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CCSI-Info juillet 2022

Publié le 3 juillet, 2022 dans ,

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Édito| Marianne Halle

Il y a quelques semaines, la Tribune de Genève publiait une interview du député centriste et  président de l’USAM (Union suisse des arts et métiers, l’une des centrales patronales) Fabio Regazzi. Il y expliquait pourquoi il avait soutenu un accès facilité à l’apprentissage pour les sans-papiers, et la possibilité pour les personnes déboutées de l’asile de continuer à travailler jusqu’à la date de leur renvoi. Sans angélisme ou naïveté, il exprimait une position pragmatique, ancrée dans le bon sens et les réalités du marché de l’emploi aujourd’hui.

Comme c’est souvent le cas, sa position semble découler de la conjonction de deux facteurs : la confrontation directe avec une situation individuelle (un jeune requérant débouté, dont le renvoi ne pouvait pas être exécuté, forcé de quitter l’emploi qu’il occupait avec succès depuis des années, pour émarger à l’aide sociale) ; et un patient travail d’explication et de conviction, mené par des personnes du mouvement pour les droits des migrant∙e∙s (ici les deux coprésidentes de la Plateforme nationale pour les sans-papiers).

Heureusement que des politicien∙ne∙s sortent encore parfois des carcans idéologiques de leurs partis, écoutent d’autres voix et ont le courage politique de chercher des solutions concrètes qui tiennent compte des réalités humaines sur le terrain. C’est suffisamment rare pour être souligné.

Pour sa part, le CCSI continuera de s’engager sur ces deux plans : sensibiliser le public sur les réalités que vivent les personnes migrantes, et faire le travail de plaidoyer nécessaire pour que leurs conditions de vie s’améliorent sur le long terme. Bonne lecture à toutes et tous et bel été!


Dernière ligne droite!

En mai, nous vous avons écrit au sujet de l’initiative et de la pétition lancées en faveur des droits politiques complets pour les étrangers∙ères sur le plan cantonal à Genève. La phase de récolte de signatures bat son plein.

Merci à toutes celles et tous ceux qui nous ont envoyé leurs signatures, nous sommes ravis de constater que les membres du CCSI partagent notre détermination à faire aboutir cette revendication historique !

Si vous avez encore des feuilles de signatures chez vous, merci de nous les renvoyer (même incomplètes !) avant le 20 juillet dernier délai au :

CCSI
25 Route des Acacias
1227 Les Acacias/Genève

Chaque signature compte, d’avance merci à toutes et tous !


Bella ciao!

C’est avec émotion que l’équipe et le comité du CCSI ont appris le décès, le 25 avril dernier, de Viviane Gonik. Viviane a été co-présidente du CCSI, avec Sophie De Weck, de 2013 à 2019. Avec ces quelques lignes, écrites par les présidentes du CCSI avant, avec et après elle, nous voulons nous souvenir d’elle et lui rendre hommage.

Lorsque j’avais exprimé le souhait de renoncer à la présidence du CCSI, et que nous étions à la recherche de candidat∙e∙s pour cette fonction, j’avais rencontré Viviane pour la solliciter. À vrai dire, je n’avais pas beaucoup d’espoir qu’elle accepte : pour la militante qui avait toujours refusé toute forme d’engagement « institutionnel », je craignais que la proposition de devenir co-présidente d’une association ne la séduise guère… Heureusement, je m’étais trompée ! Dès que je lui ai décrit le travail mené par le CCSI, elle s’est tout de suite montrée intéressée. La perspective de partager la présidence avec Sophie, qu’elle connaissait et appréciait pour avoir collaboré professionnellement avec elle, a certainement joué un rôle favorable dans sa décision.

Viviane a apporté au CCSI sa vision critique acérée de la société, tant du point de vue des rapports de classe que des rapports de genre. Parallèlement, elle a fait preuve d’un véritable intérêt pour le travail concret mené au jour le jour dans les consultations du CCSI, et pour les conditions de travail des salarié∙e∙s.

