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CCSI-Info septembre 2024

Publié le 19 septembre, 2024 dans ,

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Édito

Pour la démocratie: un droit de citoyenneté moderne

La Suisse est l’une des plus anciennes démocraties du monde. Elle a montré sa vitalité en reconnaissant enfin le droit de vote aux femmes en 1971 : la moitié de la population a ainsi obtenu le droit d’exprimer son opinion sur la gestion du pays. Aujourd’hui, un quart des habitants de la Suisse sont exclus du processus démocratique parce qu’ils n’ont pas de passeport suisse ; dans la ville de Genève, pas moins de 49% des habitants n’ont pas voix au chapitre. Cette situation insatisfaisante est également due aux règles de naturalisation qui, comme l’a montré la récente étude de la Commission fédérale des migrations, sont très strictes et sélectives.

L’initiative pour la démocratie propose un droit de citoyenneté moderne pour remédier à ce déficit démocratique. Elle demande que toute personne ayant vécu légalement en Suisse pendant cinq ans et remplissant les critères de résidence et d’intégration fixés par le gouvernement fédéral avec des normes uniformes pour l’ensemble du pays puisse demander la naturalisation ordinaire et avoir le droit de se voir accorder la citoyenneté par l’autorité administrative.

L’initiative a été lancée par « Action Quatre-Quarts », une association à but non lucratif politiquement et confessionnellement neutre. Elle rassemble des personnes de la société civile, dont de nombreux descendants d’immigré·e·s, qui s’intéressent aux questions de migration, de démocratie et de participation sociale et politique en Suisse. Pour une information plus détaillée, consulter le site Internet https://www.aktionvierviertel.ch/fr/

En faveur d’un élargissement de la base démocratique électorale dans le canton de Genève, le CCSI s’est toujours engagé pour les droits politiques des résidents étrangers. Il soutient aujourd’hui cette initiative fédérale pour la démocratie qui poursuit ce même objectif par un autre biais, des règles de naturalisation en phase avec notre temps.

Le renforcement de la démocratie est dans l’intérêt de tout le pays. La collecte des signatures se poursuit jusqu’à la mi-novembre 2024.

Rosita Fibbi & Emilie Flamand

Plus d’informations sur https://democratie-initiative.ch/

Les feuilles de signatures peuvent être téléchargées ici. Merci à toutes et tous !

 


Femmes migrantes et violences conjugales: une avancée majeure pour les victimes

Le 14 juin passé, le Parlement a adopté une modification de l’article 50 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI). Le CCSI salue cette décision, qui intègre en partie ses revendications et les propositions qu’il a soumises au Conseil National lors de la procédure de consultation sur l’avant-projet.

Dans cette interview réalisée fin août, notre collègue Eva Kiss, de la Consultation Permis de séjour, et Mariana Duarte, membre du Comité du CCSI, reviennent sur les enjeux de cette révision, qui résulte notamment de la mobilisation du Groupe de travail romand Femmes migrantes & Violences conjugales dont fait partie le CCSI depuis sa création en 2009.

Question: Vous avez toutes les deux suivi de près le projet de révision de l’art. 50 LEI. Quelles sont les implications majeures de cette modification de la loi ?

Eva: Avec cette nouvelle réglementation, la Suisse étend de manière significative le droit à l’octroi et à la prolongation du titre de séjour en Suisse. Ce droit concernera désormais toutes les victimes de violence domestique dont le permis de séjour dépend en principe de la vie commune avec leur conjoint ou concubin. Cette modification met fin à une inégalité de traitement entre les victimes notamment selon la nationalité ou le type de permis de leur partenaire. Elle va également permettre de défendre davantage de situations en utilisant toutes les voies de recours possible, y compris devant le Tribunal fédéral – une possibilité qui n’existe actuellement (et jusqu’à l’entrée en vigueur de la modification) que pour les victimes mariées avec une personne de nationalité suisse ou détenant un permis C.

Mariana: oui, il s’agit clairement d’une avancée majeure! Qui permet par ailleurs à la Suisse de se conformer davantage à la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe qu’elle a ratifiée avec une réserve justement à cause de l’ancienne formulation très restrictive de cet article 50.

Q: Quelles sont les autres dispositions qui ont été précisées ou modifiées par les parlementaires?

Eva: Les indices et éléments qui peuvent indiquer l’existence des violences subies sont désormais listés dans la loi et incluent spécifiquement les rapports des services spécialisés dans le domaine de la protection ou du soutien aux victimes de violence. Ce changement peut être vu comme le renforcement de l’obligation des autorités de prendre en considération ces indices et éléments lors de l’examen des situations. L’exigence de fournir des preuves de ce qu’elles ont subi est une démarche difficile et souvent traumatisante pour les victimes. Il est par conséquent essentiel que les évaluations des professionnels auprès desquels elles cherchent de l’aide, et dont l’expertise est reconnue, soient considérées au même titre que d’autres moyens de preuve.

Le remplacement du terme violence conjugale par violence domestique signifie d’autre part que la protection juridique s’étend désormais aux enfants également.

