Groupe de travail femmes migrantes et violences conjugales

Le groupe de travail « Femmes migrantes et violences conjugales » a été créé début 2009 à l’initiative du CCSI. La nécessité de mettre sur pied un groupe de travail s’est imposée parce que nous faisions le constat suivant: des femmes migrantes renonçaient à quitter un mari violent parce qu’elle risquaient ce faisant de perdre le permis qui leur avait été accordé dans le cadre du regroupement familial et d’être ainsi renvoyées dans leur pays.

En effet, la Loi sur les étrangers stipulait à l’époque (art. 50, al. 1, let. b) que si l’union conjugale avait duré moins de trois ans, le permis n’était renouvelé que si des « raisons personnelles majeures » le justifiait. L’alinéa 2 précisait ensuite que « Les raisons personnelles majeures visées à l’al. 1, let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale et que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise. » Or dans la pratique, s’il était souvent difficile de prouver les violences conjugales, il était quasi impossible de démontrer que la réintégration de la personne dans son pays d’origine serait « fortement compromise ». Par conséquent, de nombreuses femmes originaires de pays tiers (c’est-à-dire en dehors de l’Union européenne et de l’Association européenne de libre échange) étaient confrontées au « choix » suivant : se taire et subir la violence ou la dénoncer et risquer la perte du permis.

Une première victoire: le changement de loi en 2012

Dès sa création, le groupe a mené un intense travail de lobbying pour que la Loi sur les étrangers soit modifiée le plus rapidement possible, afin que les épouses ressortissantes des pays hors Union européenne, victimes de violences conjugales, se voient garantir le droit au renouvellement de leur permis de séjour en cas de séparation/divorce, sans autre condition que d’avoir rendu vraisemblables les violences conjugales.

Grâce notamment aux efforts du groupe de travail, le changement de loi est arrivé en 2012, lorsque l’Assemblée fédérale, en adoptant la Loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés, a également modifié l’al. 2 de l’art. 50 LEtr, dont la teneur est désormais la suivante: « Les raisons personnelles majeures visées à l’al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux, ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise. »

Le travail du groupe aujourd’hui

L’application qui est faite de l’article 50 LEtr demeure aujourd’hui problématique car elle impose le devoir de démontrer que la violence subie « revêt une certaine intensité » ainsi que le fait que l’auteur inflige des mauvais traitements systématiques à la victime pour affirmer sa supériorité et exercer un contrôle sur celle-ci. Ainsi, malgré le changement de loi, cette pratique empêche dans de nombreux cas la protection réelle et efficace des femmes étrangères victimes de violences conjugales, celles-ci n’osant quitter leur conjoint par peur de perdre leur permis.

L’exigence supplémentaire, lors des renouvellements ultérieurs du titre de séjour d’une femme victime de violences conjugales, d’une intégration lui permettant de subvenir à ses besoins sans recourir à l’aide sociale, signifie une pression néfaste susceptible d’aggraver les conséquences psychologiques des traumatismes subies.

De plus, malgré la marge d’appréciation dont jouissent les autorités cantonales et fédérales dans l’octroi d’autorisations de séjour, les diverses preuves des violences subies et les conséquences de celles-ci ne semblent pas être prises en compte à leur juste titre lors des procédures qui, de surcroît, durent très longtemps.

En outre, la Suisse a décidé de ratifier la Convention d’Istanbul[1] en émettant une réserve par rapport à l’application de l’art. 59, qui précise, dans son al. 1, que « Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l’éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. ».

Ainsi, les principales revendications du groupe de travail aujourd’hui sont:

  • que l’exigence de démontrer d’avoir subi des violences systématiques et d’une « certaine intensité » de la part d’un auteur ayant la volonté de contrôler la victime soit abandonnée
  • que les conjointes étrangères victimes de violences conjugales pouvant se prévaloir de l’art. 50 LEtr continuent à avoir accès au Tribunal fédéral dans tous les cas
  • que les renouvellements ultérieurs d’un permis accordé conformément à l’art. 50 al. 1 b) et al. 2 ne soient pas remis en question au seul motif que la personne concernée dépend de l’aide sociale
  • que la réserve émise à l’art. 59 de la Convention d’Istanbul puisse être levée.

Notre objectif à plus long terme est de permettre aux épouses étrangères de bénéficier d’un droit au séjour indépendant de leur statut matrimonial, afin de diminuer le degré de dépendance.

[1]  Convention du Conseil de l’Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. La réserve émise par la Suisse peut être visionnée ici.