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CCSI-Info novembre 2018

Publié le 15 novembre, 2018 dans , ,

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Édito| Marianne Halle

Avec l’arrivée des premiers frimas, j’ai pensé partager avec vous une réflexion sur un concept entendu l’autre jour. À l’occasion d’un symposium consacré aux conditions de vie des sans-papiers (voir ci-dessous), le professeur Alexander Tsai a décrit un mécanisme appelé « chilling effect » (l’effet « coup de froid », en traduction libre). Il s’agit de l’effet négatif involontaire induit par une politique ou une législation sur l’exercice de droits légitimes.

En l’occurrence, le professeur Tsai décrivait le chilling effect induit par le climat de peur généralisée qui règne aux Etats-Unis en raison de la politique d’arrestations et de déportations pratiquée par la police migratoire. Les chercheurs ont par exemple constaté une baisse du recours des femmes migrantes enceintes aux services de santé auxquels elles avaient droit pendant la grossesse. Plus inquiétant, cette diminution affectait non seulement les femmes sans statut légal, mais également celles qui avaient un permis et n’avaient de fait pas à craindre d’être déportées.

Si j’évoque ce concept, c’est que la prochaine entrée en vigueur de la LEI (Loi sur les étrangers et l’intégration, qui succède à la Loi sur les étrangers), dont nous vous avons déjà parlé plusieurs fois, fait craindre un chilling effect similaire. La loi prévoit en effet que désormais, à chaque renouvellement de permis (y compris pour les permis C !), l’intégration des personnes étrangères devra être considérée comme réussie pour que le renouvellement soit accordé.

Or parmi les éléments qui pourront être retenus contre la personne figurent non seulement les éventuels délits graves commis, mais également une exclusion de l’école, des compétences linguistiques insuffisantes ou encore la dépendance à l’aide sociale. Le tout assorti d’une obligation faite aux services concernés de de communiquer ces éléments de manière automatique avec les autorités migratoires.

Je suis prête à parier que dans ce climat de surveillance constante, nous ne tarderons pas à voir arriver au CCSI des personnes qui renoncent à des prestations et à des droits qui ne sont pourtant par touchés par cette révision législative. Penser aux conséquences en cascade de ce non-recours, ça jette un froid, non ?


N’oubliez pas de voter !

La votation sur l’initiative anti-droits humains (appelée aussi « initiative sur l’autodétermination ») a lieu le 25 novembre. Le CCSI participe à la campagne romande menée contre cette initiative, et vous encourage à prendre connaissance de l’argumentaire développé dans ce cadre. Nous espérons qu’il vous convaincra de la nécessité d’aller voter, et de rejeter fermement ce texte.

Nous vous rappelons également que la campagne a toujours besoin de renforts (les derniers tractages ont lieu cette semaine), ainsi que de votre soutien financier. Vous retrouverez toutes les informations ici.


Une nouvelle arrivée au CCSI

Au printemps dernier, le CCSI a pris congé de deux collaboratrices de longue date : Laetitia Carreras et Christine Pittet. Laetitia a quitté le CCSI pour de nouveaux horizons professionnels après 17 ans dans la consultation Petite enfance, santé et genre. Elle avait notamment beaucoup travaillé avec les femmes sans statut légal pour défendre leurs droits, tant en faveur d’une régularisation collective que pour améliorer leurs conditions de travail dans le secteur de l’économie domestique. Elle s’était également fortement engagée pour défendre le mouvement associatif et les spécificités qui sont les siennes. Ces dernières années, elle s’était par exemple investie au sein du CAPAS (Collectif d’associations pour l’action sociale) autour de la question du report de charges des collectivités publiques vers les associations.