Militante de longue date (elle a fait partie du MLF dans les années 1970), Viviane était aussi une intellectuelle dans le sens le plus noble du terme : lisant énormément, et d’une grande curiosité intellectuelle, elle aimait faire partager ses lectures. Quelques semaines seulement avant a mort, elle me transmettait encore des articles d’une revue féministe québécoise dont je n’avais jamais entendu parler…

Merci Viviane !

Anne-Marie Barone

Depuis 1997, Viviane et moi avons cheminé ensemble autour de divers engagements. Le dernier a été notre co-présidence du CCSI. Femme de tête, de cœur et de courage comme l’ont décrite ses proches, Viviane a apporté au CCSI toute sa bienveillance, sa clairvoyance, sa vision d’une société solidaire et beaucoup d’humour aussi.

Profondément indépendante et intéressante de par sa grande culture et sa capacité d’observation de la société, sans aucun artifice, Viviane a été une militante et amie qui a marqué le CCSI et ma vie.

Viviane, tu nous manques, hasta siempre !

Sophie de Weck

Quand nous avons repris le flambeau de la coprésidence du CCSI, nous savions pouvoir encore compter sur l’engagement de nos prédécesseures. Et Viviane, aussi longtemps que possible, nous a fait profiter de sa vivacité d’esprit, de ses convictions, de son amitié, de son large sourire et de son regard malicieux.

Nous ne t’oublierons pas Viviane, merci pour tout !

Emilie Flamand-Lew et Rosita Fibbi


LEI : au canon contre un moineau

Ce printemps, une énième modification de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) visant les personnes venant de l’extérieur de la forteresse Europe était soumise à consultation (pour lire la réponse du CCSI à cette consultation, cliquez ici). L’objectif affiché des mesures proposées est d’inciter les étrangers∙ères ressortissant∙e∙s d’États tiers à améliorer leur intégration, notamment sur le marché du travail. Pour y parvenir, on propose notamment de réduire les montants d’aide sociale accordés aux ressortissant∙e∙s d’États tiers pendant les trois années suivant l’octroi d’un permis B ou L, et d’ajouter « l’encouragement et le soutien donné à l’intégration des membres de la famille » aux critères d’intégration qui sont examinés lors de l’octroi et du renouvellement des permis. Une fois de plus, pour apaiser une certaine droite populiste, on concocte des mesures mal pensées, qui ratent leur cible (aussi discutable soit-elle !) mais qui auront un impact désastreux sur la vie des familles concernées.

Des mesures inadéquates

Les personnes relevant du regroupement familial sont les principales visées par la réduction proposée des montants d’aide sociale. Or il est notoire que la grande majorité des personnes au bénéfice d’un permis pour regroupement familial sont des femmes et des enfants. La mesure touchera donc les femmes de manière prépondérante, de sorte qu’elle constitue une discrimination indirecte à l’égard de celles-ci.

En réduisant encore davantage les ressources des personnes bénéficiaires, on réduit également leur capacité de participer à la vie sociale et culturelle, ce qui aura inévitablement un impact négatif sur leur intégration. Le CCSI, en tant que témoin quotidien des effets de la précarité sur les enfants, est particulièrement inquiet des conséquences de ces diminutions de montants sur les enfants des familles concernées.

De plus, la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) estime que la mesure ne permettrait de réduire les dépenses d’aide sociale que d’environ 3 millions de francs, soit 0.1% des dépenses totales. Une bagatelle.

Enfin, on peine à comprendre en quoi la mesure permettrait d’atteindre l’objectif poursuivi par les autorités de « réduire l’attractivité de la Suisse »: en effet, près de la moitié des ressortissant∙e∙s d’États tiers bénéficiant du regroupement familial rejoignent un·e conjoint·e suisse. Ces personnes vont-elles renoncer à leur vie de famille en raison de ces nouvelles restrictions ? Bien sûr que non.

Encouragement à l’intégration des membres de famille : une mesure basée sur une fiction

Avec près de 50 ans d’expérience et en contact quotidien avec les personnes migrantes, la situation d’une personne décourageant ses membres de famille de s’intégrer est un cas de figure que le CCSI ne rencontre pour ainsi dire jamais. La mesure s’adresse dès lors à des figures imaginaires qui découlent davantage de préjugés que des réalités de terrain.

