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14 juin 2019: femmes migrantes, pour l’égalité et pour les droits!

Publié le 16 mai, 2019 dans , ,

Le CCSI s’engage en faveur des droits des femmes migrantes depuis de nombreuses années. En 2019, un groupe de femmes usagères du CCSI s’est formé pour échanger sur la situation des femmes migrantes avec et sans permis de séjour à Genève. Issues d’horizons divers, arrivées récemment ou présentes depuis de nombreuses années à Genève, elles ont fait part de leurs constats, de leurs préoccupations, et des difficultés qu’elles vivent en tant que femmes migrantes, en tant que travailleuses, ou en tant que mères. Malgré la diversité de leurs parcours, de nombreux points de convergence ont émergé au fil des rencontres. C’est pour visibiliser leurs réalités, mal connues, et défendre leurs droits que le CCSI a participé aux mobilisations féministes du 14 juin 2019.

Un « Collectif des femmes sans-papiers» s’est créé dans la foulée, et nous vous invitons également à lire le texte écrit par l’une d’entre elles, Romina (texte aussi disponible en español).

Nous reproduisons ci-dessous le texte écrit en collaboration avec les participantes de ce groupe de femmes usagères du CCSI, au printemps 2019. Une version PDF peut être téléchargée ici.

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Nous, femmes migrantes avec ou sans permis de séjour à Genève, participons aux mobilisations féministes du 14 juin parce que le combat pour l’égalité nous concerne. Trop souvent victimes de discriminations multiples, nous réclamons les mêmes droits pour toutes les femmes, d’où qu’elles viennent et indépendamment de leur statut.

Nous existons

Encore aujourd’hui, le travail domestique et de « care » repose en majorité sur les épaules des femmes, même si elles travaillent à l’extérieur du foyer. Pour assumer ces tâches – garder les enfants et les personnes âgées ou dépendantes, faire le ménage, etc. – de nombreuses familles font appel à nous, femmes migrantes, souvent sans statut légal (« sans-papiers »). Invisible, notre travail permet à d’autres de faire carrière, d’avoir du temps pour soi, et… de militer !

Parce que nous sommes femmes et migrantes, nous sommes assignées à travailler dans des secteurs peu qualifiés même lorsque nous avons des diplômes, de l’expérience dans d’autres domaines ou d’autres envies professionnelles.

A Genève, nous sommes des milliers à vivre et travailler sans statut légal, en majorité des femmes, très souvent actives dans l’économie domestique. Notre travail est indispensable au fonctionnement de l’économie suisse, mais nous n’avons pas de possibilité d’immigrer légalement lorsque nous venons de pays extra-européens.

Nous voulons…

  • être reconnues: on nous demande d’être invisibles, mais nous sommes là, nous vivons et travaillons ici, et prenons en charge un travail essentiel pour la société suisse.
  • des perspectives d’immigration légale  et la régularisation de notre statut de séjour: un travail = un permis.
  • pouvoir faire reconnaître nos diplômes et nos expériences professionnelles, et accéder à la formation.
  • être protégées par la loi contre les discriminations sur le marché du travail.

Nous travaillons

Travailler dans des secteurs peu qualifiés est trop souvent synonyme de conditions précaires. Dans l’économie domestique notamment, cela implique des bas salaires, souvent bien en-dessous du minimum légal, des horaires irréguliers, pas de versement du salaire en cas de maladie ou pendant les vacances, multiplier les employeurs pour espérer boucler le budget à la fin du mois, etc. Les bas salaires et l’absence de cotisations aux assurances sociales posent problème également lorsque nous arrivons à l’âge de la retraite ou que nous ne pouvons plus travailler en raison d’une maladie ou d’un accident.

Nous voulons…

  • un salaire suffisant pour vivre.
  • des conditions de travail décentes: vacances payées, congés maladie, cotisations aux assurances sociales payées, horaires de travail définis et respectés, etc.
  • accéder aux allocations familiales et de naissance sans discrimination.

Nous élevons nos enfants

La société estime que les tâches de « care » sont la responsabilité des femmes et c’est sur nous que repose en premier lieu la charge des enfants. Pourtant, trop souvent, on ne nous considère pas comme des cheffes de famille qui doivent subvenir aux besoins de leurs enfants.