Christine Pittet a quant à elle pris une retraite bien méritée, après plus de 11 années passées à défendre inlassablement les droits des enfants sans statut légal au sein de la consultation École et suivi social. Outre l’accompagnement chaleureux et compétent qu’elle offrait aux familles qui consultaient le Centre, Christine a également développé plusieurs supports pédagogiques pour promouvoir les droits des personnes migrantes auprès du grand public. Le CCSI lui doit notamment l’exposition et la brochure « Impasses et espoirs » créées à l’occasion des 20 ans du droit à l’éducation, ainsi que le recueil de témoignages « Paroles migrantes » édité pour les 40 ans du CCSI. Nous les remercions toutes les deux très chaleureusement pour leur engagement et leur souhaitons le meilleur pour la suite.

Une consultation repensée

Ces deux départs ont été l’occasion pour nous d’interroger notre fonctionnement interne et de repenser l’organisation des consultations. Nos réflexions nous ont amenés à la conclusion qu’il faisait sens de réunir désormais les deux consultations qui reçoivent les familles avec enfants sans statut légal en une seule consultation Enfance, éducation et santé. D’une part, les démarches effectuées dans le cadre de l’accompagnement individuel fourni par ces consultations se recoupent en effet beaucoup. De l’autre, cette réorganisation permet une meilleure répartition du travail collectif au sein de l’équipe. À noter que ce changement se fait sans aucune perte en termes de temps de travail.

Bienvenue à Camille !

Nous sommes ravis de pouvoir compter désormais sur les compétences de Camille Grandjean-Jornod, qui rejoint l’équipe dès le mois de novembre. Jusqu’à présent chez Amnesty Suisse, après avoir travaillé au CSP et à Vivre ensemble, Camille intègre la consultation Enfance, éducation et santé. Elle y rejoint Amanda Schroeder et Teresa Lourenço, toutes deux déjà actives au sein de la consultation depuis de nombreuses années. Nous souhaitons à Camille la plus cordiale bienvenue et nous réjouissons beaucoup de travailler avec elle.

Enfin, nous tenons à remercier vivement Loïse Sierro d’avoir assuré l’intérim avec énergie et compétence – nous n’aurions pas pu fonctionner sans elle. Nous lui souhaitons plein succès pour les études qu’elle débute et espérons avoir le plaisir de la recroiser à l’avenir.


Soutien aux jeunes en difficulté : initiative pour le mentorat

Chaque année, des centaines d’enfants et de jeunes se trouvent en difficulté scolaire. Exacerbées par une situation familiale compliquée, un parcours migratoire récent ou la complexité du système scolaire, ces difficultés peuvent mener certains jeunes au décrochage scolaire, voire à l’exclusion du système éducatif et de formation. Ces situations sont cause de souffrances pour ces jeunes et leurs familles, et portent atteinte à la cohésion sociale. Car toutes les familles ne sont malheureusement pas égales devant l’institution scolaire.

L’une des solutions qui a montré des signes encourageants ces dernières années est le mentorat. Assuré par des centaines d’adultes bénévoles dans le canton de Genève, ce service propose de créer une relation privilégiée entre un·e adulte de référence et un·e jeune en difficulté. Les mentor·e·s s’efforcent de recréer du lien entre les jeunes, la famille et le système éducatif, d’enseignement et de formation. Ils et elles ne se substituent ni à l’école ni à la famille, mais apportent leur soutien à l’enfant ou au jeune qu’ils/elles accompagnent et à son entourage dans une collaboration concrète avec les directions d’établissement, les enseignant·e·s et les équipes éducatives. En encadrant les élèves et les apprenti·e·s en difficulté, les mentor·e·s ont aussi pour tâche de mettre en évidence et de lutter contre les inégalités sociales qui pénalisent les familles concernées, dans leur rapport à l’école.

Afin de promouvoir et de soutenir le mentorat à l’avenir, un groupe de citoyennes et de citoyens ont lancé une initiative cantonale intitulée « Personne dans la marge », qui vise à inscrire le mentorat dans la Constitution genevoise. Le CCSI, à l’instar de nombreuses autres associations actives auprès des familles migrantes du canton de Genève, a décidé de soutenir cette initiative. Nous vous encourageons donc à la signer, et à renvoyer les feuilles au comité d’initiative avant le 15 janvier 2019. Toutes les informations nécessaires ainsi que les feuilles de signatures sont disponibles sur cette page.


