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CCSI-Info septembre 2018

Publié le 13 septembre, 2018 dans , , ,

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Édito| Marianne Halle

Le cœur de ce numéro est consacré à une campagne dont nous vous avons déjà parlé plusieurs fois : celle que nous menons contre l’initiative « contre les juges étrangers », aussi appelée initiative sur l’autodétermination, sur laquelle nous voterons en novembre. Nos lectrices et lecteurs nous pardonneront de prendre un peu d’avance sur l’agenda politique de cet automne : c’est que cette campagne est importante pour le CCSI, comme le montre l’article que vous pourrez découvrir ci-dessous.

Les partisans de cette initiative ne manqueront pas d’insister sur l’aspect migratoire, arguant que les « juges de Strasbourg » empêchent la Suisse d’appliquer la volonté populaire en bloquant les expulsions de « criminels étrangers ». Pourtant, les véritables enjeux de cette votation sont clairs : cette initiative est une attaque frontale contre les droits humains, mais aussi contre les principes fondamentaux d’un État de droit, la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. Elle doit donc être rejetée sans équivoque.

Reste une erreur à ne pas commettre : celle de minimiser l’importance d’aller voter le 25 novembre. Le risque existe, particulièrement à Genève. Vu d’ici, où la population tend à être plus ouverte sur ces questions que dans d’autres régions du pays, il peut en effet sembler inimaginable que cet objet soit accepté. Ce d’autant plus que cette initiative réussit l’exploit de réunir contre elle non seulement tous les partis de gauche, mais également toute la droite (à l’exclusion de l’UDC bien sûr), les syndicats, le patronat, Economiesuisse, et une très large coalition d’actrices et d’acteurs de la société civile.

Pourtant, trois raisons au moins plaident pour une forte mobilisation autour de cette votation, que certain·e·s disent « pliée d’avance ». La première, c’est que l’histoire récente nous a appris à nous méfier des scrutins « pliés d’avance »… Pour ma part, je préfère renvoyer mon bulletin que de vivre avec le regret de ne pas m’être exprimée sur un objet qui me tenait à cœur, mais dont j’estimais qu’il n’avait aucune chance de passer.

La seconde, c’est qu’il s’agit d’une initiative populaire, et qu’une double majorité du peuple et des cantons est nécessaire à son acceptation : ainsi, le nombre total de voix contre ce texte pourrait s’avérer déterminant pour faire basculer le résultat définitif vers le non. La troisième, c’est que l’UDC et les forces du repli nationaliste qui l’entourent s’appuie sur les scores réalisés par ses initiatives pour faire progresser son programme xénophobe aux Chambres fédérales. L’année 2019 est une année électorale sur le plan fédéral, et il serait souhaitable que l’UDC ne l’entame pas sur un succès populaire. Aux urnes, citoyennes et citoyens !

Marianne Halle


Initiative « autodétermination » : une campagne au niveau romand

Un comité romand large pour la défense de nos droits

Dès le printemps 2018, à l’initiative de Stopexclusion, un comité romand a commencé à s’organiser en vue de la campagne de votation du 25 novembre prochain sur l’initiative de l’UDC « le droit suisse au lieu de juges étrangers », dite aussi « initiative pour l’autodétermination ». Dans la mesure où cette initiative s’attaque directement à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : CEDH), et à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg  chargée de la mettre en œuvre, il est essentiel que tous les groupements et associations concernés par la défense des droits fondamentaux de différentes catégories de la population s’unissent et fassent front commun contre cette initiative.

Après plusieurs mois de travail, le comité romand regroupe aujourd’hui environ 25 organisations, parmi lesquelles des sections syndicales et de partis de gauche et du centre, des associations de juristes, de défense des droits de l’homme, des organisations de jeunes, des milieux LGBT, de défense des réfugié·e·s et des migrant·e·s, etc. Des contacts sont en cours pour continuer à élargir ce comité.

Sur la base du constat que l’initiative de l’UDC, sous prétexte « d’autodétermination », vise en réalité à s’attaquer à la CEDH, le comité romand a choisi de faire campagne sous le mot d’ordre « Non à l’initiative anti-droits humains ».

