple complètement à côté des questions liées au travail ”au gris” (déclaré aux assurances sociales tout en étant sans permis de séjour).
Pas de recul
Pour ce qui est des solutions examinées et des recommandations faites par le Conseil fédéral, il est à souligner que le rapport ne préconise pas non plus de durcissements. La chose ne coule pas de source par les temps qui courent, et nous le saluons. Ainsi, pas de renforcement des sanctions, ni de restrictions envisagées pour l’accès à la santé, aux assurances sociales, ou encore à l’éducation. Le rapport réaffirme même un certain nombre de principes et de droits, ce qui contribuera probablement à freiner les tentatives de contestation dans les années à venir.
Un décalage frustrant
Les conclusions du rapport restent toutefois frustrantes, et parfois en décalage avec les constats qui figurent pourtant noir sur blanc quelques pages auparavant. Particulièrement au moment d’examiner les différentes solutions autour de la réglementation du séjour, le Conseil fédéral fait preuve d’une frilosité incompréhensible. Alors que le rapport prend acte du fait que l’opération Papyrus – qui proposait une solution novatrice pour favoriser la régularisation des sans-papiers établis de longue date en Suisse – s’est déroulée avec succès et n’a pas entraîné les effets négatifs que certains pouvaient craindre, le Conseil fédéral refuse toute mesure visant à pérenniser ces changements de pratique ou à en encourager l’extension à d’autres régions de Suisse. Comme si l’expérience genevoise n’avait pas eu lieu, il continue également de prétendre qu’une régularisation partielle (ou même une simple modification de l’OASA ou des directives) entraînerait un appel d’air. Une étude indépendante de bilan de l’opération, que personne se conteste, démontre pourtant le contraire.
De nouvelles voies à trouver
L’absence d’avancées sur la question de la régularisation est certainement en partie due à l’arrivée d’une Conseillère fédérale conservatrice à la tête du DFJP au moment critique du bouclement de l’opération. L’enthousiasme plus que modéré dont les autorités genevoises ont fait preuve pour défendre le bilan et les acquis de ce projet pilote ont également n’a pas contribué à faire bouger les lignes.
Il s’agit maintenant de chercher de nouvelles voies, notamment parlementaires, pour faire avancer ce dossier et permettre aux personnes sans statut légal de défendre leurs droits. Car si le Conseil fédéral estime que ”ce système imparfait a fait ses preuves, et permet de ménager des buts contradictoires”, il s’agit en réalité d’un triste euphémisme pour dire que la Suisse se satisfait de l’hypocrisie qui consiste à continuer d’exploiter la force de travail des personnes sans statut légal – sans toutefois leur ouvrir une voie crédible et praticable de sortie de la clandestinité.
Marianne Halle
CCSI : nouveaux statuts, nouvelle organisation, nouvelle responsable de l’administration !
Le CCSI entre en ce début 2021 dans une nouvelle phase de son existence. Lors d’une Assemblée générale extraordinaire le 28 janvier dernier, ses membres ont adopté des modifications statutaires qui permettent à l’association d’adapter son fonctionnement aux réalités d’aujourd’hui.
Ces changements visent à clarifier les rôles entre le comité et l’équipe professionnelle, en donnant à cette dernière plus de compétences et d’autonomie. Ainsi, une commission de coordination est instituée. Réunissant la responsable de l’administration et des finances, la responsable des communications et relations extérieures, ainsi qu’une personne issue des consultations (désignée par l’équipe), cette commission est désormais responsable du bon fonctionnement de l’équipe professionnelle ainsi que des activités du CCSI au quotidien.
Les trois personnes qui la composent siègent au Comité avec une voix consultative et assurent le lien avec les autres salarié·e·s, qui ne sont plus membres du Comité. Ce dernier garde quant à lui son rôle d’employeur, et reste responsable du pilotage stratégique de l’association. Différentes mesures visent par ailleurs à renforcer les liens entre les membres du comité et l’équipe salariée.
Enfin nous sommes ravis d’accueillir Emmanuelle Blanc, qui a repris le poste de responsable administrative après le départ de Martine Baudin (qui avait été engagée en CDD). Nous nous réjouissons de pouvoir compter sur ses compétences et son expérience, acquises notamment dans le monde associatif (Appartenances, la Bulle d’Air, Lestime). Cordiale bienvenue à elle !