Intégration, participation et citoyenneté

L’une des mesures prévues dans le cadre du Programme d’intégration cantonal est de « favoriser l’émergence de formes non-conventionnelles de participation politique en faveur des résidents étrangers ». Le Bureau de l’intégration des étrangers (BIE) a ainsi mandaté l’Université de Genève, qui présenté en septembre les résultats d’une recherche-action menée à Vernier sur ce sujet.

Il ressort de cette étude qu’à travers des formes non-conventionnelles de participation (ne dépendant pas du droit de vote), on favorise l’intégration de tous les membres d’une collectivité. La cohésion sociale et la citoyenneté locale en ressortent renforcées. A découvrir sur le site de l’État de Genève consacré à l’intégration.


Sans-papiers: construire la connaissance

La population sans statut légal est par définition un objet d’étude particulier : absente de tous les registres, vivant dans l’ombre et la crainte, active dans les secteurs les plus informels de l’économie, il est souvent difficile pour les chercheurs·euses d’obtenir des données suffisamment fiables pour rendre des résultats scientifiquement crédibles. Le symposium tenu le 6 novembre dernier à l’Université de Genève en était d’autant plus remarquable : toute une journée consacrée à rendre compte des recherches (dont plusieurs auxquelles le CCSI a contribué) menées récemment ou encore en cours autour des sans-papiers. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé (la salle était comble), venant d’horizons très divers : étudiant·e·s, chercheurs·euses, fonctionnaires et politiques, médias, mais aussi militant·e·s et associations d’aide aux migrant·e·s, de même que quelques personnes directement concernées.

Ces recherches ont notamment été rendues possibles par le lancement de l’opération Papyrus, qui met soudainement en contact avec le monde officiel une cohorte importante de personnes sans statut légal. L’étude Parchemins, la recherche phare présentée lors du symposium, permettra de suivre cette cohorte sur plusieurs années, et de mesurer ainsi l’impact de la régularisation sur une toute une série de facteurs de vulnérabilité dans la durée. Ces résultats sont très attendus, car la régularisation est un moment complexe qui entraîne souvent, dans sa première phase, une fragilité importante pour les personnes concernées. Connaître leur évolution sur une durée plus longue suscite de l’intérêt bien au-delà des milieux académiques. Et les premiers résultats sont encourageants : même avec aussi peu de recul, la régularisation a déjà des effets positifs sur la santé (notamment mentale), et réduit le risque de pauvreté.

Toutes les conférences de la journée ont été filmées et peuvent être visionnées sur le site du département de sociologie.


Initiatives sur la santé: le délai approche

En 2017 et début 2018, le CCSI a mené une réflexion sur les problématiques liées à la santé, en particulier pour les personnes migrantes en situation de précarité (voir notamment les numéros de novembre 2017 et juillet 2018). Les constats que nous en avons tirés sont alarmants : l’accès aux soins de santé est mis à mal pour une part toujours plus importante de la population par la complexité du système suisse d’assurance maladie, ainsi que par le coût démesuré de primes.

C’est pourquoi nous soutenons tous les efforts visant à transformer le système actuel pour le rendre plus juste et plus accessible à toutes et tous. Deux initiatives fédérales sont actuellement en cours de récolte de signatures, avec un délai au 21 janvier 2019 :

  • l’initiative « Pour un Parlement indépendant des caisses-maladie», qui vise à restreindre le pouvoir du lobby des assurances aux Chambres fédérales (feuilles de signatures à télécharger sur https://stop-lobby-assureurs.ch/).
  • l’initiative « Assurance-maladie. Pour une liberté d’organisation des cantons», qui vise à permettre aux cantons de créer une institution chargée notamment de fixer et d’encaisser les primes cantonales, fixées en fonction des coûts effectifs (feuilles de signatures à télécharger sur https://primesplusjustes.ch/).