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CCSI-Info janvier 2022

Publié le 21 janvier, 2022 dans , , ,

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Édito| Marianne Halle

L’année 2022 commence une nouvelle fois sous le signe de la pandémie, et la situation sanitaire donne l’impression d’un certain immobilisme. À certains égards, c’est comme si l’année 2020 comptait déjà 750 jours, et n’allait jamais se terminer. Les temps sont difficiles, y compris pour l’équipe du CCSI qui doit continuer d’assurer le suivi des dossiers malgré plusieurs absences en ce moment.

Pourtant des signes d’espoir existent, et la lutte continue. La plongée dans les archives du CCSI (voir ci-dessous) nous l’a rappelé, cette impression d’immobilisme est parfois trompeuse. Même si les problématiques ne disparaissent pas – les difficultés que rencontrent les familles migrantes pour obtenir le regroupement familial restent d’actualité, par exemple – les petits pas finissent par déboucher sur de véritables victoires. C’est ce que nous espérons sur le front de la protection des femmes migrantes victimes de violences conjugales, où des améliorations sont en vue (voir ci-dessous) après des années de travail par le CCSI et ses partenaires.

Autre signe d’espoir, nos venons d’apprendre que le référendum contre l’extension de Frontex paraît avoir abouti, avec plus de 55’000 signatures récoltées. Si cela se confirme, il s’agit d’une victoire importante, à mettre au crédit des mouvements militants qui ont porté cet effort à bout de bras. Le CCSI soutiendra cas échéant la campagne en faveur du non lors de la votation prévue le 15 mai.

En attendant, une première étape nous attend dans cette année militante : la votation du 13 février sur la loi sur le logement, à laquelle le CCSI appelle à voter résolument NON (voir ci-après). Bon début d’année à toutes et tous, nous nous réjouissons de poursuivre notre engagement à vos côtés !


Le CCSI cherche des bénévoles

Le CCSI est à la recherche de personnes bénévoles pour renforcer sa permanence d’accueil et information. Si vous-même ou l’une de vos connaissances correspond aux critères suivants :

  • disponible au minimum une demi-journée par semaine et pour une durée d’une année au moins ;
  • connaissance du réseau social genevois ;
  • maîtrise orale de l’espagnol et/ou du portugais (indispensable !)

n’hésitez pas à vous rendre sur cette page pour en savoir plus. Nous nous réjouissons de vous rencontrer !


Votation du 13 février : NON à une loi sur le logement discriminatoire et injuste

Un “droit au logement” bien peu effectif…

Bien que la Constitution genevoise garantisse expressément le droit au logement, quiconque a eu l’occasion de chercher à se loger à Genève sait par expérience qu’un tel “droit au logement” n’existe que sur le papier. La pénurie de logements et le niveau des loyers ne permettent qu’à une minorité de privilégiés de trouver un appartement sur le marché libre. Pour la majorité de la population en revanche, le seul espoir de se loger à des conditions abordables est de postuler pour un logement social (HBM, HLM, HM), dont le loyer est contrôlé par l’État. L’accès à ce type de logements est régi par la LGL (Loi générale sur le logement et la protection des locataires), dont l’art. 31B al. 3 prévoit que seules les personnes payant l’impôt sur le revenu à Genève et ayant résidé dans le canton pendant deux années continues dans les cinq dernières années, peuvent postuler pour un logement social. Cette disposition exclut déjà de nombreuses personnes, à savoir toutes les personnes (Suisses ou étrangères) arrivées à Genève depuis moins de deux ans, sans parler évidemment des personnes sans statut légal ; ces dernières n’ont aucune possibilité de conclure un bail, que ce soit sur le marché libre ou subventionné, et se voient contraintes de recourir à la sous-location auprès de particuliers, souvent dans des conditions abusives, voire usurières.

À l’heure actuelle, il existe une liste de près de 8000 personnes, qui remplissent les conditions de la LGL, et qui sont inscrites dans l’attente de se voir proposer un logement social…

… et que la droite voudrait encore restreindre !