Nombre d’entre nous éduquons seules nos enfants, parce que le père est absent ou qu’il a dû rester dans un autre pays pour des raisons économiques. Assumer seules la charge financière et la garde de nos enfants représente une pression constante qui impacte notre santé et celle de nos enfants.

L’arrivée d’un enfant est trop souvent synonyme de précarisation : licenciement lié à la grossesse ; frais de santé à assumer parce que nous n’avons pas d’assurance-maladie ; difficultés à trouver une solution de garde qui nous obligent à renoncer à des heures de travail pourtant essentielles ou à aller au travail avec nos enfants, etc.

Pouvoir offrir un avenir meilleur à nos enfants est un des éléments qui nous font accepter ces conditions de vie et de travail. Nous souffrons lorsque, malgré nos efforts, ils subissent des discriminations en raison de leur nationalité, de leur statut légal ou du manque de moyens financiers.

Beaucoup d’entre nous ont dû laisser leurs enfants, ou une partie d’entre eux, dans le pays d’origine. Devoir vivre loin des siens tout en s’occupant des enfants et des proches des autres est souvent difficile à vivre et a une influence négative sur notre santé et notre moral.

Nous voulons…

  • avoir les moyens de subvenir décemment aux besoins des nôtres.
  • un meilleur accès à des solutions de garde (crèches, gardes extrascolaires) et aux diverses aides aux familles.
  • que nos enfants puissent vivre leur enfance sereinement et bénéficier des mêmes perspectives d’avenir que les autres enfants.

Violences et dépendances

En tant que femmes migrantes, d’autant plus sans autorisation de séjour, nous sommes confrontées tant dans notre sphère privée que professionnelle à des formes de harcèlement et d’abus directement liées à la précarité de notre statut ou à son absence. Cela génère des dépendances multiples et exacerbe notre vulnérabilité vis-à-vis de nos employeurs, de nos logeurs ou encore de nos conjoints.

Victimes de violences, sans statut légal, nous sommes poussées au silence par un chantage à la dénonciation et risquons un renvoi si nous portons plainte. Même lorsque nous avons un permis, notre protection reste insuffisante, notamment en cas de violences conjugales. Le risque que fait peser sur le permis le fait de recourir à l’aide sociale aggrave notre dépendance au permis et/ou aux revenus de notre conjoint, même lorsque nous subissons des violences.

Nous voulons…

  • des permis de séjour indépendants de celui du conjoint.
  • pouvoir déposer plainte lorsque nous sommes victimes, sans risquer une transmission des données aux autorités migratoires, et donc un renvoi.

Accès à la santé

Nos conditions de travail et de vie ont un impact négatif sur notre santé physique et mentale, sans compter le stress causé par l’accumulation des rôles sociaux que les femmes, particulièrement mères de familles monoparentales, doivent jouer.

Pourtant, l’accès à la santé reste compliqué pour nombre d’entre nous : barrières financières et administratives (primes exorbitantes au vu de nos revenus, subsides inaccessibles ou insuffisants) ; impossibilité de renoncer à des heures de travail même lorsque nous sommes malades ; difficultés d’accès à des soins psychologiques, qui se répercutent sur la santé mentale de nos enfants ; confrontation parfois à des attitudes peu respectueuses voire discriminantes de la part de certain·e·s professionnel·le·s de la santé.

Nous voulons un meilleur accès aux soins, tant pour la santé physique que mentale.

Discriminations

Femmes, migrantes, avec une autorisation de séjour précaire ou liée à celle de notre conjoint, ou sans statut légal, nous faisons face à un cumul de discriminations. Ces discriminations sont souvent structurelles. Mais les comportements de certains individus envers nous renforcent ce sentiment d’injustice. Parce que nous sommes allophones, on tend à nous considérer comme moins éduquées et moins compétentes. Nous somme fréquemment victimes d’attitudes racistes ou paternalistes.

Nous voulons l’égalité et le respect de nos droits.
 

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Le CCSI s’engage en faveur d’une société plurielle, démocratique, ouverte et solidaire. Parallèlement à l’accompagnement individuel qu’il offre aux personnes migrantes, il travaille également sur le plan collectif et politique pour favoriser l’égalité des droits pour toutes et tous, indépendamment de l’origine ou du statut migratoire.

Pour mener à bien cette mission en toute indépendance, votre soutien est essentiel. Merci d’avance pour votre générosité, quel qu’en soit le montant – chaque franc compte!

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