Q: La proposition d’octroyer aux victimes un délai de 3 ans après leur séparation pour se (ré)intégrer professionnellement et devenir autonomes financièrement n’a, elle, pas été retenue. Quelle en est la conséquence?

Eva: Cela signifie que faire renouveler un permis, valable en principe pour une année, va rester très problématique en cas de dépendance à l’aide sociale, en particulier lors de la deuxième et troisième prolongation. Or nous savons combien les conséquences des violences subies peuvent être lourdes pour les victimes et peser sur leur vie quotidienne. Nous aurions donc souhaité que cette exigence ne soit pas appliquée durant les 3 années suivant la séparation, afin de donner à ces femmes le temps et les moyens de se reconstruire et (ré)intégrer durablement dans la société.

En outre, il arrive souvent que les femmes ayant quitté le domicile conjugal suite à des violences soient victimes d’actes de représailles de la part de leur ex-conjoint après la séparation. Nous estimons que ces actes devraient également être pris en considération lors de l’évaluation de la situation, ainsi que le préconise l’art.3 de la Convention d’Istanbul, et nous continuerons à œuvrer pour que la jurisprudence en tienne compte.

Q: Le CCSI, comme d’autres associations, déplore le fait qu’à la difficulté de prouver les violences subies s’ajoute celle de démontrer leur intensité, une exigence découlant de la jurisprudence du Tribunal Fédéral (TF) et qui, malgré un précédent changement de la loi en 2012, existe toujours. Quelles sont les perspectives de voir cette exigence disparaitre ?

Eva: L’exigence de prouver des violences d’une certaine intensité et systématiques n’a jamais été mentionnée dans la loi. Selon la formulation initiale de l’art. 50, pour renouveler un permis obtenu par regroupement familial en cas de séparation due à des violences subies, il fallait non seulement prouver ces violences, mais également démontrer que la réintégration sociale de la victime dans son pays d’origine était fortement compromise. C’est dans ce contexte de double condition que le TF a affirmé que dans certaines situations il suffisait de prouver les violences, mais que, dans ce cas, celles-ci devaient être d’une certaine intensité. Malgré la modification de l’art. 50 LEI en 2012 qui a mis fin à l’existence de cette double condition, le TF n’a pas modifié sa position, voire l’a durcie en exigeant également de démontrer avoir subi des violences systématiques. Nous le regrettons car avons toujours estimé que ce critère d’intensité était sujet à interprétation et que l’exigence de fournir des preuves pour le remplir était trop élevée.

Mariana: Cette question de l’intensité a été soulevée à maintes reprises tant par les organisations de la société civile que par les organes internationaux que nous avons saisis. Elle a aussi été évoquée récemment dans le débat parlementaire. Il faut donc espérer que les juges fédéraux interprèteront la décision du Parlement comme une expression de leur volonté de voir ce critère d’intensité assoupli, voire supprimé. Mais cela reste à vérifier dans la pratique !

Q: Vous êtes toutes deux membres du Groupe de travail « Femmes migrantes & violences conjugales » depuis sa création. Dans quelles circonstances ce GT s’est-il constitué et mobilisé pour influencer la présente révision ?

Eva: J’ai rejoint le CCSI quelques mois avant l’entrée en vigueur de la LEtr, devenue LEI par la suite, dont l’article 50 précisait explicitement le droit des victimes de violences conjugales au renouvellement de leur permis malgré la séparation du couple. C’était une grande avancée à l’époque, mais comme je l’ai mentionné plus tôt, il fallait démontrer non seulement l’existence de violences, mais aussi l’impossibilité pour les victimes de se réintégrer dans leurs pays de provenance. Courant 2008, j’ai suivi plusieurs dossiers de victimes dans lesquels il était extrêmement difficile, voire impossible, de répondre à cette double exigence. Je me suis donc très vite rendu compte de la nécessité de faire évoluer le cadre légal et son application.

Mariana: A cette époque, je travaillais sur la violence à l’égard des femmes au sein de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Pour mieux comprendre ce qu’il en était en Suisse, j’ai participé en 2008 à un Colloque où Laetitia Carreras, la responsable de la Consultation Petite-enfance, santé et genre du CCSI, animait un groupe de travail dédié à cette problématique. Lors de cet échange, l’idée a germé de porter la question de la protection insuffisante des migrantes victimes de violences conjugales devant les Comités contre la Torture et pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de l’ONU. Cela s’est concrétisé fin 2008 et début 2009, avec la soumission par le CCSI et l’OMCT de deux interventions sur lesquelles Eva et moi-même avons étroitement collaboré.
Le GT romand Femmes migrantes & violences domestiques est né dans la foulée, et comprenait à l’époque une dizaine d’autres associations de Suisse romande (dont le CSP Vaud, Camarada, le CSI-Valais, le syndicat SIT, Solidarité Femmes, …). La présence en son sein d’organisations œuvrant pour les droits des personnes migrantes, de syndicats et de structures de défense des droits des femmes a permis de décloisonner les choses et de mutualiser les connaissances et expériences terrain de chaque entité. Grâce au travail mené par les organisations membres et aux recommandations portées par le GT devant l’ONU ou le Conseil de l’Europe, nous sommes peu à peu parvenus à sensibiliser et mobiliser des acteurs de Suisse allemande, y compris au niveau politique, comme en témoigne le projet de modification de l’art. 50 LEI, porté par des parlementaires des deux côtés de la Sarine.