En invoquant la “priorité aux résidents genevois de plus longue date”, le MCG a déposé, en août 2020, un projet de loi visant à durcir les conditions permettant l’accès à un logement social, en prévoyant que seules les personnes ayant résidé à Genève pendant cinq années continues dans les dix dernières années pourraient accéder à un logement social.

Contre toute attente, ce projet absurde et discriminatoire a été adopté en catimini par la majorité du Grand Conseil, à la veille des vacances d’été 2021… La seule “concession” faite lors du débat en plénière a été de ramener à quatre ans au cours des huit dernières années la durée de résidence à Genève exigée pour pouvoir postuler à un logement social.

Une loi à rejeter fermement le 13 février

Grâce au référendum lancé par l’ASLOCA et soutenu par plusieurs associations actives dans le domaine du social (parmi lesquelles le CCSI, Caritas et le CSP notamment), les votant∙e∙s auront l’occasion de se prononcer le 13 février sur cette modification de la LGL.

Un NON massif à cette loi s’impose : parce qu’elle est dictée par des motivations xénophobes, et parce qu’elle ne fera qu’aggraver les difficultés de la majorité de la population, surtout les personnes les plus précaires, à trouver un logement à un loyer abordable, en maintenant de nombreux locataires dans des conditions de logement indignes (suroccupation de logements, loyers abusifs, etc.).

Sous le prétexte démagogique de favoriser les “résidents genevois”, cette loi divise les locataires et discrimine les personnes ayant le plus besoin d’un logement social… en pénalisant y compris les ressortissant∙e∙s suisses ou genevois∙e∙s qui viennent ou reviennent s’installer à Genève !

Anne-Marie Barone


Article 50 LEI : bonnes nouvelles en vue ?

Depuis de nombreuses années, les associations dénoncent l’application qui est faite de l’article 50 de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) et le fait que celui-ci ne bénéficie qu’à un cercle restreint de personnes étrangères victimes de violences conjugales. Le groupe de travail “Femmes migrantes et violences conjugales”, créé à l’initiative du CCSI, mène ainsi un travail de longue haleine pour faire changer le cadre légal et les pratiques et ainsi mieux protéger les femmes dans ces situations.

Alors que l’article 50 LEI prévoit le droit à la prolongation d’un permis obtenu par regroupement après séparation notamment lorsque le ou la conjoint·e est victime de violences conjugales, dans la pratique de nombreux obstacles continuent de maintenir ces victimes – majoritairement des femmes – dans des situations dangereuses. En effet, les directives exigent jusqu’à présent de démontrer les violences subies étaient systématiques et “d’une certaine intensité”. Au-delà d’être inacceptables sur le fond, ces exigences sont notoirement difficiles à remplir, notamment dans les cas de violences psychologiques ou économiques.

Par ailleurs, seules les personnes ayant épousé un∙e ressortissant∙e suisse ou un∙e étranger∙ère   au bénéfice d’un permis C se voient accorder un tel droit au titre de l’article 50 LEI.

Début janvier 2022, la Commission des institutions politiques du Conseil des États a accepté une motion parlementaire déposée par son homologue du Conseil national quelques mois auparavant, qui propose plusieurs modifications de la LEI. Si elle devait être acceptée en plénière (ce qui devrait être le cas au vu des majorités en Commission), cette motion impliquerait notamment la prolongation automatique des autorisations de séjour de victimes de violences conjugales notamment lorsque ces dernières ont été reconnues comme victimes au sens de la LAVI, ont bénéficié d’une prise en charge par un service spécialisé, ou de mesures d’éloignement du conjoint violent par la police ou la justice.

Autre amélioration notoire, le permis des victimes de violences conjugales sera renouvelé annuellement pendant trois ans afin de permettre à la personne concernée de remplir les exigences habituelles en matière d’intégration (notamment l’indépendance financière). Cela serait également une avancée considérable : aujourd’hui, les renouvellements de permis des victimes qui ont des difficultés à se reconstruire après avoir quitté un conjoint violent (et ne parviennent par exemple pas à devenir financièrement indépendantes rapidement) relèvent encore souvent du parcours du combattant.