Le CCSI : un membre actif du comité romand

Depuis le début, en tant que membre de Stopexclusion, le CCSI a été partie prenante de la mise en place du comité romand, et participera activement dans ce cadre à la campagne pour le Non à l’initiative. Pour notre association, la défense des droits fondamentaux des personnes migrantes est la base de notre travail quotidien. Il est donc évident pour nous que le droit international (dont fait partie la CEDH), en tant qu’il contribue à renforcer la protection des droits humains, doit être défendu.

Concrètement, le CCSI s’attache notamment, depuis sa création, à défendre les droits des enfants sans statut légal, les droits des femmes migrantes, ou encore le droit au regroupement familial. La défense de ces droits ne s’appuie pas uniquement sur l’application de la législation suisse, mais également sur le droit international, par exemple la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant, la Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et bien sûr la CEDH (voir les exemples ci-contre). La particularité de la CEDH est de permettre à tout individu qui estime avoir été lésé dans ses droits fondamentaux de s’adresser à la Cour européenne, dont les décisions ont un effet contraignant à l’égard des États.

Il s’agit donc d’un ultime recours contre le risque d’arbitraire dans les décisions judiciaires étatiques. Contrairement à ce que prétendent les initiants, il ne s’agit nullement d’une ingérence dans la souveraineté de la Suisse, puisque celle-ci a librement décidé de ratifier, en 1974, la CEDH et a ainsi accepté la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme. Rappelons également que la Cour est composée de juges représentant les 47 États membres du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait évidemment partie.

Quelques exemples de décisions de la Cour européenne des droits de l’homme

Depuis la ratification de la CEDH par la Suisse en 1974, environ 6000 plaintes ont été déposées contre la Suisse devant la Cour européenne. Toutefois, ce n’est que dans moins d’une centaine de cas (soit un pourcentage de 1,6%) que la Cour a condamné la Suisse pour violation de la CEDH.

Dans le domaine du droit des étrangers, la Cour a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur des décisions prises par les autorités suisses. Nous citerons ci-dessous quelques arrêts, rendus sous l’angle de la protection de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).

  • Dans un arrêt (H. c/ Suisse) du 11 juin 2013, la Cour a considéré que le refus d’une demande de regroupement familial formée par une ressortissante de Bosnie-Herzégovine (qui avait séjourné en Suisse depuis plus de 20 ans), au motif des dettes du couple et de sa dépendance à l’aide sociale, était disproportionné et violait l’art. 8 CEDH.
  • Dans l’affaire P. c/ Suisse, la Cour a rendu un arrêt le 30 juillet 2013, concernant une ressortissante des Philippines, mère d’un enfant né en 2001 dont le père avait la nationalité suisse. En 2002, elle fut renvoyée de Suisse et retourna aux Philippines avec l’enfant. En 2004, à l’occasion de son droit de visite, le père garda l’enfant auprès de lui. En 2010, la mère obtint un droit de visite sur son enfant, à exercer en Suisse, alors qu’elle n’avait pas le droit d’y séjourner. Le refus des autorités suisses de lui accorder une autorisation de séjour a été attaqué avec succès devant la Cour, qui a jugé que ce refus violait le droit au respect de la vie familiale.
  • Dans une autre affaire (M.P.E.V et autres c/ Suisse), la Cour a rendu un arrêt le 8 juillet 2014. Il s’agissait d’un couple de ressortissants équatoriens, dont la demande d’asile avait été rejetée par la Suisse. Une des filles du couple avait grandi en Suisse depuis l’âge de 2 ans. Pour cette raison, l’enfant et sa mère ont été mises au bénéfice d’une admission provisoire, alors que le père était expulsé. La Cour a annulé cette décision d’expulsion, sur la base du droit à la vie familiale.
  • Dans un arrêt rendu le 8 novembre 2016 (E.G c/ Suisse), la Cour a estimé qu’en refusant la demande de regroupement familial présentée par un père de nationalité suisse et égyptienne pour son fils de 15 ans se trouvant en Egypte, les autorités suisses avaient violé le droit au respect de la vie familiale, et également la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, en ne prenant pas suffisamment en compte le bien-être de l’enfant.