Les obstacles réels à l’intégration, notamment sur le marché du travail, sont surtout l’absence de reconnaissance des diplômes, la discrimination à l’embauche, l’absence de solutions de garde, les cours de langue trop chers et/ou inadaptés aux publics concernés, etc. Or le projet ne propose aucune mesure visant à atténuer ces obstacles structurels, se contentant de faire peser la responsabilité de l’intégration des membres de famille sur les épaules des individus, par le biais de mesures « punitives ».

Espérons donc que le Parlement saura reconnaître le caractère disproportionné, inadéquat et discriminant de ces propositions, et les rejeter fermement.

Jean Blanchard


Pour des politiques de santé inclusives

On nous a récemment alerté sur un article académique[1] paru cette année, dont les conclusions sont édifiantes. L’étude en question porte sur une comparaison des causes de mortalité entre les personnes sans statut légal en Suisse d’une part, et étrangers∙ères avec permis ou suisses de l’autre.

L’analyse des causes de décès en Suisse entre 2011 et 2017 montre clairement que les personnes sans statut légal sont surreprésentées dans certaines catégories, comme celle des maladies cardio-vasculaires. Les sans-papiers meurent deux fois plus que les étrangers∙ères avec permis et les Suisses de ce type de maladies. Une partie de l’explication réside bien sûr dans les conditions de vie précaires de cette population (stress, mauvaises conditions de travail, moins d’accès à une alimentation saine, moins de temps pour faire de l’exercice, etc.), qui influent négativement sur l’état de santé général des personnes concernées.

Mais la recherche pointe un autre élément très intéressant. Dans les cantons qui ont des politiques d’accès aux soins plus inclusives, la différence entre les personnes sans statut légal et les autres groupes s’amoindrit. À Genève et dans le canton de Vaud par exemple, les sans-papiers ont généralement accès au système de santé publique, et il existe diverses structures « bas seuil » qui fournissent des soins à toute personne indépendamment du statut légal ou de l’affiliation à l’assurance maladie. Or il y a significativement moins de différence entre la mortalité par maladies cardiovasculaires des hommes sans statut légal et celles des Suisses dans ces cantons que dans ceux qui ont des politiques d’accès aux soins restrictives.

Selon les chercheurs∙euses, le fait d’étendre l’accès aux soins aux sans-papiers améliore l’accessibilité des traitements et des mécanismes de protection sociale ; les informations sur les symptômes, la prévention et la propagation des maladies sont plus précises ; et le personnel de santé a moins tendance à prendre des décisions arbitraires autour de qui mérite ou non de recevoir des soins. Des recherches précédentes ont  montré que les réponses inadéquates aux risques de santé des personnes sans-papiers augmentent les coûts de santé et pour la société.

Si la situation à Genève est moins mauvaise qu’ailleurs, rappelons que la plupart des adultes sans-papiers n’ont toujours pas d’assurance maladie, en raison de l’accès limité aux subsides. Le CCSI continuera de s’engager en faveur d’un véritable accès à la santé pour toutes et tous, sans discrimination.

Marianne Halle

[1] The political determinants of the health of undocumented immigrants: a comparative analysis of mortality patterns in Switzerland”, L. Piccoli & P. Wanner, BMC Public Health, 2022


Stage au CCSI

Le CCSI est à la recherche d’un·e stagiaire (pré-stage HETS général ou spécifique, reconnaissance de diplôme, etc.). Les caractéristiques de ce stage sont les suivantes :

  • stage non rémunéré (défraiement);
  • temps de travail 80%;
  • début au 17 octobre 2022;
  • maîtrise orale de l’espagnol et/ou du portugais indispensable.

La réalité des personnes migrantes à Genève vous intéresse? Nous offrons un travail varié au sein d’une petite équipe motivée. N’hésitez pas à nous envoyer votre dossier jusqu’au 1er septembre 2022 (à l’adresse admin@ccsi.ch), nous nous réjouissons de vous rencontrer!