Enfin, les modifications proposées incluent l’extension de ces droits aux conjoint∙e∙s de personnes détentrices de permis B ou F, ainsi qu’aux concubin∙e∙s.

Espérons que le Parlement saura reconnaître la nécessité d’adopter ces modifications. Comme l’ont montré sans relâche les membres du groupe de travail “Femmes migrantes et violences conjugales” dans le cadre de leurs interventions, la situation actuelle est inacceptable et pousse encore de trop nombreuses femmes à rester dans une union dans laquelle elles subissent des violences.

Marianne Halle, en collaboration avec Mariana Duarte et Eva Kiss


Archives du CCSI : se nourrir du passé pour préparer l’avenir

Il faut parfois avoir recours à l’illégalité – ou du moins à des formes d’action aux marges de la légalité – quand le droit est injuste. C’est l’un des constats forts qui ressortent de la soirée consacrée au vernissage du fonds d’archives du CCSI, déposé auprès des Archives contestataires. Cette soirée de novembre 2021 marquait l’aboutissement d’un projet entamé à l’occasion du déménagement du CCSI : assurer la conservation de près de 40 ans d’archives du Centre et les rendre accessibles aux chercheurs et chercheuses ainsi qu’au public.

La présentation du fonds a mis en lumière de quelques perles, comme cet enregistrement sonore dans lequel on entend Giuliana Abriel (permanente au CCSI dans les années 1980) parler des difficultés que connaissaient les familles migrantes pour obtenir le regroupement familial. Son intervention est suivie du témoignage d’une élève de la Petite école, à qui on demande si elle sait pourquoi elle ne peut pas aller à l’école comme les autres enfants : “parce que je n’ai pas de papiers“, répond-elle timidement. Impossible de ne pas ressentir l’injustice profonde de la situation dans laquelle nos lois avaient placé cette enfant.

Face à cela, les acteurs et actrices de l’époque ont rappelé que le projet du CCSI avait toujours été d’atteindre l’égalité des droits et la justice sociale pour l’ensemble de la société, et non simplement “d’aider les immigrés”. La mise sur pied de la Petite école est à cet égard un bon exemple des stratégies déployées par le Centre : le but n’était pas de créer une école clandestine, mais bien d’imposer le changement aux institutions. La Petite école avait ainsi pour objectif de pratiquer le droit à l’éducation avant même qu’il n’existe formellement, de manière à en forcer la concrétisation.

Plus largement, les archives du CCSI rappellent le rôle central que le Centre a joué pour les communautés immigrées à Genève. Son existence en tant que lieu de débat et d’élaboration collective a contribué à faire des émigré∙e∙s des immigré∙e∙s, et à mettre en commun leurs préoccupations et leurs revendications.

Gageons que la mise à disposition des archives du CCSI sera source de nombreux enseignements sur la vie des personnes migrantes à Genève, mais aussi d’inspiration pour les mouvements qui aujourd’hui luttent pour une société plus juste et plus solidaire.

Marianne Halle


Autre lutte… même combat!

Écrit par Anne-Marie Barone (ancienne présidente du CCSI) et Véronique Ducret, l’ouvrage ci-contre retrace les origines de la lutte contre le harcèlement sexuel à Genève.

De cas concrets en analyses approfondies, le livre donne à voir les stratégies et actions collectives mises en place pour visibiliser cette problématique, en faire un enjeu politique et, finalement, obtenir une protection juridique adéquate pour les victimes.

Malgré les indéniables victoires obtenues par les militantes de la cause, les auteures nous rappellent que le progrès ne survient que rarement de manière linéaire. Et que dans le domaine de la lutte contre le harcèlement sexuel “il vaut mieux être un homme, suisse, équilibré, harcelé par une directrice qu’une femme, étrangère, fragilisée, harcelée par un directeur.” Un constat qui s’applique à bien d’autres domaines, et qui aujourd’hui encore sert de moteur à nombre de combats pour davantage de justice.