On le voit, la CEDH joue un rôle important dans la défense des droits des personnes migrantes, particulièrement dans le contexte d’une politique migratoire de plus en plus restrictive. C’est pourquoi le CCSI appelle résolument à voter non à cette initiative.

Anne-Marie Barone


Soutenez la campagne du comité romand !

Le budget prévu pour cette importante campagne est d’environ CHF 60’000.-, et le comité romand est encore loin de les avoir réunis ! Tous vos dons sont les bienvenus ! Vos versements peuvent être adressés à :

Coordination contre l’exclusion et la xénophobie – 1200 Genève 

CCP 17-78082-7

IBAN CH40 0900 0000 1707 8082 7 (Mention: comité IADHnon)


Agenda de campagne

Une conférence intéressante aura lieu à Genève le 1er octobre à 13h à Uni Mail, salle S130 : La Cour européenne des droits de l’Homme: Enjeux et défis, Vue de l’intérieur par Monsieur Paulo Pinto de Albuquerque,  Juge à la CrEDH.

Pour en savoir plus, et rester au courant des futurs événements de campagne, rendez- vous sur le site www.non-initiative-anti-droits-humains.ch.


Femmes migrantes victimes de violences : à quand de vraies mesures ?

Dans un communiqué de presse de juillet 2018 accompagnant l’adoption du rapport intitulé « Pratique suivie en matière de droit de séjour des victimes étrangères de violences conjugales », le Conseil fédéral annonçait être parvenu à la conclusion que le cadre légal actuel offre une protection suffisante aux femmes étrangères victimes de violences conjugales.

Impulsé en 2009 par le CCSI, le groupe de travail « Femmes migrantes et violences conjugales » (ci-après le GT) s’engage depuis de nombreuses années pour qu’aucune femme ne soit contrainte de rester dans une union conjugale dans laquelle elle subit des violences par crainte de perdre son autorisation de séjour. C’est donc avec intérêt qu’il s’est penché sur ce rapport, dont il salue la publication.

Le GT demeure toutefois préoccupé par certains aspects problématiques. Il regrette ainsi particulièrement que la notion « d’intensité de la violence » ne soit pas remise en question dans ce rapport. En effet, dans le cadre de l’examen des situations, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) exige que les violences subies aient atteint une « certaine intensité » pour octroyer la prolongation d’une autorisation de séjour malgré la dissolution du mariage. Cette question a pourtant été soulevée à maintes reprises par le GT (notamment devant des comités onusiens), mais aussi par le Bureau fédéral pour l’égalité, qui avait critiqué cette notion en 2012 déjà.

Le GT souligne en outre que la prise en compte des preuves des violences subies par les différentes autorités chargées de traiter les demandes n’est pas toujours satisfaisante. Comme le montre un cas récent (celui de « Chirine », documenté par l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers), le SEM refuse aujourd’hui encore d’octroyer une prolongation du permis à des victimes avérées de violences conjugales, dont les traumatismes sont pourtant dûment attestés par les médecins et spécialistes. Ce n’est qu’après que la mandataire a interpellé la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga que le SEM a reconsidéré sa position.

La prise de position du GT ainsi que le rapport du Conseil fédéral sont disponibles sur le site internet du CCSI, suivez ce lien pour les trouver.


Vivre sans papiers: résultats d’enquêtes

Comment vit-on à Genève sans autorisation de séjour ? Quelles conséquences cela peut-il générer sur le parcours, la santé ou encore l’emploi des personnes concernées ? Plusieurs études menées par des chercheurs·euses universitaires sont actuellement en cours. Elles portent tant sur des questions médicales que sur des aspects plus sociologiques, voire économiques.

Or pour ces chercheurs et chercheuses, l’opération Papyrus – qui a déjà permis à plus d’un millier de personnes de régulariser leur séjour à Genève – représente une aubaine : la possibilité de mesurer l’impact d’une sortie de la clandestinité sur ces différents paramètres. Le CCSI a apporté son concours à ces études, en offrant son expertise, et en encourageant les personnes concernées à y participer. Nous nous réjouissons d’en découvrir les premiers résultats lors du :

Symposium scientifique « Vivre sans papiers : parcours, emploi et santé »

6 Novembre 2018, Uni Mail, salle MS 160