Eva: Il faut aussi relever ici que le GT a beaucoup bénéficié de sa collaboration avec l’ODAE-romand, créé à la même époque que notre GT, et dont la mission est de documenter l’application du cadre légal relatif aux étrangers et au domaine de l’asile sur la base de cas individuels soumis par les associations. Cette collaboration a notamment permis la publication, en 2011, d’une brochure traitant de la question des femmes migrantes victimes de violences conjugales. Cette brochure, dont la 3e édition est parue en 2016, a grandement contribué à sensibiliser le public à la problématique, et continue d’être un outil extrêmement utile.

Q: Quelles sont désormais les priorités et axes de mobilisation du GT ?

Mariana: Nous allons poursuivre notre travail de veille et de lobbying, notamment sur la question du critère d’intensité des violences subies. A terme, nous aimerions aussi que les permis obtenus par regroupement familial soient des permis autonomes, c’est-à-dire ne dépendant pas de la vie commune des conjoints, afin de réduire la dépendance au sein d’un couple et de rendre moins difficile une séparation en cas de violences.

Eva: Il est certain que nous allons aussi continuer à collecter des cas et les soumettre à l’ODAE. Car la modification de l’article 50 démontre combien le travail de terrain, la documentation des cas et la mobilisation sur la durée d’un réseau d’associations sont nécessaires pour faire évoluer la législation, améliorer la pratique des autorités et – in fine – mieux protéger les droits des personnes étrangères et de leurs familles en Suisse.

Propos recueillis par Brigitte Gremaud


L’allocation scolaire fait des émules

Après la Ville de Genève et Collonge-Bellerive, Lancy a rejoint cet été les rangs des communes proposant une allocation de rentrée scolaire à leurs écoliers et écolières. Depuis juin 2024, la commune verse 100.- à chaque élève de l’école primaire vivant à Lancy et bénéficiant d’un subside pour l’assurance-maladie. Les familles concernées doivent déposer leur demande entre juin et octobre auprès du service social communal.

Le format et le montant varie selon les communes, mais partout cette prestation poursuit le même but : aider les familles à revenus « modestes » à faire face aux dépenses de rentrée. Ce coup de pouce unique (les montants varient entre 100.- et 180.- par enfant selon la commune et le degré scolaire) peut sembler anecdotique. Toutefois, les retours des familles suivies au CCSI illustrent le sens de cette prestation. Nous rencontrons au quotidien des familles dont le budget ne permet pas la moindre marge, et pour qui acheter un sac d’école, des affaires de gym ou des chaussures signifie renoncer à une autre dépense indispensable – par exemple rogner sur un budget nourriture déjà très serré. Pour les enfants, (re)prendre le chemin de l’école avec du matériel adapté et similaire à celui des camarades permet aussi de limiter les risques de stigmatisation dans un préau qui n’échappe souvent pas aux discriminations. Alors qu’une étude menée par l’Université de Berne vient encore de souligner à quel point notre système éducatif peine à réaliser l’égalité des chances, toutes les actions visant à réduire les inégalités sont à encourager.

Au moment de lancer cette nouvelle prestation, la commune de Lancy a d’emblée veillé à inclure les familles sans statut légal. Celles-ci ne peuvent dans leur majorité pas suivre la procédure prévue pour des raisons techniques : impossibilité de vérifier leur domicile dans la base de données Calvin et difficultés d’accès à un compte en banque alors que l’allocation est versée par virement. Dès lors, la commune a prévu une procédure alternative, avec la collaboration de la consultation Enfance, éducation et santé. Les familles concernées peuvent s’adresser à leur assistante sociale au CCSI pour être orientées et accompagnées dans cette démarche.

Le CCSI se réjouit que Lancy se soit préoccupée de garantir l’accès de tous les enfants de la commune à cette nouvelle prestation. Nous y voyons le fruit des efforts réalisés au fil des années par notre association pour bâtir une collaboration solide avec un maximum de communes genevoises et les sensibiliser aux réalités des familles sans statut légal vivant sur leurs territoires.

Camille Grandjean-Jornod


A l’agenda du CCSI prochainement !

 

Le 28 septembre dès 14h, toute l’équipe sera à Berne

pour participer à la manifestation organisée par Solidarité sans Frontières.

Rejoignez-nous! et ensemble mobilisons-nous en faveur d’une société sans frontières et diversifiée,

au sein de laquelle les droits de chacun et chacune sont respectés.

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Egalité des droits des immigrés
50 ans d’action !

Cette année, le CCSI célèbre un demi-siècle d’existence et d’engagement.

Pour fêter avec vous ce jubilé, nous avons prévu une série d’événements entre décembre 2024 et mai 2025, auxquels tous nos membres, usagers, partenaires et amis seront invités.

Plus d’informations à suivre dans le prochain CCSI-Info, sur notre site web ou notre nouvelle page Facebook

A très vite !