CCSI-Info octobre 2021
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Édito| Marianne Halle
Alors que la Suisse peine, comme le reste du monde, à trouver le chemin pour sortir de la pandémie de COVID-19, la crise économique et sociale semble s’installer dans la durée. Elle se voit notamment dans les devantures de magasins ou de restaurants restées sombres malgré la réouverture. Elle se voit également dans le nombre de personnes qui continuent chaque semaine d’aller chercher un colis d’aide alimentaire, un nombre resté stable depuis juin 2020 à un niveau 30 à 40% plus élevé qu’avant la crise du COVID.
Les conséquences de cette crise se voient aussi dans les situations que nous suivons en consultation au CCSI. Certaines personnes ou familles n’ont toujours pas retrouvé le travail qu’elles avaient perdu au moment du premier confinement. D’autres n’ont retrouvé qu’une partie des heures, entraînant une différence de revenus suffisante pour ne plus être en mesure de boucler leurs fins de mois. D’autres encore sont arrivées à Genève juste avant la pandémie (parfois même après), et n’ont jamais réellement pu y trouver leur place.
Les aides financières directes distribuées par le réseau associatif ces 18 derniers mois (plus de CHF 1.2 mios rien que pour le CCSI) ont permis à des milliers de familles de tenir le coup pendant les pires mois de la crise. Mais les fonds sont désormais presque partout taris, et pour les familles qui ne pouvaient compter que sur cela pour survivre, c’est maintenant que les conséquences se matérialisent de manière brutale. Malgré les efforts louables du secteur associatif et de certaines collectivités publiques, l’ensemble des foyers d’hébergement d’urgence pour familles sont pleins à craquer, laissant une partie des familles à la rue.
Au CCSI, nous poursuivons notre engagement sur pour répondre aux conséquences de cette crise aussi sur le moyen terme. Car la forte détérioration des situations sur le plan économique a également des répercussions dans le domaine du droit au séjour. Alors que la pratique en matière de régularisations se durcit, ne pas être en mesure de prouver son indépendance financière ou avoir accumulé des dettes réduit considérablement les chances d’obtenir un permis. Il en va de même pour les renouvellements. Grâce à la générosité de nos donateurs (commune d’Anières, ACASE, ainsi que nos membres et sympathisants), nous allons pouvoir renforcer temporairement notre action (notamment dans la consultation Permis de séjour), en veillant à travailler sur les plans individuel et collectif. Face aux enjeux, cette articulation chère au CCSI semble plus nécessaire que jamais.
Accès à la formation : ne laissons pas les jeunes au bord du chemin
Cet article a initialement été publié sur le blog de Maurice Gardiol, hébergé par le site web de la Tribune de Genève, le 31 août 2021.
Ils s’appellent Habteab, Ismail, Mebrahtu, Alimou, Samson, Muhamad, Abel, Mamadou et d’autres encore dont les noms évoquent leurs pays d’origine : l’Erythrée, l’Irak, l’Iran, la Syrie, l’Afghanistan, le Pakistan, etc. Des pays en guerre, des pays où règne la discrimination et où les jeunes n’ont pas d’avenir. Ils ont fait de longues marches périlleuses pour parvenir jusqu’ici. Ils sont à Genève depuis plusieurs années, 36 d’entre eux depuis cinq ans et plus.
Ils ont été ”déboutés du droit d’asile”, même si la plupart d’entre eux ne peuvent être renvoyés dans leur pays. Ils sont réduits à l’aide d’urgence et surtout on leur interdit de poursuivre leur formation professionnelle et de travailler. C’est un programme de ”désintégration” qui condamne ces jeunes à l’assistance ou à l’errance avec tous les risques que cela comporte.
Un vrai scandale dans un pays comme la Suisse. Une honte pour une cité comme Genève qui se veut capitale du droit humanitaire. Notre constitution affirme l’inviolabilité de la dignité humaine, elle proclame le droit à la formation et à la formation continue pour toutes et tous, elle interdit les discriminations en fonction des statuts et des origines. Elle a même introduit la formation obligatoire jusqu’à l’âge de la majorité au moins (art. 194). Ces jeunes ont entre 18 et 25 ans et ils pourraient continuer à être mis au bénéfice de cet article. C’est un véritable gâchis que de les en priver, c’est même une perte pour notre économie et nos industries.
Si pour quelques-uns le renvoi est exécutable, il faudrait au moins leur permettre de terminer les formations commencées pour qu’ils aient l’espoir de trouver une issue chez eux et ne soient pas contraints à un nouvel exil pour fuir la misère.
Il y a deux ans le Grand Conseil genevois avait pourtant adopté deux motions et une pétition visant à faciliter la formation, l’insertion professionnelle et l’accès à un statut pour les personnes dont le renvoi n’est pas réalisable. Comment se fait-il qu’à ce jour des services de l’État et le Conseil d’État n’aient pas tout entrepris pour mettre en œuvre ces décisions ? Dans toute ma ”carrière” d’aumônier auprès des réfugiés ou de responsable associatif dans les domaines de l’asile et de la migration, j’ai connu des autorités de tous bords politiques plus entreprenantes et plus courageuses pour résoudre des situations telles que celles-ci.
La situation de ces jeunes est remarquablement documentée par un rapport qui vient de paraître de la Coordination asile Genève en collaboration avec l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE-romand).
Avec d’autres citoyennes et citoyens genevois, je lance cet appel au Conseil d’État : pour l’honneur de notre Cité, n’abandonnez pas ces jeunes au bord du chemin. C’est urgent !
Maurice Gardiol, ancien président de CAMARADA
Dysfonctionnements à l’OCPM
La Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil, chargée de veiller au bon fonctionnement de l’administration, a publié en mai dernier un rapport qui dresse un constat alarmant quant aux nombreux dysfonctionnements qui minent l’Office cantonal des populations et des migrations (OCPM).
Ne pas passer à côté de l’essentiel
À la sortie du rapport, l’attention médiatique s’est pourtant concentrée quasi exclusivement sur l’intervention d’un Conseiller d’État dans un dossier individuel de naturalisation. Mais à se focaliser sur le ”scandale”, on est passé à côté de l’essentiel. Car ce rapport vient en réalité confirmer ce que les associations de terrain dénoncent depuis des années, en vain : retards colossaux dans le traitement des dossiers, manque de formation du personnel, taux de rotation du personnel très élevé, organisation du travail déficiente, etc.
Ces problématiques ont des conséquences parfois dramatiques sur les conditions de vie des personnes de nationalité étrangère à Genève : stress, pertes d’emploi et de revenus, vie familiale mise à mal, intégration compromise, etc. C’est pour le rappeler que nous avons organisé avec d’autres associations de défense des personnes migrantes une conférence de presse fin juin dernier (voir le communiqué de presse).
Lorsque le rapport a été discuté en plénière du Grand Conseil début octobre, la discussion a une nouvelle fois porté sur les ingérences – celles de personnes externes dans les dossiers traités par l’Office, pour en demander un traitement accéléré, mais aussi celles du Conseil d’État, qui aurait cherché à empêcher les collaborateurs et collaboratrices de l’OCPM de répondre aux questions des commissaires. Si ces ingérences sont graves et doivent bien sûr être dénoncées, elles détournent malheureusement une nouvelle fois le regard du véritable problème. Et il est décourageant de constater que ni les député∙e∙s (à quelques rares exceptions près) ni le Conseil d’État ne semblent se préoccuper outre mesure du fait qu’un service public pourtant central dysfonctionne à ce point.
Des solutions existent
Les solutions ne sont pas simples à trouver, et devront forcément se déployer sur différents niveaux. Parmi elles, la question des moyens accordés à l’Office occupe bien sûr une place de choix. De l’aveu même de l’OCPM, plus de 19’000 dossiers sont actuellement en cours, dont plus de 9600 ”en attente de traitement”. Il est clair qu’un tel retard ne pourra jamais être résorbé sans moyens supplémentaires. Reste à espérer que l’on s’en souvienne au moment des débats budgétaires.
Néanmoins la question des moyens ne doit pas occulter les autres problématiques, notamment celle de la formation du personnel et de l’organisation du travail. Les pratiques inutilement chronophages et chicanières de l’OCPM mériteraient également d’être questionnées à la lumière des conclusions du rapport.
C’est pourquoi nous en appelons à l’ensemble des acteurs concernés : un véritable plan d’action et une reprise en main du pilotage politique de l’Office sont aujourd’hui nécessaires pour le sortir de l’ornière, et garantir à la population un service public qui fonctionne pour toutes et tous.
Marianne Halle
Archives du CCSI: vernissage et table ronde
En 2019, après plus de 45 ans d’existence, le Centre de Contact Suisses-Immigrés avait accumulé un nombre important de documents autour de l’immigration à Genève. Afin de les valoriser et de les rendre accessibles au grand public, le CCSI a décidé de remettre ses archives aux Archives contestataires, un centre spécialisé dans la conservation d’archives de mouvements sociaux. Grâce au soutien de la Société suisse d’utilité publique et du Fonds Mécénat des SIG, les archives sont désormais inventoriées et conditionnées, permettant ainsi la consultation du fonds par les chercheurs et le public.
Pour célébrer l’aboutissement de ce projet et mettre en lumière l’importance de ces archives pour l’histoire de Genève, nous vous invitons à une soirée de vernissage :
Jeudi 25 novembre 2021, 19h
Ancienne Usine Parker à Carouge (50C, Rue Jacques-Grosselin)
- Présentation du fonds: Frédéric Deshusses et Alfredo Mignini (Archives contestataires)
- Table ronde avec: Patrick Auderset (Collège du Travail), Sarah Kiani (historienne, UNINE), Florio Togni (ancien président du CCSI), modération par Rosita Fibbi (coprésidente du CCSI).
La table ronde sera suivie d’une verrée. Venez nombreuses et nombreux, nous nous réjouissons de vous y retrouver !
N.B : la soirée se tiendra dans le respect des normes sanitaires, consultez notre site internet la semaine de l’événement pour les dernières informations à jour.